De l'importance du lieu sûr : les lieux paradoxaux

Mlle B., 19 ans, m’est adressée par son médecin-généraliste. Elle souffre, – m’écrit-il-, d’un « syndrome dépressif réactionnel ». Mlle B. est en 1ère année de droit, aurait préféré s’orienter vers la décoration d’intérieur, mais la pression parentale l’oblige à persévérer à contre-cœur. Et nous connaissons tous les réactions somatiques de tels patients : forte anxiété, avant, pendant les examens, et qui se poursuit jusqu’à l’annonce de chacune des notes. Le rapport au temps présent est en permanence sous-tendu par un sentiment de culpabilité, le plaisir, à peine goûté doit toujours être remis à plus tard.

L’anamnèse atteste une forte instabilité de la famille paternelle : le père de Mlle B. semble le seul à avoir réussi sa vie affective et professionnelle. La mère du père souffre toujours d’une grave pathologie mentale. Les 5 enfants ont dû être placés autrefois… La mère de Mlle B. est fille unique, dont la propre mère est décrite par Mlle B. comme une femme « stricte ». Les deux parents ont été frustrés de n’avoir pu poursuivre normalement leurs études. Diverses formations leur ont permis pourtant d’asseoir une position sociale appréciable. Mlle B. se demande implicitement quel est le rôle du complexe parental à l’œuvre dans ses angoisses passées, encore ressenties à l’excès. Elle se définit comme quelqu’un d’angoissé. D’ailleurs le souvenir de la maîtresse « d’ancien régime » qui la faisait pleurer au tableau ne la quitte pas. De même les difficiles départs pour l’école… Mlle B. devait porter sur elle un objet maternel rassurant, toute la journée. Actuellement encore, lors de périodes de désarroi, elle suce son pouce pour contrer un sentiment profond de fragilité.

Lors de l’installation du lieu sûr, l’élément-clé qui fonde la structure psychique de Mlle. B. est le suivant : « Je suis assise sur le sol … les mains posées dans le sable (je souligne) ». Ceci aurait dû attirer ma perspicacité de psychanalyste, en ce sens que la scène ressentie par Mlle. B. est paradoxale. Nous allons comprendre pour quelles raisons.

La COG- immédiatement proposée est « Je suis nulle ». La SUD n’est qu’à 6. Elle montera à 9 en fin de séance ! Comme le constate fort justement Mlle B. « Il y a un truc qui m’empêche d’avancer ».

Lors du rappel du lieu sûr en début de 2ème séance, Mlle B. évoque « la particularité du sable ». En effet le sable est en « granulés ». En fin de séance, la SUD est encore à 5. Quant au lieu sûr, cette fois Mlle B. s’aventure plus loin et « marche les pieds dans l’eau ».

Début de 3ème séance. Toujours ces mots lors du rappel du lieu sûr : « Je suis assise sur le sable. J’ai mes mains dans le sable ». Et un peu plus loin : « On ne peut pas dire que c’est agréable ! » Pourtant l’ensemble des autres éléments marins du tableau imaginaire devraient la rassurer ! Dans la foulée, la SUD remonte à 8 ! En fin de séance, d’autres enfants apparaissent pour la première fois autour d’elle. « Les grains de sable » sont toujours là. La SUD n’est descendue que d’un point !

Les cognitions sont bonnes, mais quelque chose est verrouillé dans les strates plus profondes du psychisme de Mlle B. Et je commence à me demander si la personnalité de Mlle B. ne serait pas à l’image de ces grains de sable qui ne prennent aucune forme construite, toujours érodés par le temps…

