Les renoncements nécessaires

Achille et la tortue sont dans le fumoir. Achille confortablement installé dans un rocking-chair se balance nonchalamment fumant le cigare. La tortue se concentre sur une combinaison en deux bandes au billard.


Achille : Vous souvenez-vous de ce garçon Benoît qui comme l’escargot rentrait dans sa coquille dés la moindre agression externe ?

La tortue : Pas bien non, pouvez-vous me préciser ?

Achille : Il était venu nous voir car chacune de ses relations amoureuses se terminait en impasse. Dès la première contrariété, il se mettait dans un état second, comme absent et indifférent au monde extérieur. Cela durait quatre jours environ puis après il se sentait coupable de cet état et s’en voulait. Il insistait énormément sur sont incapacité à se contrôler : plus fort que sa volonté.

La tortue : Ah oui, nous avions trouvé, après une fastidieuse et interminable préparation, un épisode de remise de diplôme de BEPC laborieuse à laquelle d’ailleurs il n’attachait pas plus d’importance que ça.

Achille : C’est justement ça qui m’étonne ; comment avez-vous pressenti l’impact énorme sur lui alors qu’il y avait milles autres évènements plus probants et bien plus traumatisants ?

La tortue (d’un ton condescendant) : Les renoncements nécessaires mon cher.

Achille : Qu’est ce que vous pouvez m’agacer quand vous prenez cet air supérieur ! Madame La tortue aurait-elle la bonté de perdre un peu de son précieux temps pour éclairer la lanterne du pauvre ignorant stupide que je suis ?

La tortue : Ne vous fâchez pas, je pensais sincèrement cette notion familière.

Achille : Disons que nous en connaissons le principe mais de là à l’utiliser comme axe principal d’une thérapie, il y a une marche que j’aimerais pouvoir franchir aussi aisément que vous.

La tortue : Que fait un humain entre sa naissance et sa mort ?

Achille : Il passe de l’état de nouveau né à celui d’enfant puis d’adolescent puis d’adulte et enfin de vieillard. L’énigme du sphinx en quelque sorte ?

La tortue : C’est justement ce terme « passer » qui nous intéresse ici. Intrinsèquement, à quoi correspond ce passage ? Serais-ce comme une molécule de H²O qui au fur et à mesure qu’on la chauffe, passe de l’état de solide à celui de liquide puis de gaz ?

Achille : Non bien sur, ce serait plutôt une évolution.

La tortue : C’est même le sens de l’évolution : sans ce « passage » point d’évolution. Mais la notion de passage implique aussi une notion de limite, de frontière voir de barrière. Avec en corollaire la question peut-on, doit-on ou faut-il traverser et quand ?

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Achille : Vous voulez dire que l’absence de progression serait synonyme de mort ?

La tortue : Pas physiquement parlant ce qui rend le phénomène plus pervers, mais psychiquement parlant oui. Souvenez-vous de ses amis d’adolescence avec qui vous refaisiez le monde. Parmi eux doit bien se trouver quelques uns qui ont fondé une belle famille, ont une bonne situation, une belle maison et une belle voiture… Mais avec qui vous ne pouvez discuter de rien d’autre que du bon vieux temps et des enfants qui deviennent grand. Pourquoi ? Parce que le système après les avoir installé au mieux de leur productivité leur a inculqué qu’ils étaient enfin arrivés … parvenus peut être ! A quoi ? Alors ils s’arrêtent et laissent petit à petit ce feu intérieur de leur potentiel s’éteindre comme les braises d’un beau feu de joie : inertes et froides.

Achille : Breu… vous êtes bien sinistre ce soir. Et pour ceux qui ne s’arrêtent pas en route, comment font-ils ?

La tortue : En fait la première question à se poser est qu’elles sont ses étapes ?

Achille : Comment faites-vous pour les différencier ?

La tortue : De façon un peu particulière, tautologique en fait, je dirais que l’appréhension du phénomène vient de la réponse au problème.

Achille : Attention ! Vous vous égarer dans la phraséologie, revenez au concret et rentrons dans le vif du sujet : qu’elles sont ses étapes ?

La tortue : Autant que je puisse l’exposé aujourd’hui je compterais sept « états ». Toutefois je suis conscient que ceci n’a rien de figé ni de définitif et que quelques esprits éclairés pourront certainement détailler, disséquer vers des sous groupes plus subtils. Pour l’heure et afin de garder une clarté pratique j’en resterais à sept.

Achille : Cela fait quand même quatre de plus que le sphinx ; autres temps, autres mœurs ?

La tortue : Peut-être bien, à vrai dire il faudra que je réfléchisse à la question mais revenons à nos moutons. Il y a d’abord In utero puis le Nourrisson, ensuite l’Enfant, l’Adolescent, l’Adulte, le Senior et enfin l’Ancien . A chaque stade correspond une caractéristique majeure que je caricaturerais par quelques qualificatifs. Entre chaque stade, il y a une perte majeure, objet profond de notre propos.

Achille : A savoir ?

La tortue : Décidément toujours aussi impatient, vous voulez la fin de l’histoire sans le développement. A l’image de votre siècle, toujours pressé. Voyez-vous mon cher, mes origines préhistoriques m’ont appris à composer avec l’archaïque, profitez en donc.

Achille (un peu bougon) : Bon, bon je vous écoute.

