La logothérapie

Notes de lecture jeudi 14 septembre 2006. Franckl Victor : “Découvrir un sens à la vie” ; Editions de l’homme. “Des raisons de vivre” (tome I) ; Éditions du tricorne
Victor Franckl décrit une approche systémique basée sur la recherche du sens de la vie. Nous sommes au niveau de la névrose noogénique.


A) Découvrir un sens à sa vie

Première partie : L’expérience des camps

Frankl demande souvent à ses patients : « Pourquoi ne vous suicidez-vous pas ? ». Dans leurs réponses il trouve les grandes lignes de la logothérapie. La logothérapie est la version de l’analyse existentielle moderne. Son objet, son défi est d’entrelacer les fils ténus d’une vie brisée afin d’en faire un modèle de sens et de responsabilité. Pour Freud, l’angoisse consécutive à des désirs inconscients et contradictoires est à l’origine des névroses. Pour Frankl il existe des névroses imputables à l’incapacité de trouver un sens à sa vie et de se sentir responsable. Freud met la frustration dans la vie sexuelle, Frankl dans la volonté de sens

A propos de son internement pendant 3 ans à Dachau, il se demande comment réagit l’homme lorsqu’il se rend compte qu’il n’a plus rien à perdre en dehors d’une vie absurdement dépouillée. Vivre c’est souffrir, survivre c’est trouver un sens à sa souffrance. Si la vie a un sens, il doit y avoir un sens à la souffrance et à la mort. Chaque individu doit trouver sa propre réponse et assumer la responsabilité que cette réponse implique. L’homme est toujours capable de transcender sa situation et de découvrir la vérité qui le guide. Ceux qui avaient perdu la volonté de survivre voulaient profiter des derniers instants et fumaient (plaisirs immédiats). En période de post-incarcération il y a le choc psychologique. Puis l’illusion du sursis jusqu’au dernier moment que tout finira bien. Point culminant, l’abandon de tout souvenir de la vie antérieure. Nous ne possédions que nos corps nus rasés même au niveau du pubis. Que nous restait-il de notre passé ?

Une autre sensation est la curiosité. Une manière de réagir à une situation anormale. Le prisonnier se détachait et se désintéressait des misères qui l’entouraient. Cette froide objectivité sert à se protéger.« Etonnés de ce que nous étions capables d’endurer, de ne pas prendre froid à poil dans la neige. Etonnés de voir que nos gencives restaient saines, que les plaies ne se surinfectaient pas. Etonnés en pensant que certaines choses me paraissaient impossibles : vivre sans ceci ou dormir sans cela…. » Dostoïevski : « L’homme peut s’habituer à tout » Nietzsche : « Qui a donné un sens à sa vie peut tout supporter »

Dans la phase de choc, le prisonnier ne craint plus la mort. En quelques jours il devient insensible à l’horreur des chambres à gaz. Il est normal de réagir anormalement à une situation anormale. Dans la deuxième phase, l’indifférence aux émotions, c’est une sorte de mort émotionnelle…apathie, insensibilité, sentiments que plus rien ne les touchaient. L’indifférence fait partie des mécanismes de défenses de chaque prisonnier. Il y avait un tel état de tension que sa vie intérieure se réduisait à un état quasi primaire. Lorsque le seul mérite consiste à endurer ses souffrances avec dignité, il peut trouver le bonheur dans la contemplation de sa bien-aimée. Le sens de l’humour, cette capacité à voir les choses avec une certaine distance s’acquiert en maîtrisant l’art de survivre. Que sa souffrance soit grande ou petite, il ne peut souffrir qu’intégralement. L’ampleur de la souffrance est donc toute relative. Ce sont souvent de petites choses qui font le bonheur une sorte de bonheur négatif, une absence de souffrance.

Les prisonniers avaient peur de prendre des décisions, des initiatives car ils avaient le sentiment profond que le destin était leur maître et qu’il ne fallait pas essayer de l’influencer et de le laisser décider à leur place. L’indifférence s’explique par la privation de sommeil, par la faim, l’absence de tabac ou de café, mais aussi par un complexe d’infériorité. « Nous avions tous cru être des personnages importants et… ». Les capots cuisiniers ne se sentaient pas diminués. Ils avaient une conscience aiguë de leur position hiérarchique, voire des illusions de grandeur.

La dernière des libertés humaines est celle de pouvoir décider de sa conduite quelle que soit la situation. « Je ne redoute qu’une chose, ne pas être digne de mes souffrances » (Dostoïevski).

Une vie active permet de réaliser ses valeurs à travers des créations. Le passif qui vit pour son plaisir peut trouver l’expérience de la beauté, de l’art, de la nature. Il est possible de poursuivre un but, même si l’on n’éprouve aucun plaisir à vivre, même s’il n’y a aucune possibilité de libérer sa créativité et même lorsque la vie ne permet qu’une seule alternative, celle d’agir dans le sens de la morale. Si la vie a un sens il faut qu’il y ait un sens à la souffrance. La façon dont un homme accepte son sort, et la souffrance que cela implique lui donnent amplement l’occasion de donner un sens à sa vie la plus profonde. Il peut toujours transcender un sort contraire.