A la séance suivante, je profite du signalement qu’elle fait d’une « boule au ventre » pour lui proposer d’entrer explorer son for intérieur. Après le set, mlle B. annonce : « C’est quelque chose qu’on ne peut pas enlever comme ça… Elle reste là. Comme si j’étais prise dans l’enclume. Set suivant : « Quand j’ai les mains dans le sable, le paysage ne bouge plus en fait : il est figé » D’un coup, Mlle B. se sent obligée « de remonter ». Mais un mur lui bloque le chemin. Elle tente de revenir en arrière : « Le chemin est toujours éclairé, comme si j’avais laissé un trou dans le sable. Je me pose une nouvelle fois sur le sable. Je mets la tête dans le trou que j’ai fait. Je suis assise sur le sable. Je réfléchis. Comme si les problèmes d’aujourd’hui, je les voyais, même en étant dans ce lieu. Quelqu’un me dit : « T’aurais pas dû ! C’est pas une personne physique, c’est pas une personne corporelle ! » C’est comme si elle m’enfonçait dans un gouffre ! Il n’y a plus de jour, c’est tout noir » ». Voilà une expérience de descente au plus profond de soi sans doute nécessaire pour que Mlle B. crée un socle solide nécessaire à une renaissance psychique.

En début de séance suivante, la SUD est cette fois à 5 ! Et Mlle B. d’ajouter : « La dernière fois, c’est comme si je m’étais parlé à moi-même » ! La SUD est à 2 en fin de séance.

Séance suivante : « J’étais prise dans un moule, dans la précédente séance ». (Notez le paradoxe ! Elle demande à être formée au sens littéral !) Au final, dans le lieu sûr, les mains de mlle B. « sont posées DANS LE SOL, sous le sable » ! La VOC+ sera menée à terme.

Séance suivante : Mlle B. se souvient d’une envie suicidaire, lorsque excédée par l’attitude de son père qui l’obligeait à réviser, elle a menacé de se jeter sous un train. L’image représentant le moment le plus difficile de l’événement apparaît lorsqu’elle est face à lui , comme en duel. La COG- est la même que celle de la 1ère séance : « Je suis nulle ». La VOC+ est aussi la même qu’en séance 1 : « J’ai des capacités » La SUD n’est qu’à 2. Cette fois, en 1 seule séance, le protocole est mené à terme.

Cette patiente va dorénavant à ses cours en toute quiétude. Elle ne culpabilise plus d’avoir un petit ami qui l’équilibre affectivement. Je continue à la suivre toujours en EMDR pour des problèmes de peau qui ont pu être évoqués davantage. Cette peau, véritable organe complexe, réseau d’échanges psycho-physiologiques entre soi et l’autre est donc l’objet actuel d’un renforcement du moi.

CONCLUSION :

J’ai surtout voulu réaffirmer dans ces constatations à quel point le lieu sûr est partie intégrante du protocole EMDR. J’ai découvert, par l’expérience, qu’il est très souvent le lieu paradoxal de deux tensions opposées car le patient nous attire très souvent là où quelque chose se passe en lien avec le symptôme, lieu ambivalent et polarisable selon l’angle d’observation. Un peu comme cette autre patiente qui me décrit son lieu sûr, recroquevillée sur un lit, suçant un bout du mouchoir, alors qu’elle a enfanté depuis deux mois et ne se sent la force d’assumer aucun échange avec son enfant. Elle me garantit pourtant que « ce lieu sûr » est un lieu idéal pour elle !

Ne pas ressentir l’importance de quelques éléments subtils, très souvent imaginaires mais déterminants dans l’évocation du lieu sûr peut conduire à une baisse incertaine de la SUD, alors que la COG- semble en adéquation avec le souvenir initial traité.

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Je pose donc la question : pourquoi ne pas extraire aussi du lieu sûr qui peut nous sembler paradoxal la ou les cibles fondamentale(s) destinées au traitement ?