La tortue : Vous verrez qu’un qualificatif va nous aider. En effet à In utero j’associerais volontiers le terme Apesanteur. Encore une fois, bien qu’inexact scientifiquement, c’est ce qui me parle le plus ; peu de soucis de gravité, des bruits assourdis, des sensations filtrées, l’univers aquatique avec la Symbiose maternelle physique, psychique et affective. Attention au jumeau, mais ceci est un autre sujet.

Achille : Vous voulez dire qu’in utero serait comme dans un monde éthéré de l’apesanteur, pas de soucis du lendemain, pas de confrontation direct avec l’extérieur, protection totale par la mère, la vie rêvée, le paradis.

La tortue : Si vous poussez plus loin votre analyse vous allez déchanter rapidement ; pensez donc au libre arbitre par exemple… Nous aborderons cela plus tard. Voyons ensuite le Nourrisson à qui j’associerais volontiers Inconscience. S’il est confronté au monde extérieur c’est dans la plus totale inconscience avec comme principale objectif d’Absorber : amour, nourriture, sensations, saveurs, bruits, odeurs, sons, images etc….

Achille : C’est pour ça qu’il est si rondelet.

La tortue : Attention à l’enfant précoce qui peut écourté voir condenser à l’extrême cette période ; encore une fois ceci n’est pas notre propos aujourd’hui. Vient ensuite l’Enfance avec sa prise de conscience progressive mais qui reste Insouciant . On notera son Apprentissage Passif entouré de l’amour protecteur des parents.

Achille : Epoque bénie des bras de maman, des genoux de papa et des copains copines à l’école. Si on ne fait pas de bêtises, tout va bien.

La tortue : Vous oublier de citer la douleur, la violence, la peur, la mort qui pointent leur nez.

Achille : Décidément, quel rabat-joie vous faites !

La tortue : En fait je vous taquine car par deux fois vous venez d’exprimer un point important et constant en nous : cette nostalgie de l’étape ou des étapes précédentes. « On voudrait bien revenir à cette période, c’était le bon temps, on aurait du en profiter plus, on ne réalise pas la chance qu’on a à cette époque… » Toute ces sortes de réflexions qu’on entend si souvent. Ce sont les prémices d’une perception d’un renoncement.

Achille : Vous voyez qu’on a toujours besoin d’un candide avec soi ; grâce à ma naïveté, vous pouvez faire briller votre pompeux savoir.

La tortue (hausse les épaules) : Décidément vous ne changerez donc jamais ? Passons plutôt au suivant. L’Adolescent, il va « rentrer dans le monde », c’est l’Apprentissage Actif avec une notion encore une fois imparfaite techniquement mais très parlante, je veux dire l’Omnipotence . « On va refaire un monde meilleur, rien ne pourra nous arrêter, tous le monde il est beau, tout le monde il est gentil… » Il va prendre son envol, on parlera d’Indépendance.

Achille (tout excité) : vous avez raison, on peut tout faire, rien n’est impossible, on va améliorer tout, on va guérir tout le monde, on va aimer tout le monde, on va sauver le monde, (Achille s’arrête brusquement et regarde tout penaud La tortue par en dessous) Je sais ce que vous allez dire : la nostalgie.

La tortue : Ne soyez pas si embarrassé, vous avez le mérite d’exprimer tout haut ce que nous ressentons au plus profond de nous même. Qui pourrait vous en blâmer, cette spontanéité reste louable même si parfois elle s’exprime de façon un tantinet exubérante. Passons au suivant : l’Adulte , c’est le Bâtisseur, il faut de l’action, il Thésaurise. C’est l’apogée du système dit occidental, construire, acquérir : un métier, une maison, une famille, de l’argent, une position sociale, un pouvoir… On engrange tout ce qui bouge ou du moins tout ce qu’on peut. Cette frénésie est liée à une peur donc un danger donc une insécurité, peut être due à cette notion de vulnérabilité, cette perte de l’omnipotence.

Achille : Ha enfin vous parler de ces pertes tant attendues. C’est vrai que l’adulte c’est celui qui ressent les limites de sa potentialité, il relativise, compose, admet l’imperfection, l’échec, la relativité, le compromis… Bref il introduit la notion d’écologiquement correcte. J’aurais tendance à dire que c’est là un aboutissement raisonnable d’une vie bien menée.

La tortue : Vous êtes définitivement un hôte charmant, mais encore une fois vous versez dans la nostalgie. Il nous reste encore deux étapes : le Senior, il Transmet, c’est l’Héritage pour les générations futures. Il réalise que posséder n’a de sens que dans la transmission d’une œuvre pour laisser son empreinte, sa marque. Il veut avoir l’impression d’être utile, important un peu du moins aux yeux de ses proches et de ses pairs. Il veut donner un sens à ce qu’il a bâti pour pouvoir le transmettre ; il remet sous forme transmissible son acquis et le fruit, les leçons de son vécu.

Achille : c’est l’altruisme, le retour à sa dimension humaine. On ne s’occupe plus de son nombril mais de sa place au milieu des autres, du monde, de l’univers même. Oui, vous avez raison, c’est bon de transmettre tout notre modeste savoir et toute notre expérience au profit des générations futures afin qu’elles puissent en bénéficier pour le bien être de tous.

