La célèbre conclusion de Descartes : « Cogito ergo sum » repose sur un tour de passe-passe sémantique. Elle résulte de la condensation de deux niveaux inconciliables de pensée. C’est à proprement parler une ellipse qui a la même structure logique, sans en avoir l’air, qu’un paradoxe.
L’analyse des paradoxes révèle l’existence de deux niveaux sémantiques de communication (cf. Les travaux de P. Watzlawick entre autres à ce sujet).
Prenons un exemple célèbre : « Je mens ».
« Je mens » condense, ici, deux niveaux différents appelés : « classe ».
1ère Classe : niveau de l’énoncé – Je mens signifie que je ne dis pas la vérité.
2ème Classe : niveau de l’énonciation – Je mens se présente comme un aveu donc comme une vérité.
La collusion des deux niveaux en une seule proposition a pour effet de la rendre insoluble.
Un paradoxe ne génère d’effet que quand on ne le dénonce pas. Ainsi en va t-il en pathologie où leur effet engendre sidération et paralysie.
Il en va de même pour « je pense donc je suis ».
1ère Classe : « je pense », « je suis » constituent un premier niveau d’expression d’une conscience intuitive immédiate . Il peut en être de même si « je pense donc je suis » est une simple écholalie, une ritournelle, une perception de premier degré, intuitive, pour laquelle d’ailleurs le « donc » pourrait être supprimé, car la perception d’être simplement par le seul fait de penser n’est pas, dans ce cas, une déduction.
2ème classe : « je pense donc je suis » prouve l’existence d’ un niveau de conscience réflexive . Le « donc » prend alors toute sa signification. Dans ce cas l’abus de sens est évident. « Je pense » et « je suis » ici, n’ont pas le même statut que dans la classe précédente. Ils n’en sont que des représentants réflexifs que lie de surcroît la conjonction de coordination « donc ». Penser et être sont ici dans un après-coup où penser et être sont tenus d’abord pour acquis, re-présentés ensuite et enfin reliés ensemble. Pour être sémantiquement correct, il aurait fallu écrire « je pense (ou plutôt je perçois) que je pense donc je pense que je suis » ce qui on en conviendra enlève singulièrement de la force à l’aphorisme du cogito. Il est d’ailleurs assez piquant de renverser une ou l’autre des (ou les deux) propositions : « je ne pense pas donc je suis » ou « je pense donc je ne suis pas » ou encore « je ne pense pas donc je ne suis pas ».
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Indépendamment de l’absurdité de telles formulations, l’usage du « ne » fait apparaître nettement des paradoxes et donc les classes de l’énoncé et de l’énonciation.
La construction de Descartes, si on lui prête une valeur déductive, consiste comme dans le cas d’un paradoxe à présenter en un tout condensé deux niveaux sémantiques inconciliables parce que disjoints. De ce fait la proposition est indécidable et bien entendu dépourvue de toute valeur probante supplémentaire. En effet, le cogito est présenté sous la forme d’une preuve : « la preuve que je suis est apportée par le fait que je pense ». Or à supposer que ce soit quand même dans ce cas, une démonstration solide malgré l’existence de deux classes structurelles constitutives disjointes (bien que condensées en une seule et même expression), elle est parfaitement superflue. Elle n’apporte rien de plus à l’affirmation : « je suis » car pour affirmer être, il faut bien être, ce qui renvoie dans le raisonnement même à une réflexion. On trouve encore les deux classes, mais ici en redondance. Si on avait écrit « je ne suis pas » au sens voisin de « je n’existe pas », ces deux classes en opposition généraient un paradoxe).
Entre un « je suis ce que je suis » désabusé ou un messianique « je suis celui qui est » ou encore un « je suis parce que je suis », les tautologies sous leur différentes formes malgré d’intéressantes variations de signifié, n’apportent, non plus, aucune preuve ni certitude supplémentaires, à vrai dire non nécessaires.
L’embarras des philosophes et des penseurs a été de vouloir à tout prix résoudre une sorte de quadrature du cercle, à savoir d’apporter de la certitude dans le champ de la raison, disons de la logique. Or, la raison est-elle fondamentalement, en totalité, séparable du doute et de l’incertitude ?