Il n’y a rien de plus décourageant que de vivre dans l’ignorance de la durée de son emprisonnement. Dés son admission au camp, sa vision intérieure changeait. De la fin de l’incertitude naissait l’incertitude sans fin. Il menait une existence provisoire d’une durée illimitée. Un homme incapable de prévoir la fin d’une existence provisoire est incapable de poursuivre un but. Il cesse de vivre en fonction de l’avenir. Le chômeur vit lui aussi une existence devenue provisoire ; Il a la même déformation du temps, la journée est interminable…la semaine passe vite. Le tuberculeux en sana etc…

Le prisonnier qui vit dans le passé prive le présent de sa réalité. Ne pas croire à cette existence provisoire fait que toute résistance est inutile ; Il cesse de prendre sa vie au sérieux. Elle a perdu son sens. En perdant la foi dans l’avenir, le sien, il perdait sa spiritualité, il se laissait dépérir physiquement et psychiquement. Il refusait de réagir ; Il abandonnait : « Je n’attends plus rien de la vie ». Que répliquer ? L’important n’est pas ce que nous attendions de la vie mais, mais ce que la vie attendait de nous. Au lieu de se demander si la vie avait un sens, il fallait s’imaginer que c’est la vie qui nous questionnait. Nous devions répondre non pas par des mots et de la méditation mais par de bonnes actions, une bonne conduite. Notre responsabilité dans la vie consiste à trouver les bonnes réponses aux problèmes qu’elle nous pose et à nous acquitter des tâches qu’elle nous assigne. Ces tâches sont différentes pour chaque homme et à chaque moment. « Soudain je me vis sur une estrade entrain de décrire à un public attentif la psychologie des camps. Je parvins à m’élever au-dessus de la situation, des souffrances du moment, je devins le sujet d’une étude psychoscientifique. »

La vie n’est pas quelque chose de vague ; Elle est très réelle et très concrète, et les tâches de la vie sont réelles et concrètes ; Elles dessinent le destin de chaque homme et chaque destin est unique. Il n’y a qu’une seule bonne réponse au problème que pose une situation particulière. Lorsque l’homme se rend compte que son destin est de souffrir, sa tâche devient d’assumer sa souffrance. Il doit reconnaître que même dans la souffrance il est seul et unique au monde. Nous avions cessé de nous demander si la vie avait un sens. Cela sous-entend que la vie se réalise et se justifie par le biais d’une quelconque création. Pour nous le sens de la vie embrassait les grands cycles de la vie, de la souffrance et de la mort. Pleurer atteste que l’homme fait preuve du plus grand des courages, celui de souffrir.

Lorsqu’il se rend compte qu’il est irremplaçable, l’homme devient profondément conscient du fait qu’il est responsable de sa vie ; responsable vis à vis d’un être humain, d’une œuvre… « Ce qui ne m’anéantit pas me rend plus fort » (Nietzsche). Les gardes ? , de vrais sadiques et des non sadiques mais devenus insensibles à cause du fait d’avoir été témoins des années de scènes cruelles.

La psychologie de la libération : « Nous n’avions plus la capacité de ressentir de la joie ». Les prisonniers étaient dans une période de dépersonnalisation. Tout semblait irréel, peu plausible, comme à travers un rêve. Certains s’aperçurent que personne ne les attendait. Nous n’étions pas préparés pour la tristesse qui allait suivre notre libération. Mais l’expérience la plus forte pour celui qui rentrait chez lui, c’est qu’il avait le sentiment merveilleux de n’avoir plus peur de rien, ni personne à craindre excepté Dieu.

Deuxième partie : la logothérapie

Elle est moins rétrospective et moins introspective que la psychanalyse. Elle s’intéresse plus à l’avenir, c’est-à-dire à la signification que celui-ci prend pour le patient ; Elle est fondée sur le sens de la vie. Elle aide à sortir des cercles vicieux des mécanismes de rétroactions qui jouent un si grand rôle dans le développement des névroses.

Elle se penche tant sur la raison de vivre de l’homme que sur ses efforts pour en trouver une. Ceux-ci constituent une motivation fondamentale et non une rationalisation secondaire de ses pulsions. Sa raison de vivre est unique, elle n’est révélée qu’à lui. L’homme, s’il ne réussit pas à trouver une raison de vivre, vit une frustration existentielle qui génère des névroses noogéniques qui s’opposent aux névroses psychogéniques traditionnelles. Elles ne dérivent pas de conflits entre besoins et instincts, mais des problèmes existentiels parmi lesquels l’absence de raisons de vivre occupe une grande part.

La logothérapie s’éloigne de la psychanalyse. Elle voit en l’homme un être qui cherche à donner un sens à sa vie plutôt qu’à satisfaire ses besoins et ses instincts ou à réconcilier les demandes du ça, du moi, du surmoi, ou encore à s’adapter à la société et à son environnement. Le vide existentiel, c’est le sentiment que la vie n’a pas de sens. Le logothérapeute fait voir au patient que c’est à lui de choisir ce envers quoi, envers qui, il veut être responsable. Il n’accepte jamais d’imposer ses valeurs. C’est au sujet d’interpréter son but dans la vie en termes de responsabilités envers la société ou sa propre conscience. La logothérapie est aussi éloignée du raisonnement logique que de l’exhortation morale.

Cela crée une tension plutôt qu’un équilibre interne, et cette tension est indispensable à sa santé mentale. L’homme a besoin de vivre non pas sous tension mais bien de tendre vers un but valable, de réaliser une tâche librement choisie, de se sentir appelé à accomplir quelque chose…C’est le « Noodynamisme ». L’auto transcendance de l’existence humaine, le sens de la vie se découvre de trois façons différentes : _1) à travers une œuvre, une bonne action. _2) en faisant l’expérience de quelque chose ou de quelqu’un. _3) par son attitude devant une souffrance humaine.

L’auto actualisation de soi n’est pas un but à atteindre parce qu’à faire trop d’efforts, on risque de ne pas y arriver. Elle n’est possible que comme effet secondaire de la transcendance de soi. La souffrance a le potentiel le plus élevé de l’homme, celui de transformer une tragédie personnelle en victoire, une souffrance en réalisation humaine.

Les techniques de la logothérapie

L’angoisse d’anticipation chez le névropathe engendre précisément ce que redoute le patient. Le désir excessif rend impossible d’avoir ce qu’on veut à tout prix. Le plaisir est un effet secondaire du sexe et on le détruit si on en fait un but à atteindre.