La tortue : A vous écouter dans vos envolées lyrique, je verserai presque une larme. Soyons sérieux, vous oubliez la bombe atomique et autres genres de babioles du même acabit, dois-je vous rappeler trivialement qu’elles font aussi partie de l’héritage.

Achille (toussote) : Oui bien sur, mais je pensais plus au coté constructif. Je reste curieux de votre ultime étape, que nous réservez vous ?

La tortue : Probablement la plus belle, c’est ma nostalgie à moi. L’Ancien , il a accepté tous les renoncements pour enfin arriver là en phase avec le temps. Il connaît le chemin, il est là tout simplement à coté de chacun de nous pour nous aider à mieux traverser ses limites entre chaque état. Les grands parents qui hébergeront l’adolescent lors de sa crise avec les parents, celui qui console du chagrin d’amour, qui supporte le couple, les malades, les paumés du système social, la crise de la quarantaine etc…. Puis à l’approche de sa fin il dira adieu à chacun et doucement, il montera seul la montagne pour s’asseoir face au soleil couchant et mourir serein. Son ultime renoncement sera celui du principe de vie.

Achille : Cette fois c’est moi qui pleure. (Achille pleure puis se ressaisit) Mais où sont les autres renoncements ?

La tortue : Si vous voulez bien reprenons brièvement ces passages pour mieux les comprendre. Si le souvenir des époques passé réveille notre nostalgie, un observateur éclairé remarquera aussi un profond désir de ne pas perdre l’acquis. Je veux dire demandez à l’adolescent s’il veut retourner au stade de l’enfance et vous réveillerez en lui un sentiment ambigu de nostalgie mêlée à la profonde conviction qu’il ne désire pas du tout revivre ce stade. Comme si nous voulions garder le bien être perdu au passage, le beurre et l’argent du beurre. C’est la vie qui nous impose le renoncement nécessaire comme prix à payer pour avoir un nouvel acquis.

Achille : Quel étrange paradoxe, nous pourrions penser au contraire que pour progresser il faut garder mais vous prétendez que nous devons perdre ?

La tortue : En effet, je dirais même plus : c’est l’acceptation de la perte qui nous ouvre la porte du potentiel suivant. Etre et avoir été. Pour simplifier je m’oserais à rattacher à chaque renoncement un nouveau potentiel. Comme un alpiniste qui doit abandonner la prise inférieure (pourtant si sure) pour atteindre la prise suivante (pourtant incertaine) s’il veut continuer à grimper (vers l’inconnu), la nature ne lui permet pas d’autre solution. Je pousserais la comparaison en soulignant que chacun de nous sait bien ce qui arrive à l’alpiniste qui s’arrête dans son ascension…

Achille : En fin de compte mes deux mains ne m’autorisent à bien utiliser qu’un seul outil et si d’aventure j’en trouve un meilleur, je dois lâcher le premier pour essayer le second.

La tortue : En quelque sorte. Si vous voulez bien, prenons l’enfant in utero, Après lui avoir donné le principe de vie, la nature lui laisse t-elle le choix de naître ou de ne pas naître ?

Achille : Non bien sur, l’enfant n’a pas le choix au risque de perdre le principe de vie.

La tortue : Pourtant il doit renoncer à la quiétude de la vie in utero ; quoi de plus confortable que de vivre en semi apesanteur dans un milieu aquatique en parfaite symbiose avec la mère. Toute agression externe arrive amortie, filtrée, adoucie. Qui de nous n’a jamais rêvé de retourner dans le ventre de sa mère ? Mais qu’avons nous gagné en naissant ?

Achille : Nous avons un contact direct avec le monde, nous allons pouvoir voir, entendre, sentir, goûter, aimer, ressentir, penser, réfléchir…

La tortue : Doucement, doucement, ne vous emballez pas comme ça. Disons qu’il va obtenir un premier degré d’indépendance, il va commencer le processus de l’apprentissage sous forme primaire : absorber. Tout ce qu’il peut : l’air, la nourriture, les images, les sons, les sensations, les odeurs… Quoique très actif dans son processus d’absorption, il reste inconscient du monde extérieur.

Achille : Comment pouvez vous dire qu’il est inconscient ? Lui avez-vous demandé ? Vous ressemblez bien là à tous ses intellectuels qui croient tout savoir.

La tortue : Ne vous méprenez pas cher ami, je comprend bien votre courroux et votre promptitude à défendre la veuve et l’orphelin. Je serais d’ailleurs bien le dernier à vous le reprocher ou à m’en offusquer. Simplement j’essaye de reprendre les faits non pas de les interpréter. Voyez-vous, j’utilise ici la notion d’inconscience liée à la notion de sens. Je pourrais le comparer à quelqu’un qui écouterais pour la première fois un concert sublime d’une extraordinaire beauté. Sans initiation, il percevra un bien être mais il lui sera difficile au début de faire le lien de cause à effet. Est-ce la belle salle, toute cette foule avec ses habits de strass, son bruit, ses odeurs ou la musique qui sont à l’origine de ce bien être ? Avez-vous vu un nourrisson se poser la question de savoir ce qui lui plait. Il exprime des besoins et des désirs qu’il va assouvir le plus primairement possible sans se poser de question, au début… Pour reprendre mon propos je dirais que cette inconscience définit précisément l’entrée dans l’enfance.

Achille : Quoi, vous essayer encore de vous en tirer avec une pirouette. Prétendez-vous que l’enfance c’est le renoncement à cette inconscience ?