La raison n’est pas un objet. Elle est mouvement d’objets. La validité de la logique ne saurait être déduite de celle de ses applications toujours soumises, elles, aux limites de la vérification empirique. Est-elle prouvable ? Ne relève t-elle pas de l’axiomatique ? En effet, la preuve intellectuelle absolue de la validité de la logique ne peut être ni apportée par la logique (on ne saurait être juge et parti), ni, a fortiori, par quelque chose de non-logique. Un espace non-logique soit ne démontre rien, soit ne saurait démontrer la valeur de l’espace logique qu’illogiquement, par définition. Or cette démonstration, si elle existait, deviendrait de ce seul fait, logique ce qui est contraire à la définition et donc illogique…etc. Tout ceci étant logique, nous laisse dans l’incertitude et ne démontre rien si ce n’est, peut-être, l’indémontrabilité de notre entreprise. C.Q.F.D.
L’existence d’un monde extérieur identique à ce que nous en percevons n’est pas non plus très assurée. Rien ne garantit de la conformité du perçu et du réel, non plus que de celle du perçu dont nous nous entretenons entre nous les hommes malgré un espace culturel apparemment commun, non plus que de l’existence même d’une réalité en soi ou d’une illusion définissable. Toutes les représentations que nous en avons proviennent, en dernière analyse, de notre perception et de nos sensations. Comment apporter, dans ces conditions, une preuve qui ne passe pas par les mêmes canaux ? A supposer que l’on en inventât une, l’on ne ferait que repousser notre recherche d’un cran jusqu’à buter à nouveau sur l’axiomatique matricielle du « UN ».
Le doute est-il paradoxalement la seule certitude qui soit véritablement offerte à l’homme ? Rappelons que c’est à partir d’un doute systématique, « hyperbolique », que Descartes aboutit au Cogito, puis à l’idée d’une substance dont toute l’essence ou la nature n’est que de penser et de là enfin à l’idée d’une âme distincte du corps. Le raisonnement ne doit pas faire illusion. Pour les mêmes raisons analytiques que celles que j’ai déjà avancées et qui pourraient être reprises ici, la démarche appartient plus à l’intuition qu’à la déduction dont elle prend le masque. Mais elle est intéressante par elle-même. Elle part du doute pour aboutir à la certitude en même temps qu’elle part de la raison pour aboutir à la profession de foi. Affirmer « je pense donc je suis » ou plus simplement « je suis » ou encore « mon âme est distincte du corps et immortelle » est du même niveau intuitif, sans être pour autant plus probant. Qu’en conclure, sinon que la certitude absolue ne peut appartenir qu’à la foi dont l’intuition relève ; pour le meilleur et pour le pire ? Plutôt que de tenter d’impossibles démonstrations, ne conviendrait-il pas mieux d’essayer de définir les limites du champ conceptuel ?
Les bornes humaines, sous le masque rassurant d’une concrétude familière, sont finalement constituées par d’indépassables et invisibles axiomes. L’être, le monde extérieur, la réalité, notre logique, nos doutes sont si tangibles au quotidien. Conceptualisés, on ne saurait les démontrer car la pensée ouvre toujours la porte à un paradoxe et nous conduit à des expressions qui ne valent que par la foi dans lesquelles on les tient. L’homme est bien obligé de s’en accorder. Pourtant, pris tous ensembles ces concepts, ou ces réalités comme on veut, dessinent un réseau pertinent, un territoire dont les frontières par-delà le paradoxe semblent conduire au chaos.
Jacques Roques Psychanalyste – Psychothérapeute
Commentaire original du 26 février 2006 :
S’attaquer aujourd’hui au Cogito cartésien suppose que l’on s’inscrive dans la longue tradition des commentateurs de Descartes. Ou qu’on l’ignore. Le texte ici présenté applique à l’extrait du « discours de la méthode » la grille de l’école de Palo Alto sur la sémantique de la communication. En cela l’auteur suppose que Descartes « communique », point de départ à tout le moins discutable à moins de croire le « on ne peut pas ne pas communiquer » de Watzlawick. Ce qui se présente dans le texte comme raisonnement vise à faire apparaître le cogito comme résultant d’un tour de passe-passe.
Le lecteur aurait bien besoin de se reporter au texte original puisque, dans le Discours de la méthode, Descartes ne fait que résumer succinctement ce qu’il développe dans la deuxième des Méditations métaphysiques. Rappelons qu’en 1641, Descartes y a pour objectif premier de poser la primauté de l’entendement sur la foi en établissant, par la raison, l’existence de Dieu. Au XVIIe siècle, une telle démarche est particulièrement risquée pour qui tient à sa vie. Dans les Méditations Le cogito est exprimé sans le « donc » sur lequel on s’appuie pour montrer que paradoxe il y a :
« De sorte qu’après y avoir bien pensé, et avoir soigneusement examiné toutes choses, enfin il faut conclure, et tenir pour constant que cette proposition : Je suis, j’existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce, ou que je la conçois en mon esprit. »
Ceci dit, on se demande un peu pourquoi ce texte est publié. Est-ce un exercice pour illustrer le caractère passe-partout de la déconstruction sémantique de la communication ? à€ quoi bon relire un fragment d’un texte de 1637 et lui appliquer sommairement une grille postérieure à 1950 ? Le texte ne le dit pas.