L’intention paradoxale en logothérapie permet de miser sur l’aptitude fondamentale de l’homme à se détacher de lui-même. La peur de l’insomnie finit par garder éveillé. On prescrit de ne pas dormir. On ne fonde pas le traitement sur la découverte des causes. Un symptôme la phobie qui un symptôme qui renforce la phobie. L’obsessionnel lutte contre ses obsessions, ce faisant il en augmente le pouvoir puisque la pression crée une contre pression. Dés qu’il ne lutte plus et cherche à les ridiculiser, le symptôme disparaît. Il faut contrer l’hyper intention et l’hyper réflexion par de la dé-réflexion

Névrose collective

Le vide existentiel constitue la névrose collective de notre temps et peut être décrite comme une forme personnelle de nihilisme, car celui-ci nie toute valeur à l’être. Si l’homme est considéré comme uniquement produit par des conditions biologiques, psychologiques et sociologiques, l’hérédité et l’environnement, cela amène le névrosé à croire qu’il est victime d’influences externes ou de circonstances externes. Ce fatalisme névrotique est renforcé par une psychothérapie qui nie la liberté à l’homme d’être humain. Or même si l’homme n’est pas libre par rapport aux conditions extérieures il peut prendre position par rapport à celles-ci. Le pan déterminisme nie toute aptitude à l’homme de prendre ainsi position. Il est soumis. Or l’homme ne fait pas qu’exister, il façonne sa vie à chaque instant et une de ses principales caractéristiques, c’est de pouvoir s’élever au-dessus de ses conditions.

La liberté n’est pas tout. Elle représente l’aspect négatif d’un phénomène plus global dont le côté positif est la responsabilité.

La triade tragique de l’existence humaine ; _1) la souffrance _2) le sentiment de culpabilité _3) la mort

La vie peut conserver un sens en dépit des aspects tragiques. En accord avec lui-même, l’homme peut : _1) transformer la souffrance en réalisation humaine _2) trouver dans son sentiment de culpabilité l’occasion de s’améliorer _3) agir de façon responsable face au caractère transitoire de la vie.

Mais l’optimisme ne se commande pas, la foi et l’amour non plus. On ne peut pas être heureux sur commande. Mais on peut chercher une raison d’être heureux. Chercher à être heureux, à rire spontanément, c’est de l’hyper intention ; C’est un modèle de comportement des névroses sexuelles, frigidité, impuissance…Plus il essaye d’arriver à l’orgasme, au lieu de s’oublier lui-même et de s’abandonner à l’autre et moins il y arrive. L’homme qui a trouvé un sens à sa vie est non seulement heureux mais capable de faire face à la souffrance. Les prisonniers qui un beau matin s’abandonnaient, fumaient une cigarette troquée contre du pain. Le plaisir immédiat et l’abandon du sens de la vie. Les jeunes sans avenir qui prennent des drogues. Le sentiment d’une existence inutile joue un rôle dans le développement des névroses. Les gens ont de l’argent mais pas de raisons de vivre. Le chômage amène à se sentir inutile, à mener une vie absurde. Les trois faces du vide existentiel sont l’agressivité, la drogue, la dépression. La recherche d’un sens à donner à sa vie est primordiale dans la prévention des risques de suicides. Trois avenues peuvent révéler le sens de la vie :

_1) la réalisation d’une bonne action, d’une œuvre, par exemple le travail _2) l’expérience de quelque chose, de quelqu’un (l’amour) _3) la souffrance est encore plus puissante car la victime impuissante d’une situation désespérée peut se métamorphoser, transformer en triomphe une tragédie personnelle. Faire preuve de créativité pour changer la situation qui nous fait souffrir.

Souvent l’utilité d’une personne est définie en regard de sa contribution à la société. Celle-ci chérit les sujets prospères et heureux, surtout s’ils sont jeunes. On ne fait pas de différence entre la valeur d’une personne en fonction de sa dignité et sa valeur en fonction de son utilité. Cette confusion entre utilité et dignité prend sa source dans le nihilisme moderne propagé par les universités et grand nombre de psychanalystes. Le nihilisme ne prétend pas qu’il n’y a rien. Il affirme que rien n’a de sens.

Freud disait qu’il ne s’est intéressé qu’au rez-de-chaussée et au sous-sol et Qu’il a laissé à d’autres le soin d’accéder aux étages supérieurs. Jung et Adler ont chacun choisi le leur, Frankl a opté pour le niveau supérieur, celui où l’homme est capable de se transcender.

B)_ Des raisons de vivre

Ce que je nomme « vide existentiel » est le sentiment de vide et d’absurdité qui découle de deux faits : _*) L’instinct ne dicte pas à l’homme ce qu’il doit faire, contrairement à l’animal. _*) La tradition ne lui dicte pas non plus ce qu’il devrait faire, contrairement aux hommes des premiers âges.

Ce qui importe en thérapie, ce ne sont pas les techniques mais les relations humaines praticien / patient, ou la rencontre personnelle et existentielle. La thérapie est beaucoup plus qu’une technique, c’est un art, et elle va plus loin que la science car elle est sagesse. Mais même la sagesse n’est pas le terme ultime, car il n’est pas de sagesse sans dimension humaine. Une femme qui s’est suicidée dans un camp de concentration avait dans sa poche un papier : « Plus fort que le destin est le courage de le supporter ». Et pourtant elle s’est suicidée.

La qualité essentielle du dépassement de soi est que l’homme cherche à atteindre quelque chose au-delà de lui-même. La logothérapie est une guérison par le sens. Il y a trois concepts clés : _*) La libre volonté implique le rôle du déterminisme par rapport au pan-déterminisme _*) La volonté de sens traitée différemment de la volonté de puissance d’Adler ou de la volonté de plaisir de Freud _*) Le sens de la vie.