La tortue : Vous souvenez-vous de la première fois ou vous avez eu la notion de conscience ?

Achille : Oui, très bien, je me souviens d’avoir eu conscience que ma mère me laissait le premier jour de l’école maternelle. Plus tard j’ai compris que j’ai ressenti l’abandon.

La tortue : Imaginez-vous un instant que votre mère avant cette évènement ne vous a jamais quitté une minute ?

Achille : Je ne sais pas, mais je peux concevoir qu’elle a dû me laisser parfois pour vaquer à ses activités.

La tortue : Quelle était la différence entre les fois d’avant et cette première rentrée à l’école ?

Achille : Cette fois, c’était plus dur pour moi.

La tortue : Là vous me rapportez un ressenti, je vous parle d’une différence objective dans les faits. Quelle différence intrinsèquement entre laisser son bébé par exemple, à la garde d’une nourrice ou le laisser à la garde d’une maîtresse ?

Achille : Vous avez raison, intrinsèquement, il n’y en a pas de majeure.

La tortue : Pourtant vous exprimez à juste titre que ce fut différent pour vous. En quoi réside cette différence ? Les évènements signifiant a priori le même niveau d’abandon, la différence pourrait se situer au niveau de votre ressenti.

Achille : Admettons.

La tortue : C’est là qu’apparaît la prise de conscience ou la perte de l’inconscience donc : fini le nourrisson, vous venez de pénétrer dans le monde de l’enfance. Encore une fois vous n’avez rien choisi ; il en est ainsi. Un jour vous avez commencé à devenir conscient, vous êtes devenu un enfant. Qu’avez-vous gagné ?

Achille : Je peux commencer à décider, faire une relation de cause à effet dans ce que je vis et ce que je ressens.

La tortue : Laissez moi appeler cela l’apprentissage passif. Pour l’enfant s’ouvre la possibilité d’influer sur le monde extérieur et sur son monde intérieur sans vraiment réaliser la portée ni les conséquences de ses actes. Je dirais qu’il vit dans ce que j’appellerais volontiers l’insouciance. Il voit bien que de frapper quelqu’un fait du mal, il réalise une relation de cause à effet : frapper égale douleur. Mais c’est comme une espèce de curiosité avant qu’il en réalise les conséquences. Il faudra d’ailleurs souvent l’intervention d’une tierce personne pour apprendre à faire ce pas ; maman qui me gronde parce que c’est mal de taper ses petits camarades.

Achille : Comme de foncer à toute vitesse dans la descente avec son vélo, c’est grisant mais après une bonne chute, force nous est de constater la fâcheuse issue.

La tortue : Pourtant l’enfant abordera la minute suivante un autre registre avec toujours la même insouciance et heureusement pour son apprentissage. Il en sera ainsi jusqu’à l’étape suivante.

Achille : Ha je vois, petit à petit, nous réalisons la portée des évènements, des sentiments, des ressentis etc. Nous devenons plus mature pour finalement ne plus être insouciant.

La tortue : Exact et vous venez d’énoncer le renoncement suivant : la perte de l’insouciance, c’est elle qui marque l’entrée dans l’adolescence. Que de regret quand on y pense à ce temps de l’inconscience puis de l’insouciance. Qu’ils étaient confortables et agréables ! Pourtant encore une fois, personne ne nous a demandé si nous voulions les perdre. C’est ainsi, un beau jour, il nous faut admettre que nous sommes responsables, il faut commencer à assumer.

Achille : Rien ne nous y oblige, nous pourrions très bien décider de garder cette insouciance de l’enfant puisque maintenant nous avons la conscience.

La tortue : Certes, d’ailleurs certains le tentent. Force m’est de constater aujourd’hui combien malheureux ils deviennent au fur et à mesure que leur vie s’écoule. Mais nous reprendrons cela dans un chapitre plus global sur : « que se passe-t-il si le renoncement n’est pas ? »

Achille : Et quels sont les acquis de l’adolescent ?

La tortue : Nous rentrons dans ce que je définis comme l’apprentissage actif, celui des conséquences, des responsabilités. Cà y est, il faut assumer. Mais surtout, ce qui reste le plus impressionnant chez l’adolescent c’est son vécu de toute puissance, rien n’est impossible, il devient omnipotent.

Achille : Oui, puis l’adolescent perd son omnipotence pour devenir l’adulte actif qui construit, qui bâtit. Puis l’adulte perd son pouvoir de bâtisseur et devient le senior qui transmet. Ensuite vient le temps où il perd la capacité de transmettre pour aborder la sagesse. L’ancien qu’il devient mène doucement son chemin vers l’ultime renoncement : celui du principe de vie… C’est déconcertant de voir comment chaque étape revêt cet aspect inéluctable : Nous n’avons pas le choix ! Si j’osais j’exprimerais de la colère. C’est une immense atteinte à mon libre choix. Je refuse d’être un pantin manipulé par je ne sais quelle force.