Louis COSTE Psychothérapeute 8, rue de Montmorency 95100 ARGENTEUIL

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2 Réponses pour De l'importance du lieu sûr : les lieux paradoxaux

  1. Alexandra Boyer-Angelides dit :

    Je viens de prendre connaissance de l’article de Louis Coste. Je le rejoins dans sa réflexion. Le lieu sà»r me semble par expérience, au delà  de sa fonction première, un outil particulièrement intérèssant. Parce que parfois paradoxal,il apparaît d’autant plus, telle une fenêtre insoupçonnée sur des éléments de la construction psychique du sujet. Il est le lieu o๠se focalisent entre autres, des projections inconscientes qui ont souvent de multiples significations. Le lieu sà»r,en effet, peut-être une voie d’accès à  un travail de désensibilisation , car dans son choix l’on perçoit déjà  beaucoup d’éléments qui pourront être fondateurs de certaines pistes à  poursuivre. La façon dont le sujet se meut dans ce lieu sà»r, la façon dont il l’amménage, comment il s’y projette,etc… sont autant d’aspects sur lesquels nous pouvons rebondir avec lui et trouver des biais d’accès à  des noeuds psycho-émotionnels. Ainsi l’on peut tenter d’engager à  partir de ces points clés une désensibilisation, tout de suite ou ultérieurement, au cours du processus de soin. ALEXANDRA BOYER-ANGELIDES Psychologue, Sophrologue, Praticienne EMDR (64) alexandra.isabelle@club-internet.fr

  2. Carmen Canton dit :

    J’ai perdu mon père en 2008 il a été amputé d’une jambe. J’imaginais ce qu’il ressentirait au réveil car il ne savait pas qu’il allait être amputé mais juste subir un pontage. J’étais effrayée pour lui et j’avais peur de ça réaction. J’avais une peine immense indescriptible. A son réveil, je ne sais pas pourquoi, il n’avait plus tout ça tête mais quand il recouvrait ses esprits il pleurait comme un bébé. Ma peine était terrible, je ne savais pas comment le réconforter. A cette période ma mère a commencé a changer elle s’éloignait de mon père et se disputait avec lui. Je ne la reconnaissais plus je croyais qu’elle l’aurait aidé et qu’elle serait effondrée mais je l’ai vu prendre de l’assurance. Mon père nous a quitté en 2008 avec l’image de sa femme qu’il avait aimé plus que tout mais que lui non plus ne reconnaissais pas. Il ai parti dans la souffrance physique, psychique et sentimentale.
    Par la suite notre famille avant si unie éclatait ma mère a trouvée un petit ami. J’étais choquée je ne reconnaissais plus ma mère elle a aussi changer envers nous, ses enfants.Elle volait chez nous quand elle venait et elle ne pense qu’à elle sans se soucier de notre bien être. Ce qui a été pou moi le coup de ggrâce c’est que j’ai été très déçu par une de mes soeur. Elle avait été très malade depuis qu’elle avait 14 ans et j’avais tellement de peine pour elle que je me suis donnée corps et âme pour qu’elle aille mieux et qu’elle ne soit jamais seule, qu’elle se sente soutenu. J’ai été a ses côté pendant 25 ans j’en ai presque oublié mon couple. En 2000 elle a soudain guérie personne ne s’explique comment, même les pays. Elle souffrait d’un mal être pendant 25 ans. Donc, j’ai commencé à me sentir mal avec tout ce qui c’était passé et je me suis retournée vers ma soeur mais je me suis parfois sentie rejetée. A partir de ce moment là je crois au j’ai vraiment sombré. Je me sens seule comme si tous mes repères c’étaient effondrés. Je ressens des choses étranges comme si j’étais irréelle, j’ai peur. Je vois un psy, il ne s’inquiète pas trop pour ça. Il a essayé de me faire de l’emdr mais il m’explique pas bien ce que je dois faire. Je suis des yeux ses doigts mais c’est difficile de ce concentrer sur les mouvements oculaire et sur un évènement. Mon psy a fait deux tentatives d’emdr mais j’ai l’impression qu’il ne va pas continuer car je ne vois rien surgir apres avoir fait les mouvements oculaires. Pensez vous que l’emdr est fait pour moi, qu’il l’aiderait en voyantquelqu’un d’autre ? En attendant je fait bouger mes yeux toutes seule chez moi pour essayé de faire partir ces sensations d’irréalité. Aidez moi, cconseilles moi. Connaissez vous un psychiatre près de Lyon qui pratique l’emdr. Merci