Je crois également pertinent de poser la question de la pertinence de ce texte non pas en lui-même mais en tant qu’il est publié sur un site dédié à l’EMDR qui se veut « une très grande découverte faite en 1987 aux Etats-Unis dans le domaine des psychothérapies » (Extrait du site). S’agit-il simplement de taper sur le clou des limites de la pensée ? On aurait pu se contenter de citer Freud. Ou Derrida. Ou Descartes lui-même. En quoi la critique du Cogito est-elle pertinente pour la thérapeutique ? S’agit-il de montrer qu’ici, on « s’y connaît » ? Rien dans le texte ne permet d’en juger.
La conclusion semble vouloir poser des limites à la conceptualisation (ai-je bien compris le dernier paragraphe ?) — ce que déjà Descartes affirmait dans ses Méditations : « il est du propre de l’entendement fini, de ne pas comprendre une infinité de choses ». Paradoxal ou pas, le texte de Descartes a le mérite de la clarté.
Textes originaux de Descartes sur ABU
Le « Je » cartésien n’est pas un « Je » d’opposition à un « tu » ou à tout autre pronom, c’est un « Je » de partage. Ce « Je » n’est pas simplement un « autre » rimbaldien, mais tous les autres, en tant qu’ils constituent la communauté des hommes, susceptibles de partager la même expérience et d’aboutir à la même conclusion.
En tant que psychanalyste et psychothérapeute je ne pouvais rester indifférent à la parole d’un maître dont l’étendard le plus flamboyant clame haut et fort le lien de la pensée et de l’existence sans doute encore plus que de l’essence.
L’étude des paradoxes permet aux praticiens formés à la systémique de dénouer des situations généralement inextricables. Je renvoie le lecteur à l’excellent article condensé de mon ami René Nuri sur ce sujet.
Sans prétendre m’inscrire dans la tradition des commentateurs de Descartes, dont je ne suis pas spécialiste, j’ai suivi l’exemple de nombreux collègues, dont entre autres, parmi les plus récents Lacan qui reprend le Cogito en tant que reliant la pensée au langage (Cf. La science et la vérité in Les Ecrits – page 864) et Antonio Damasio L’erreur de Descartes et Spinoza avait raison.
Dans cet esprit on ne « s’attaque » pas au Cogito comme on s’attaquerait à une forteresse – Il n’appartient d’ailleurs pas aux seuls philosophes commentateurs de Descartes – On le considère et on l’analyse. Pareil à un archéologue passant une momie aux rayons X, je ne pouvais faire autrement que d’appliquer sur cette vénérable relique de la philosophie classique de 1637, l’outil contemporain d’analyse sémantique de la communication paradoxale.
On peut discuter de tout, mais à moins d’ignorer totalement ce qu’est une communication ou d’en dénier le sens dont le plus commun (Cf. Littré et Quillet) se dit des informations données à quelqu’un, de la connaissance que l’on a obtenue de quelque chose, on ne peut dire que Descartes ne fait pas Å“uvre de communication puisqu’il nous donne à partager la découverte de l’évidence dans la solitude du Cogito.
Même d’un point de vue psychologique en tant que langage l’expression du Cogito peut être soutenue dans sa fonction de communication, puisqu’elle est expressive quant à l’état de conscience de son auteur, elle est représentationnelle en tant que porteuse de la transmission d’un savoir, d’une expérience et enfin elle agit sur autrui qu’elle cherche à convaincre.
On ne peut qu’être surpris d’entendre parler de croyance en ce qui concerne l’aphorisme de P. Watzlawick : « On ne peut pas ne pas communiquer », alors qu’il s’agit de l’expression évidente d’un constat phénoménologique assorti, il est vrai, de la restriction qu’un dormeur, un comateux et a fortiori un mort ne communiquent guère plus que ce que l’observation de leur état permet. Je le répète à moins d’un déni forcené dont l’origine dans ce cas reste à déterminer, on ne saurait confondre croyance et déduction faite après observation.