La tortue : (interrompt Achille en lui posant amicalement la main sur l’avant bras) Ne soyez pas si offusqué. Voyez-vous la plupart des humains rêvent de pouvoir voler librement au dessus des Andes comme le condor. Pourtant la majeure partie d’entre eux ne s’offusque point de ne pouvoir le faire, tout au plus ils s’égarent parfois béatement dans leur imaginaire à haute voix comme s’ils y étaient. C’est peut être ça sublimer ? En tout cas c’est accepter sa condition humaine. Pourquoi ne pas accepter au même titre le principe des renoncements nécessaires, comme de ne pas pouvoir survoler librement les montagnes ? Cela ne fait-il pas parti de la condition humaine ?

Achille : (agacé) Que je déteste votre manie de retourner toujours la situation. Pourquoi accepterais-je les renoncements ?

La tortue : Tenez, prenez ce feuillet il résume bien notre propos. (La tortue ouvre le secrétaire et prend un document qu’elle tend à Achille).

Achille : (prend le papier qu’il commence à lire à haute voix) :

— Nouveau potentiel : principe de vie

In utero, Apesanteur, Symbiose.

— Renoncement : perte du confort du milieu aquatique et de la protection maternelle directe (naissance). — Nouveau potentiel : possibilité d’absorber, d’appréhender directement le monde extérieur.

Nourrisson, Inconscience, Absorber.

— Renoncement : perte de l’inconscience. — Nouveau potentiel : possibilité d’apprentissage passif, d’influencer consciemment le monde extérieur.

Enfance, Insouciance, Apprentissage Passif.

— Renoncement : perte de l’insouciance. — Nouveau potentiel : possibilité d’omnipotence.

Adolescent, Apprentissage Actif, Indépendance, Omnipotence.

— Renoncement : perte de l’omnipotence. — Nouveau potentiel : possibilité de construire, de bâtir et de défendre.

Adulte, Bâtir, Thésauriser.

— Renoncement : perte de l’efficacité à construire (notion de compétence devenu relative par rapport à la concurrence). — Nouveau potentiel : possibilité d’agencer en héritage et de transmettre.

Senior, Transmettre, Héritage.

— Renoncement : perte de la capacité à transmettre. — Nouveau potentiel : la sagesse.

Ancien, Etre là.

— Renoncement : principe de vie.

Voilà quelques propos pertinents, mais quel rapport avec notre ami Benoît ?

La tortue : je poserais la question différemment. Ne trouvez-vous point se schéma très théorique, loin de la réalité ?

Achille : Je n’osais vous en faire la remarque. Rares sont ceux qui atteignent la sagesse que vous décrivez. Où se sont perdus les autres.

La tortue : C’est là qu’intervient la notion de traumatisme. L’adulte peut comprendre que cet enchaînement idéal va être perturbé par les traumatismes de la vie. Ce sera peut être une anomalie génétique, une maladie, un accident, une agression, la précocité, une guerre, une famine, un tremblement de terre, plus généralement un cataclysme ou une déviation socio culturelle. J’appellerais ça l’écologiquement acceptable, le risque encouru par le simple fait de posséder le principe de vie. Mais il y a aussi le vécu de chacun. Nous pouvons aisément imaginer que chaque passage représente une zone sensible. Gardons l’image de l’alpiniste qui va changer de prise : moment délicat entre deux situations, passage d’un état au suivant. S’il a le vertige, que va-t-il se passer ? Comme tout moment délicat, le risque augmente.

Achille : Pourtant vous nous avez déjà fait remarquer que comme l’alpiniste, on ne peut s’arrêter.

La tortue : Exact, ma seule certitude c’est de mourir. Avant il me reste juste à vivre ! Imaginons que je refuse un renoncement, que va-t-il se passer ?

Achille : Je reste au stade précédent en attendant ma mort et je vis comme un éternel enfant ou un éternel adolescent ou un éternel adulte… Pourquoi pas ?

La tortue : Oui, pourquoi pas mais revenons à notre alpiniste si vous voulez bien. Au milieu de son ascension, il se sent bien, il a trois prises très stables, élégantes, le soleil vient le réchauffer doucement. Il sent son corps et son esprit en plaine harmonie avec la montagne. Bref il est dans l’ivresse de l’instant. Pourquoi bougerait-il ? Pourquoi tenterait-il de lâcher une prise sûre pour s’aventurer vers l’incertitude de la suivante ? Pourquoi aller plus haut s’il se sent bien là où il est ?

Achille : Dans l’absolu, je ne vois pas pourquoi, s’il est confortable.

La tortue : Admettons que la position ne le fatigue pas, le laissez-vous là ?

Achille : Je vous répète, s’il est confortable, oui.

La tortue : Savez-vous que vous êtes un assassin.

Achille (offusqué) : Vous ne croyez pas que vous y allez un peu fort.

La tortue (l’air moqueur) : Bien sûr, je vous taquine. Voyez-vous, vous oubliez juste un facteur important pour notre alpiniste : le temps. En effet il pourrait rester là mais les heures passent et la nuit va bientôt venir. S’il s’arrête, que va-t-il devenir quand la nuit le surprendra au milieu de la paroi ?

Achille : Effectivement il risque de passer de mauvaises heures, voire même de mettre sa vie en danger.

La tortue : Admettons maintenant qu’il décide juste de rester un peu plus longtemps que prévu sur un passage où il se sent bien. Encore une fois, le temps va le rattraper. Quand il va reprendre son ascension, il va réaliser qu’il a du retard par rapport au temps qu’il lui reste avant la nuit et il va devoir effectuer la fin du parcours dans de mauvaises conditions. Il va devoir aller trop vite au risque d’imprudences, il va avoir l’angoisse de ne pas arriver à temps, d’avoir comme une épée de Damoclès sur la tête. Bref il va ressentir un mal être.