Binswanger cherche une meilleure compréhension des psychoses, la logothérapie un traitement plus rapide des névroses.

Implication métaclinique de la logothérapie

La liberté de l’homme n’est pas une liberté sous conditions, mais la liberté de prendre position qu’elles que soient les conditions qu’il ait à affronter. L’humour et l’héroïsme nous renvoient à l’aptitude strictement humaine du détachement de soi. L’homme est capable de choisir son attitude envers lui-même ; de prendre position face à ses déterminants somatiques et psychiques. Il s’élève au-dessus de leur niveau en ouvrant une nouvelle dimension, celle des phénomènes noétiques ou de la dimension noologique par opposition aux phénomènes biologiques et psychologiques. L’homme accède à la dimension noologique chaque fois qu’il réfléchit sur lui-même ou se rejette lui-même, chaque fois qu’il fait de lui un objet ou se fait des objections à lui-même.

Etre conscient suppose la capacité purement humaine de s’élever au-dessus de soi-même, de juger et d’évaluer ses propres actes par rapport à la morale ou à l’éthique. L’amour est ce dépassement de soi qui permet de saisir l’autre en ce qu’il a d’incomparablement unique. La conscience est ce dépassement de soi qui donne le pouvoir de mesurer le sens d’une situation en ce qu’elle a d’unique. Le sens est unique.

Les deux lois de l’ontologie bidimensionnelle

_*1) Un seul et même phénomène projeté hors de sa dimension en d’autres dimensions inférieures aux siennes est décrit de telle manière que les images qui en résultent se contredisent. _*2) Différents phénomènes projetés sur une dimension inférieure sont décrits de telle manière que leurs images sont ambiguës. On a la même image de Jeanne d’arc et d’un schizophrène sur la dimension psychiatrique, mais sur la dimension supérieure noologique et si nous considérons son importance historique et théologique elle est plus que le schizophrène.

Frankl décrit un cylindre pendu dans une salle. En fonction de l’emplacement d’un spot on voit une ombre sur le sol qui est soit un cercle soit une forme ovoïde, et un ombre sur le mur qui va du rectangle au trapèze. Si deux objets sont l’un au dessus de l’autre les ombres sur le sol sont interpénétrées, confuses, paradoxales alors que sur le mur on voit bien qu’il y en a une plus élevée que l’autre.

Les théories des motivations, par exemple celles qui adhérent au principe d’homéostasie traitent l’homme comme un système clos, méprisent et négligent l’ouverture essentielle de l’existence : « Etre humain c’est être dirigé vers quelqu’un ou vers quelque chose d’extérieur à soi-même ».

Freud était trop génial pour ne pas être conscient qu’il s’était toujours limité aux rez-de-chaussée et au sous-sol. Il n’est devenu victime du réductionnisme qu’après avoir écrit qu’il avait trouvé la place de la religion dans la catégorie « névroses du genre humain ». Selon la première loi de l’ontologie bidimensionnelle la névrose est ambiguë dans son diagnostic : psychogénique-somatogénique, l’agoraphobie dans l’hyperthyroïdie—noogénique, conflits moraux entre conscience vraie et sur-moi, frustration de sens. En pathologie, l’ombre projetée est aussi ambiguë. Il faut toujours chercher le sens de la souffrance. Et ce qui est vrai pour le diagnostic l’est pour la thérapie. L’essentiel n’est pas la technique en elle-même mais l’esprit dans lequel elle est appliquée. C’est vrai pour les électrochocs, les médicaments, les psychothérapies d’Adler, de Freud ou la logothérapie. Se limiter à la psychiatrie implique la projection d’un phénomène sur la dimension psychiatrique. C’est légitime tant que le psychologue reste conscient de ce qu’il fait

Le dépassement de soi, un phénomène humain

L’homme est ouvert au monde, il dépasse les barrières de son environnement. Dans les théories où l’homme est vu comme un système fermé, il est occupé à maintenir l’homéostasie par la réduction de ses tensions. Cela revient à faire un but de la gratification des pulsions et de la satisfaction des besoins ; Le principe de plaisir est au service de l’homéostasie mais il est soumis à celui de la réalité (Freud). En biologie pour Bertanlaffy le principe d’homéostasie n’est pas soutenable. Pour Golsteïn c’est seulement en cas de maladie que l’organisme essaye d’éviter les tensions à tout prix. Pour Bühler selon le principe d’homéostasie de Freud, le but ultime est d’obtenir cette gratification complète qui restaurerait l’équilibre en mettant au repos tous ses sens. Et donc toute création artistique n’est qu’un sous produit du comportement destiné à la satisfaction personnelle La psychanalyse ne pourra jamais renier son hypothèse de base selon laquelle la finalité première de tous les efforts est la satisfaction de l’homéostasie. A l’opposé, Bühler conçoit l’homme vivant avec intentionnalité, avec un but, celui de donner un sens à sa vie. Il veut créer des valeurs.

Le principe de plaisir est auto destructeur. Plus on tend vers le plaisir, plus on manque son but. La véritable poursuite du bonheur est ce qui le met en échec. Par exemple dans les névroses sexuelles, orgasme et puissance ne sont pas au rendez-vous s’ils sont le but de l’intention. Une intention excessive est alors associée à une attention excessive et cela donne des schémas névrotiques de comportements. Le plaisir doit rester un effet du comportement humain, jamais un but. S’il y a une raison au bonheur celui-ci s’ensuit automatiquement. Mais on ne peut pas le poursuivre parce qu’alors on en fait l’objet de toute son attention et on perd de vue la raison du bonheur. Adler insiste sur l’exaltation de la personnalité. Mais l’effort pour l’obtenir est lui aussi destructeur. L’exaltation de la puissance (volonté de puissance d’Adler), et le principe de plaisir (volonté de plaisir de Freud) sont des dérivés de sa volonté de sens.