La remarque suivante de l’intervenant surprend davantage encore. Citant le texte de Descartes, il dit : « Dans les Méditations Le cogito est exprimé sans le « donc » sur lequel on s’appuie pour montrer que paradoxe il y a :
« De sorte qu’après y avoir bien pensé, et avoir soigneusement examiné toutes choses, enfin il faut conclure, et tenir pour constant que cette proposition : Je suis, j’existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce, ou que je la conçois en mon esprit. » »
Faut-il rappeler le sens de la conjonction de coordination « donc ». Je renvoie encore une fois ce lecteur au Littré : « Donc : sert à marquer la conclusion qu’on tire d’un raisonnement. Conjonction de coordination marquant la conséquence d’un fait énoncé dans la première proposition. ». En conséquence (j’allais écrire « donc ») « donc » et « conclure » ne sont-ils pas synonymes ?
Les mots ont un sens, souvent plusieurs même. L’usage comme le développement des techniques et de la réflexion les étire et les travaille au fil des siècles. Mais ils ne les ont pas tous. On ne peut, au risque d’une confusion babélienne, satisfaire à un courant confusionnel qui associe une prétendue profondeur de la réflexion à une adultération sémantique. Oui Descartes communique à tous les sens, y compris à celui de la philosophie existentielle de Jaspers, à laquelle pour des raisons d’anachronisme il ne pouvait pas songer. Non on ne peut pas employer le verbe « croire » pour ce qui relève, au départ de l’observation, sinon pour dire la confiance en laquelle on tient cette dernière et la capacité que l’on a de la mettre en Å“uvre. Ce n’est pas parce qu’un mot n’est pas utilisé que son sens n’y est pas, surtout si un synonyme le remplace.
La raison pour laquelle un texte s’interessant à la philosophie est publié précisément sur un site dédié à l’EMDR est expliqué dans l’édito : « Pourquoi emdrrevue ? ». Il suffit de le lire.
Je peux répondre par contre à la question plus générale de savoir la raison intrinsèque de la publication d’une réflexion afférente à une pierre angulaire de la philosophie classique. Deux raisons essentielles m’y ont amené.
Une est relative : A l’instar des paradoxes, le Cogito est un piège sémantique qu’on enseigne et répète benoîtement de générations en générations et à ma connaissance, personne ne l’avait démontré. Constitutionnellement il est de même nature que « Faites un effort, détendez-vous » ou « Soyez naturel ». Il n’a aucune valeur probante.
J’ai trop de respect pour Descartes pour ne pas obéir au premier précepte du Discours de la Méthode qui veut que l’on ne reçoive une chose pour vrai qu’après l’avoir connue évidemment comme telle. Un paradoxe ça se démonte. Le Cogito structurellement en relève. En tant que thérapeute je me dois de le dire.
L’autre raison est générale. Elle concerne la substance même de l’entendement humain. Il ne s’agit pas simplement comme le rappelle ce lecteur citant une fois de plus les Méditations « Il est du propre de l’entendement fini, de ne pas comprendre une infinité de choses » d’un problème de limite au sein de l’expression de l’entendement lui-même relativement à l’infinité insondable de l’ordre de la connaissance, mais plus substantiellement d’une limite originelle, dans le sens o๠l’appareil même qui sert à cet entendement (fini ou infini), la psyché ou le cerveau, est aussi objet de cet entendement. La démonstration est alors faite de la nature fondamentalement chaotique et paradoxale des limites de la pensée.
Je n’ai jamais lu ça dans Freud. Je ne connais pas suffisamment Derrida pour en juger. A vrai dire je ne l’ai lu nulle part, ce qui ne veut pas dire que ça n’ait jamais été écrit ou affirmé. Je ne sais pas tout, loin s’en faut. Pourtant on touche avec cette aporie la frontière qui existe précisément entre la pensée et la croyance. Le moins qu’on puisse dire c’est que cela méritait d’etre souligné.
Le « Cogito ergo sum » est une chose trop sérieuse pour qu’on la laisse à la discrétion des seuls philosophes. En tant que thérapeute, thérapeute EMDR, et analyste je ne pouvais vraiment pas y être indifférent.
Commentaire original du 20 mars 2006 :
C’est "to be or not to be", question existentielle à laquelle nous cherchons tous une réponse, sur laquelle on n’a jamais fini de disserter.
Tant que l’on n’a pas trouvé la solution concrète en tant que réalisation personnelle au bout d’un chemin psy ou philo ou spi, au-delà du seul cogito intellectuel moins célèbre est cette épitaphe découverte sur une tombe bogomile : "lorsque je voulus être, je cessai d’être" qui m’invite à une méditation si profonde que j’en ai parfois le vertige.