Achille : Je crois mesurer la puissance de votre analogie. Vous voulez dire que si nous nous arrêtons ou si nous nous attardons sur une étape, nous risquons comme l’alpiniste de passer quelques périodes difficiles ?

La tortue : Exact, c’est le facteur temps qui ne nous laisse pas le choix, une fois engagé dans l’ascension, il faut avancer car le temps lui ne s’arrête pas au gré de nos humeurs. Il avance inexorablement. Il nous faut alors le suivre et faire coïncider la progression du temps avec celle de notre évolution.

Achille : Sinon ?

La tortue : Comme l’alpiniste, l’extase sera suivie de ce sentiment de malaise qui peut aller jusqu’à la notion de danger de mort. Plus il y a de décalage entre le temps et l’évolution, plus le malaise devient important. Ce décalage aura d’ailleurs le même impact qu’il soit en retard ou en l’avance ; l’enfant précoce ressentira aussi ce mal être.

Achille : En somme c’est le sentiment de ne pas être à sa place ou du moins là où il faut quand il faut.

La tortue : Fondamentalement oui. Poussons un peu notre analogie : Au fur et à mesure de sa progression, notre alpiniste va sentir venir le froid et la fatigue. Il va penser avec nostalgie au début de sa course. Pourtant si vous lui demandez d’y retourner, il ne le voudra pas, pour rien au monde.

Achille : Comme nous avec notre enfance ou notre adolescence.

La tortue : Je m’aventurerais encore plus loin si j’osais.

Achille : A savoir ?

La tortue : Imaginez que notre alpiniste soit le premier de cordée, qu’il ait avec lui plusieurs personnes, a-t-il droit à l’erreur ?

Achille : Autrement dit, pour aider les autres, je dois avoir trouver l’harmonie entre la progression du temps et mon évolution.

La tortue : Peut être. Toujours est-il que l’humain exprime encore une fois sa difficulté face à un facteur qu’il ne peut contrôler, qu’il doit subir : le temps qui passe. Cela reste difficile pour l’humain, même Einstein en courbant le temps ne l’a pas suffisamment fait fléchir pour le dominer.

Achille : Si je comprends bien, mon bien-être dépend de ces renoncements nécessaires.

La tortue : Effectivement. Vous est-il arrivé de rencontrer un de ces personnages, éternellement quelque chose ?

Achille : Oui bien sur, ma tante par exemple éternellement adulte. A 80 ans elle construisait encore une nouvelle maison pour ses vieux jours disait-elle. Toujours à droite et à gauche commandant tout le monde. Tout le monde l’admirait pour sa vivacité, sa générosité…

La tortue : Que s’est-il passé à sa mort ?

Achille : Je ne vous en parle pas, une vraie honte. Les héritiers se sont déchirés les uns les autres. C’était à qui récupèrera la plus grosse part du magot. Mais pourquoi me posez-vous cette question ? Je veux dire pourquoi celle là particulièrement ? Je vous dis qu’elle était généreuse, admirée, aimée et vous me parlez de l’horreur de ses héritiers.

La tortue : J’imagine aisément que le problème sera là où le renoncement nécessaire n’aura pas été fait et je ne suis pourtant ni devin ni voyante.

Achille : (Achille reprend le papier récapitulatif puis regarde La tortue comme quelqu’un qu’on a trahi et reprend tout doucement) Je vois : vous voulez dire renoncer à bâtir pour transmettre.

La tortue : exact. C’est pareil pour Benoît.

Achille : Comment çà c’est pareil, vous utilisez encore une fois un de vos saisissants raccourci dont la logique vous appartient certes mais seulement à vous et qui échappe à tout autre. Expliquez-moi comment le fait de s’enfermer dans son monde intérieur à la moindre contrariété correspond à un renoncement nécessaire non abouti ?

La tortue : S’il refuse la contrariété, s’il la perçoit comme dangereuse c’est qu’il ne veut pas rentrer dans le monde relativisé de l’adulte. Souvenez-vous du renoncement à l’omnipotence, le monde n’est pas parfait. Je ne suis pas superman. C’est quand j’intègre le compromis, l’écologiquement correct que je deviens adulte. J’accepte l’imperfection. Ce n’est pas forcément comme je voudrais. Pour l’adolescent, la contrariété vient heurter son omnipotence.

Achille : Notre Benoît est resté adolescent alors.

La tortue : Non pas tout à fait, c’est le passage qui a été pénible et qui a laissé une trace. La perte de l’omnipotence a été douloureuse et toute situation qui lui rappelle cette perte pourrait déclancher la douleur alors il préfère occulter plutôt que d’affronter. Il ne veut plus subir la souffrance.

Achille : Si j’osais je dirais comme la tortue qui rentre dans sa carapace face au danger. Mais le danger est toujours là.

La tortue : Sur l’instant sa technique de défense fut probablement la seule valide, disponible et efficace mais comme vous le faites judicieusement remarquer, le danger est toujours là. Encore une fois, nous revenons au facteur temps.

Achille : Je vois, c’est le temps qui rend sa réponse de plus en plus inadaptée et de plus en plus pénible pour lui ; le fameux décalage qui s’accentue avec les années au point de devenir intolérable.