La volonté de sens est l’effort fondamental de l’homme pour trouver et réaliser le sens et le but. Ce n’est que lorsque le souci premier de l’accomplissement du sens est frustré que l’on est, soit satisfait par la puissance, soit obsédé par le plaisir. L’homme n’a aucune chance de se réaliser s’il ne pense qu’à ça. L’homme à qui échappe une raison de plaisir trouve une cause qui crée le plaisir. La raison est d’ordre noologique, la cause est toujours d’ordre biologique ou physiologique. Si vous pleurez en pelant un oignon, il n’y a aucune raison mais il y a une cause.

Se réaliser n’est pas la fin ultime de l’homme. Si se réaliser constitue un but en soi, cela contredit la qualité du dépassement de soi, de l’existence humaine. Ce n’est que dans la mesure où il accomplit un sens dans le monde qu’il s’accomplit, lui-même. Si nous voulons à tout prix avoir bonne conscience nous ne la méritons pas. Si la santé devient notre principale préoccupation c’est que nous sommes malades ; (hypochondrie ?)

L’homme est poussé par ses pulsions (cadre de l’homéostasie freudienne). Il est tiré par le sens. Cela implique qu’il est toujours libre de décider s’il désire ou non l’accomplir. La volonté ne peut pas être sollicitée, commandée ou ordonnée. On ne peut pas vouloir vouloir.

Les sociétés nanties n’exigent rien et épargnent les tensions aux gens. Ceux-ci vont les créer de façon saine, (le sport qui impose volontairement une exigence, un ascétisme), ou de façon malsaine, (hooliganisme, accros des drogues etc…) Malheureusement la peur collective et obsessionnelle que le sens puisse nous être imposé a entraîné une idiosyncrasie dirigée contre les idéaux et les valeurs. On a jeté le bébé avec l’eau du bain. Pour Glenn les idéaux sont une réelle base de survie. La tension n’est pas quelque chose à éviter à tout prix, à la différence du principe d’homéostasie freudienne.

Le sens

L’existence chancelle à moins qu’un idéal fort ou une idée forte la soutienne (Frankl, Freud). Cependant l’existence est non seulement intentionnelle mais aussi transcendante. Le dépassement de soi est l’essentiel de l’existence. Etre humain c’est être dirigé vers autre chose que soi-même. Il faut préserver l’altérité, l’objectivité, la dichotomie sujet / objet, la tension entre objet et sujet. Il n’y a pas de cognition en dehors de cette tension et il y a un risque dans la fusion des faits et des valeurs telle qu’elle apparaît dans les expériences privilégiées chez des gens qui cherchent à se réaliser, « est » et « devrait » se confondent.

Etre humain signifie vivre dans un champ de tension polarisée entre valeurs et idéaux à réaliser. L’existence n’est pas authentique à moins d’être vécue en terme de dépassement de soi. Hillel : « Si je ne le fais pas qui le fera ? Et si je ne le fais pas tout de suite, quand le ferai-je ? Mais si je ne le fais que pour moi-même, que suis-je ? » Sait Augustin : « Le cœur de l’homme est sans repos tant qu’il n’a pas trouvé et accompli le sens et le but de sa vie. »

La singularité du sens est propre à chaque situation. Mais il existe des situations qui ont quelque chose en commun et donc il y a des sens qui sont partagés par plusieurs personnes, à travers la société ou à travers l’histoire. Ces sens ont trait à la condition humaine. C’est ce que l’on appelle des valeurs. Disposer de valeurs allége la quête humaine vers le sens parce qu’au moins dans ces situations typiques, il sera dispensé de prendre des décisions. Mais deux valeurs peuvent être antinomiques contrairement au sens singulier pour une situation unique. Et ces conflits de valeurs peuvent générer des névroses noogéniques. En fait l’impression que deux valeurs sont antinomiques provient du fait qu’une dimension entière a été négligée, les deux valeurs ne sont pas au même niveau de logique, d’abstraction. L’expérience de cette hiérarchisation ne dispense pas l’homme de prendre des décisions. Il est toujours libre d’accepter ou de refuser une valeur dans une situation donnée. Ceci est aussi vrai de l’ordre hiérarchique véhiculé par les traditions et les normes morales et éthiques qui doivent être mises à l’épreuve de la conscience sauf si l’homme a décidé de faire taire sa conscience et de ne pas lui obéir.

La subjectivité des sens

Les sens sont matière à interprétation et cette interprétation implique une décision. Or il y a des situations qui permettent plusieurs interprétations. Le sens est juste quelque chose que nous projetons sur les choses autour de nous. Des choses qui elles, sont neutres. La réalité n’est peut-être qu’un écran sur lequel nous projetons nos désirs. La seule chose réellement subjective est la perspective au travers de laquelle nous approchons la réalité elle-même, ce qui ne diminue en rien la réalité. L’homme est libre de répondre aux questions que lui pose la vie mais ce n’est pas non plus l’arbitraire. Il faut interpréter en termes de responsabilités. Le sens doit être trouvé plutôt que donné, découvert plutôt qu’inventé. Il doit être recherché en toute conscience. La quête du sens par la conscience est la capacité intuitive de l’homme à découvrir un sens à une situation. La conscience est intuitive mais elle est aussi créatrice. Elle peut ordonner de faire quelque chose en contradiction avec la société et ses valeurs. Un homme à Auschwitz demande à sa femme de se prostituer au besoin si ça lui permet de survivre, en opposition avec la valeur : « tu ne commettras pas l’adultère ».