La tortue : Plutôt que de traiter sa difficulté à maintenir une relation amoureuse, je vais attaquer la source de son décalage, sa peur de souffrir de nouveau, pour rompre un lien neuronal qui l’amène à refuser les renoncements nécessaires. Il lui faut réaliser que le temps est passé, qu’il peut devenir adulte et donc affronter la contrariété sans avoir forcement à souffrir comme lors de la perte de son omnipotence. Il peut maintenant retrouver l’harmonie entre le temps et son évolution.

Achille : À vous écouter tout est simple. Le renoncement nécessaire, c’est comme un canevas de la vie.

La tortue : En tout état de cause, je dirais que ceux qui savent mieux se situer par rapport à ces étapes peuvent probablement mieux gérer leur vie et dégager un bien être pour eux-mêmes comme pour leur entourage. Souvenez-vous du guide de montagne avec sa cordée.

Achille : Maintenant grâce à vos éclaircissements sur les renoncements nécessaires, je comprends mieux la question que vous posiez au début : « Que fait un humain entre sa naissance et sa mort ? ». Comme quand on gravit une montagne, je comprends mieux le mécanisme. Je serais alors enclin à vous demander alors le pourquoi ?

La tortue : C’est effectivement la question qui vient naturellement. Quelle est donc la finalité de cette évolution de l’humain dans sa vie ? Ceci est l’objet d’une autre discussion trop longue pour être commencée ce soir et malgré toute l’amitié que je vous porte je vous abandonne donc pour aller me reposer si vous le permettez. (La tortue salue bien bas et quitte la pièce en se déplaçant doucement.)

Dr Guy Sautai

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7 Réponses pour Les renoncements nécessaires

  1. Réponse anonyme originale du 29/03/06 dit :

    Bienvenue au club des seniors !!! En effet, si tu écris, c’est pour être lu, "transmettre", donc ! Génial, je me sens moins seul au club des "vieux cons". Je te rassure, transmettre apporte de grandes joies, l’impression d’être utile en particulier. Mais cela apporte de grandes désillusions quand personne ne se soucie de ton message…. C’est là  qu’intervient la sagesse. C’est, je crois le Tao qui a écrit "l’expérience est une lanterne qui éclaire derrière soi". Moi, qui n’est pas le Tao, je pense qu’il n’est d’avenir sans passé et que, quelque soit la petitesse de notre contribution, nous devons l’apporter à  l’Å“uvre commune. C’est la somme des contributions qui fait l’Å“uvre. Et, qu’elles admettent ou non, les jeunes générations bâtissent sur l’Å“uvre des plus anciennes. Pour en revenir au renoncement, ce que m’a appris l’âge, c’est qu’il ne faut jamais renoncer, aussi stupide que cela paraisse. Certes, nos ambitions intellectuelles de jeunesse n’ont pas résisté au mur de la réalité, mais si nous n’avons jamais renoncé, nous nous sommes adaptés pour pouvoir, quand même, faire avancer ce que nous croyons juste et, même si c’est minime, c’est notre contribution à  l’Å“uvre commune. Et de savoir que nous avons… et que nous continuons à  contribuer est ce qui nous empêche de vieillir desséchés et amers. Peut-être ne suis-je pas encore "Ancien" mais je t’assure que je ne me sens pas prêt à  renoncer. Peut-être cela s’appelle-t-il le gâtisme ?….

    La tortue : "Comme si nous voulions garder le bien être perdu au passage, le beurre et l’argent du beurre. C’est la vie qui nous impose le renoncement nécessaire comme prix à  payer pour avoir un nouvel acquis." Moi je crois qu’il faut vouloir le beurre et l’argent du beurre, tout le temps et partout, si non, c’est le renoncement. Vouloir le beurre et l’argent du beurre, cela s’appelle l’ambition et, si tu veux qu’il te reste quelque chose à  mettre à  l’Å“uvre commune, il ne faut jamais renoncer. Je préfère la version "escalade" de la tortue : ne renoncer à  une chose que pour un objectif plus haut. Et c’est ce risque qui donne à  l’homme l’impression de vivre. on peut en déduire que le risque c’est la vie et par opposition, le renoncement, c’est la mort. Ton alpiniste (que j’aime bien) renonce certes à  une prise, mais pas à  son objectif : arriver au sommet. C’est donc à  son objectif qu’il ne faut jamais renoncer.

    Tout comptes faits, je pense que notre différence est sémantique : ce que tu appelles "renoncements nécessaires", je l’appelle "adaptation". Renoncement signifie perte, adaptation progrès….

  2. Réponse originale du 29/03/06 / Marc dit :

    Diifiicle de dire le TAO à  écrit. Pour cerrtain le mot TAO veut dire voie. Il représenterait toujours d’après certains l’unique perfection. Mais si nous citons quelques paroles (ou écrit) attribuées à  LAO TSEU, il est dit en parlant du sage : Il s’abstient de toute action. impassible il enseigne par son silence. Les hommes autour de lui agissent. Il ne leur refuse pas son aide. Il crée sans s’approprier et oeuvre sans rien attendre. Il ne s’attache pas à  ses oeuvres . Et par là  , il les rend éternelles.

    Et je pense qu’il serait plus adéquat de parler alors de sagesse et non d’expérience.