A l’heure actuelle nous vivons un effritement des valeurs. De plus en plus de gens sont saisis d’un sentiment d’inutilité et de vide existentiel. La vie reste pleine de sens singuliers non touchés par la perte des traditions. C’est donc que l’homme reste doté d’une pleine capacité de conscience. Mais ce n’est pas une morale super égoïste, il reste libre et responsable. Cette liberté est finie, ce n’est pas l’omnipotence ni la sagesse. La possibilité que ma conscience me trompe implique que celle de l’autre puisse être juste. Il faut donc de l’humilité et de la modestie. Puisque je dois rechercher un sens, je dois être certain qu’il y a un sens, mais que je ne suis pas sûr de trouver. Cela implique la tolérance, non pas pour partager la croyance de l’autre mais pour reconnaître son droit à croire et à obéir à sa propre conscience. Le sens doit être trouvé spontanément par le patient, ce n’est pas le logothérapeute qui le donne.

Le sens de la vie

On peut trouver un sens à la vie en créant un œuvre, en faisant ne bonne action (la bonté, la beauté, la vérité), en rendant quelqu’un d’unique dans sa singularité, c’est-à-dire en l’aimant. Mais la plus noble appréciation de sens est réservée à ceux qui privés de trouver un sens dans ces cas, par l’attitude même qu’ils choisissent d’adopter face au malheur, s’élèvent, se grandissent au-delà d’eux-mêmes. Ils transforment ce malheur en héroïsme, en triomphe. Le concept de valeurs comportementales est soutenable que l’on adhére à une religion ou non. Il ne résulte pas d’un impératif moral ou éthique mais d’une description empirique et factuelle de ce qui se passe dans l’homme lorsqu’il donne une valeur à sa conduite ou à celle d’autrui. Ces valeurs comportementales se subdivisent en une triade tragique ; la douleur, le sentiment de culpabilité et la mort. La logothérapie est une approche optimiste de la vie. Il n’y a pas d’aspects tragiques et négatifs qui ne puissent être, par la position que l’on adopte, transformés en accomplissements positifs.

_*) Dans le cas de la souffrance, on peut prendre réellement position face à son destin, sinon souffrir n’aurait aucun sens. _*) Dans le cas de la culpabilité ; cette position est une position face à soi-même. Le destin ne peut pas se changer sinon ce ne serait pas le destin, Mais l’homme peut se changer lui-même, sinon ce ne serait pas l’homme. C’est son privilège de pouvoir se sentir coupable et sa responsabilité consiste à vaincre son sentiment de culpabilité. _*) La mort. Ce que nous avons fait dans le passé ajoute à notre responsabilité de saisir les occasions qui se présentent ; L’homme vit entre succès et échecs sur une ligne que l’on représente horizontale. Il est compétent c’est un animal intelligent. Mais l’homme qui souffre et qui est capable, en vertu de son humanité, de s’élever et de prendre position par rapport à sa souffrance évolue dans une dimension perpendiculaire à l’autre, entre accomplissement et désespoir sur un axe vertical. Un jour on demande à Frankl de dire un mot à un condamné à mort qui doit être exécuté le lendemain (échec) : « Faisant appel à mes expériences des camps de la mort, soit la vie a un sens et dans ce cas, ce sens ne dépend pas de sa durée, soit elle n’a pas de sens et il est alors vain de vouloir la prolonger ». Ainsi dit-il, je plaçais du sens dans une vie gâchée (accomplissement).

Le vide existentiel

Etiologie : _*1) Contrairement à l’animal aucune pulsion, aucun instinct ne dit à l’homme ce qu’il doit faire. _*2) Contrairement aux époques précédentes aucune convention, tradition ou valeur ne dit à l’homme ce qu’il devrait faire. _*3) Et souvent il ne sait même pas ce que fondamentalement il souhaite faire. Alors il fait ce que font les autres (conformisme à l’ouest) ou ce que les autres souhaitent qu’il fasse (totalitarisme à l’est)

De plus en plus de gens souffrent de manque et d’absence de but dans la vie. Cela explique les analyses interminables parce que le divan devient virtuellement le seul contenu de la vie. Nous devrions adhérer à une philosophie de la vie pour montrer que la vie a un sens pour chaque homme. Mais la philosophie a été réduite par Freud à n’être que la forme la plus descente de la sexualité réprimée. Alors que pour Frankl le sexe sert plutôt de piètre échappatoire à ces problèmes philosophiques et existentiels qui obsèdent l’homme.

Les principales manifestations de la frustration existentielle, l’ennui et l’apathie sont devenues un défit pour le psychiatre et l’éducation. L’éducation doit affiner la capacité à trouver des sens singuliers qui ne soient pas affectés par l’effondrement des valeurs universelles. L’ennui, c’est l’incapacité à éprouver de l’intérêt, L’apathie celle de prendre des initiatives. La conscience est la capacité qu’a l’homme de découvrir le sens caché dans des situations uniques. Mais l’éducation aggrave ce vide et cette absurdité par la manière dont les découvertes scientifiques sont proposées, c’est à dire par le réductionnisme qui tend à réifier l’homme pour en faire une chose « res », (théorie mécaniciste de l’homme -philosophie relativiste de la vie…). Un instituteur qui dit que la vie n’est rien d’autre qu’un processus de combustion… Les valeurs ne peuvent pas être enseignées, elles doivent être vécues, de même que le sens ne peut pas être donné. Ce que le maître peut donner, c’est son exemple personnel d’attachement à la cause de la science….

Quand Freud dit « Au moment où on se pose des questions sur le sens de la vie c’est qu’on est malade » il confond le vide existentiel avec un phénomène pathologique lorsqu’on le projette hors de l’espace noogénique dans le plan psychologique. Les différences entre désespoir et malaise émotionnel ou entre détresse spirituelle et maladie mentale disparaissent. Le vide existentiel n’est pas une névrose. Si s’en est une, elle est iatrogène quand le médecin interprète la préoccupation finale face à la mort comme une angoisse de castration. Le vide existentiel s’il n’est pas toujours un effet de la névrose pourrait bien en être la cause. On parle alors de névroses noogéniques. Ce sont des névroses causées par un conflit moral ou éthique, par un problème spirituel, par un conflit entre surmoi et conscience vraie.

Luter pour le sens de sa vie ou se colleter avec la question de savoir si la vie a un sens n’est pas un phénomène pathologique en soi. Un jeune a le droit de ne pas tenir pour certain, que la vie ait un sens. Il n’y a aucune honte à avoir face au désespoir existentiel sous prétexte qu’il s’agit d’un désordre émotionnel, car ce n’est pas un symptôme névrotique mais une réalisation et un accomplissement, en tous cas un signe de loyauté et d’honnêteté.

Le plaisir sexuel peut servir d’échappatoire à la frustration existentielle. Quand la volonté de sens est frustrée, la volonté de plaisir ou la volonté de puissance sont des dérivatifs, des ersatz de la volonté de sens. Un des formes de la volonté de puissance est la fièvre de l’argent. La poursuite du sens est remplacée par la poursuite de moyens. L’argent n’est plus un moyen, c’est devenu une fin en soi. Aujourd’hui les loisirs centrifuges dominent, « fuir hors de moi ». Les gens qui oscillent entre loisirs centrifuges et hyperactivité professionnelle n’ont pas le temps d’aller jusqu’au bout de leur pensée. La nuit, les problèmes existentiels refoulés reviennent, (insomnies noogéniques). Le refoulement n’est pas d’ordre sexuel, il est noogénique (existentiel). Nous avons besoin de loisirs centripètes qui nous invitent à la méditation, à la contemplation. L’homme doit avoir le courage d’être seul

Techniques de logothérapie

La logothérapie est une thérapie spécifique de la névrose noogénique, du sujet en proie au désespoir existentiel provenant de l’absurdité de la vie. Les techniques, déréflexions et intentions paradoxales reposent sur deux qualités essentielles de l’homme : le détachement de soi et le dépassement de soi.

L’hyperintention. Plus on cherche le plaisir, le bonheur, la santé, etc….moins on les trouve. L’hyper réflexion donne une attention excessive. Il existe une forme clinique particulière, l’hyper réflexion des masses. Aux USA beaucoup de gens sont toujours entrain de s’observer, de s’analyser pour trouver de prétendues motivations à leurs comportements. Ils placent l’auto interprétation et la réalisation de soi comme les valeurs les plus hautes. Ils sont obsédés par une attente fataliste des effets paralysants des effets du passé. Spontanéité et activité sont bloquées si elles deviennent l’objet de trop d’attentions. L’hyper réflexion se traite par la déréflexion. Important dans le domaine des névroses sexuelles avec frigidité ou impuissance. L’homme considère souvent que l’acte sexuel est exigé de lui. Il faut changer la qualité de la demande que le sujet attache à l’acte.

L’intention paradoxale, chez les obsessionnels, les phobiques, on les encourage à souhaiter qu’interviennent les choses qu’ils redoutent. L’anxiété anticipatrice fait que le sujet réagit à un événement en attendant avec effroi qu’il se réalise. Donc le symptôme génère la phobie et la phobie redonne le symptôme. L’anxiété des névroses se développe à partir de l’anxiété anticipatrice. On remplace la peur pathogène par le souhait paradoxal : _*) Chez le phobique, le comportement d’évitement de la peur. L’anxiété est le propre objet de sa peur (crise cardiaque, évanouissement…) _*) La lutte pour le plaisir très peu différente de l’hyperintention de plaisir, dans les névroses sexuelles. _*) La lutte contre les obsessions et les compulsions où le sujet craint les effets potentiels ou la cause de ces étranges pensées. Ces gens ont aussi peur d’eux-mêmes et leur méthode est de lutter contre celles-ci. Cela renforce leurs symptômes. Chez un étudiant anxieux à l’idée d’un oral on prescrit l’anxiété 10 minutes tous les matins. Il ne souffre plus que d’anxiété mais plus d’anxiété de l’anxiété. Un type a peur de sortir par crainte de faire une crise cardiaque : « Le bilan cardiaque est normal. Dîtes vous qu’hier vous avez fait deux crises, aujourd’hui en vous y prenant de bonne heure vous avez le temps d’en faire trois. Dîtes vous qu’en prime vous risquez d’en faire une de belle et en plus d’avoir une crise d’angoisse. A un joueur « Jouez tous les jours deux heures, quand vous aurez tout perdu vendez votre montre ».

L’humour dans les intentions paradoxales. Le rire est spécifique à l’homme. Il permet de se détacher de soi-même et donc d’acquérir le contrôle le plus complet de soi -même. Les sujets adoptent l’intention paradoxale avec la forte conviction qu’elle ne peut pas marcher. C’est donc différent de la suggestion, et de la persuasion.

La supposition que la permanence des résultats est liée à la durée de la thérapie est une illusion de l’orthodoxie freudienne (Gutheil). Une assertion sans fondement est que la disparition d’un symptôme sera remplacée par un symptôme de substitution (Schutz). L’intention paradoxale ne traite pas le conflit sous jacent mais ça marche. La chirurgie ne traite pas la vésicule qu’elle enlève mais le malade va mieux (Golloway). On dit au patient de se décharger de l’impulsion interdite, on donne la permission, on donne l’ordre. Les inhibitions sont évacuées. Ce sont les valeurs et les idéaux qui sont touchés.