    Je reste toutefois persuadé que de petits objectifs réalisables sont préférables à  de tres grands hors de notre portée. A force de petits pas nous pouvons nosu retrouver en haut de la montagne sans nous en apercevoir et du fait de multiples satisfactions le chemin aura été, alors, facile.

    Mais en fait c’est juste un clin d’oeil à  deux amis très chers qui vieillissent en même temps que moi. Un club se fait à  plusieurs.

  3. Réponse originale du 20/03/06 / Françoise dit :

    Avez vous lu "Momo" de Mickael Einde ? on y trouve la tortue, la fabrique du temps, les hommes en gris ou voleurs de temps, et Momo est LA, PRESENTE, à  la fois sage comme l’Ancien et fraiche comme l’enfant, en contraste avec un monde adulte mortifère.

  4. Réponse originale du 29/03/06 / Dr Sautai dit :

    La tortue : Vous voyez Achille nous sommes décidément trés célèbres, Einde nous avait invités dans "momo". Formidable non !

    Achille : En fait nous sommes vieux, savez vous que les anciens contaient notre histoire aux veillées.

    La tortue : Si je me souviens bien, notre père littéraire s’appelait Zenon, c’est lui qui a écrit notre première histoire.

    Achille : En effet, plus tard, vers 1895, il y a eu Lewis Carroll qui nous a écrit une autre histoire.

    La tortue : Exact, vous souvenez vous aussi de Douglas Hofstadter qui, dans un ouvrage remarquable nous a torturé l’esprit de façon magistrale.

    Achille : Maintenant que vous en parlez, je me rappelle, c’était dans un ouvrage qui utilisait un puissant parrallèle entre le mathématitien Gà¶del, le peintre Escher et le célèbre musicien Jean Sébastien Bach.

    La tortue : Aujourd’hui nous voilà  plongés dans L’EMDR avec un inconnu, décidément notre vie reste très mouvementée.

    DR sautai

  5. Réponse originale du 29/03/06 / Jean-Pierre Bey dit :

    Cher Monsieur Conseillé par un ami je découvre à  l’instant votre nouvel article intitulé " les renoncements nécessaires". Je n’ai pas encore pris le temps de le lire complètement et attentivement, néanmoins mes premières impressions sont très positives sur la forme de l’exposé, même si je n’ai pas encore eu le temps de m’imprégner du fond . Je suis totalement néophyte en la matière, bien que la forme devrait faciliter la "digestion" et la compréhension il me faudra un certain temps pour assimiler vos propos. Je compléterai donc cette réponse dès que possible. Je pense aussi diffuser votre article à  mon entourage, ce qui permettra de confronter et de compléter réciproquement les points de vue. Concernant le site sur lequel vous vous exprimez, il est très agréable à  regarder, je pense toutefois que sa présentation pourrait être améliorée afin que votre texte ne se présente pas sous la forme d’une étroite colonne peu agréable à  lire à  l’écran. Bien qu’il soit préférable pour une bonne lecture d’imprimer le document il me semblerait utile de reconfigurer la présentation afin qu’elle soit plus attractive visuellement.

    Salutations, à  bientôt.

    Jean-Pierre BEY

  6. Réponse originale du 26/07/06 / Pierre dit :

    J’ai beaucoup aimé cette nouvelle histoire de tortue. Elle est écrite avec finesse et intelligence. Il y a plus de vingt ans, j’ai suivi la tortue de Douglas Hofstadter dans les méandres de la logique formelle. Après les questions de logique, voilà  que cette tortue vient enfin me parler des vraies questions de la vie… C’est par hasard que j’ai retrouvé ici les discours de la tortue. Je cherchais des infos sur ‘Les renoncements nécessaires’, le livre de Judith Viorst. J’ai gardé la page de cet article et je la relis souvent. Cette histoire me touche très spécialement… J’ai raté un « passage » dans l’existence et mon absence de progression me force à  accepter maintenant à  la fois la perte de mon efficacité à  construire et la perte de ma capacité à  transmettre. J’ai fait comme l’alpiniste de l’histoire. Accroché à  ma montagne, je me suis bien amusé mais j’avais horreur des plans de carrière… Je ne voulais pas faire comme les autres. J’avais une grande capacité de construire mais je ne m’en suis pas servi. Je mes suis trouvé une femme plus âgée de 20 ans avec qui je ne risquais pas d’avoir d’enfants. J’ai fait comme si le temps pour moi n’existait pas. Aujourd’hui j’ai du travail o๠je joue au ‘senior’. Je n’ai rien construit, pas de famille, pas de maison, pas grand chose à  transmettre et personne à  qui transmettre. La situation est plutôt inconfortable… mais elle n’est pas grave 🙂

    Pierre

  7. christine dit :

    Merci dr Sautai pour ce texte magnifique, offert par une de mes amies. Nous sommes 5 trentenaires, nées la même année, mais chacune à  une étape différente de nos vies car les renoncements n’ont pas été tous réalisés et je réalise combien il est en effet difficile d’aider les autres quand on n’aa pas soi-même trouvé son harmonie entre la progression du temps et son évolution. Tant de choses trouvent un echo dans nos 5 vies, ce texte sera certainement au centre de notre prochaine rencontre. Merci pour ce que vous nous aiderez à  bâtir toutes les 5 pour mieux nous entraider !
    Amicalement
    Christine L.