L’intention paradoxale est contre indiquée dans la dépression psychotique, Mais la déréflexion peut apporter un plus à la thérapie. Burton : « Les 50 dernières années de la thérapie psychique ont fait de l’histoire personnelle un objet de fétichisme ». La logothérapie ajoute une nouvelle dimension à la psychothérapie, celle de deux phénomènes spécifiquement humains, (la capacité à se détacher, et la capacité à se dépasser), qui sont mobilisés par deux techniques, l’intention paradoxale et la déréflexion.

Le ministère médical Le ministère médical est très peu différent du sacerdoce du prêtre.

C’est l’aspect de la logothérapie qui traite des cas somatogéniques plutôt que noogéniques, dans la mesure où le problème ne peut pas disparaître. Ce qui importe alors c’est l’attitude que prend le patient par rapport à son malheur, face à sa souffrance quand le traitement de cette attitude est la dernière chose à faire. A un médecin déprimé depuis son veuvage : « Si c’était elle qui serait resté la dernière ? »—« Elle aurait beaucoup souffert »—« Ne voyez-vous pas quelles grandes souffrances lui ont été épargnées grâce à vous ? Maintenant vous devez en payer le prix en lui survivant et en la pleurant ». Donner un sens à la souffrance

Le caractère transitoire de la vie obsède le sujet atteint d’une maladie incurable qui doit affronter non seulement la souffrance mais aussi l’imminence de la mort. Il faut transmettre au patient que dans le passé rien n’est perdu, que tout y est gardé en sécurité. A une vielle qui n’a pas eu d’enfants : « Ce qui importe dans la vie, c’est plutôt de réaliser quelque chose. Et c’est précisément ce que vous avez fait. Vous avez tiré parti de votre souffrance, vous êtes devenue un exemple pour nos autres patients par la manière dont vous avez supporté la souffrance. Je vous félicite d’avoir réalisé cela et je vous remercie ».

La déréflexion aide le sujet à cesser de lutter contre une névrose ou une psychose, en évitant son renforcement et des souffrances supplémentaires. « Ne vous inquiétez pas de votre tourment intérieur et regardez ce qui vous attend. Ce qui compte n’est pas ce qui se cache en vous dans les profondeurs, mais ce qui se prépare dans le futur, ce qui attend d’être réalisé par vous. Je sais que cette crise nerveuse vous trouble, calmons la tempête c’est notre mission de médecins, laissez nous ce problème et interrogez-vous sur ce qui attend d’être réalisé par vous. »

La névrose ou la psychose ne sont pas automatiquement nuisibles à la vie religieuse. Cela peut pourrait aussi être un stimulus, un défi qui déclenche la réponse religieuse, et la religion peut devenir authentique à long terme et finalement aider la personne à vaincre sa névrose. Prendre la religion au sérieux permet de mobiliser des ressources spirituelles chez le sujet.

Si nous n’avions pas pu déceler des signes de névroses en nous-mêmes nous ne serions pas devenus thérapeutes et nous ne le serions pas restés car nous n’aurions pas eu l’empathie nécessaire pour être de bons thérapeutes. C’est aussi vrai pour les religieux. Les fondateurs d’écoles de psychothérapies ont développé des systèmes de défense contre leur propre névrose. Mais en plus, ils ont enseigné aux autres comment il faut lutter. Ils se sont dépassés eux-mêmes.

Les dimensions du sens

Plus l’homme se concentre sur ce qu’il fait, moins il se soucie de la grâce, mieux il agit en médiateur de la grâce. Plus on est humain et plus on peut être l’instrument de dessins divins. La religion fournit à l’homme une ancre spirituelle et un sentiment de sécurité qu’il ne trouvera nulle part ailleurs. Peut-être existe-t-il un monde au-delà de l’homme dans lequel le sens ultime de la souffrance humaine trouverait une réponse ? Mais la fusion de la religion et de la psychothérapie n’engendre que la confusion car elle confond deux dimensions différentes, celle de l’anthropologie et celle de la téléologie. Parler de Dieu implique de le chosifier, de le réifier. Nous ne pouvons parler de Dieu mais nous pouvons parler à Dieu.

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4 Réponses pour La logothérapie

  1. Leo Michel Abrami dit :

    Cher ami,

    J’ai lu avec interet votre expose sur la logother. et ne ferais qu’une seule remarque, sur le dernier paragraphe.

    Toute personne s’efforce de trouver un/des sens a ses convictions y compris ses croyances religieuses, mais il s’agit d’aller au dela des croyances inculquees pour en arriver au sens personnel qui nous est propre et non celui du catechisme.

    C’est pourquoi il est dangereux d’etablir un parallele avec la foi religieuse a ce stade.

    Leo Abrami, auteur de "Une Demarche Therapeutique, la Logotherapie" Editions Tequi.

  2. Nuri rené dit :

    Merci. Je suis tout à  fait d’accord avec vous. En résumant les deux livres que je connaissait sur la logothérapie je voulais la faire découvrir à  nos amis. Je ne connais pas votre livre et je vais me le procurer; Je souhaite que mon article puisse participer à  sa diffusion

  3. olivier Florant dit :

    1) la confusion entre noétique et religieux serait imprudente, mais pas le parallèle, qui comme on le pense généralement (Euclide) ne se rejoint pas trop.
    2) Pascal Le Vaou psychiatre a fait une thèse de philo sur ce sujet ( ed l’Harmattan)
    3) encore faut-il préciser ce que l’on entend par spititualité et religion

  4. Roger Gravel dit :

    Bonjour monsieur René NURI PUISSERGUIER

    Vous mentionnez “Des raisons de vivre” (tome I) ; Éditions du tricorne
    Est-ce le même livre que «Nos raisons de vivre : à l’école du sens de la vie» ?
    ‘The will to meaning foundations and applications of logotherapy’ en anglais?

    Merci
    Roger