Dans cet article, nous abordons la gestion des différentes formes de stress dépassé (stress de base, stress cumulatif, burn-out, traumatisme vicariant et fatigue de compassion). La gestion du stress est un processus continu débutant avant le départ à l’étranger et se poursuivant parfois bien au-delà du retour. Nous répondons aux questions : Quelles sont les responsabilités de l’expatrié avant son départ? Quelles sont ses responsabilités sur le terrain (réduire les causes de stress : prévention primaire, mieux faire face au stress : prévention secondaire, mesures en cas de stress dépassé : prévention tertiaire)? Quelles sont ses responsabilités au retour dans son pays d’origine (le « choc culturel inverse »)?
Comment gérer le stress dépassé lié à l’expatriation ?
Evelyne josse
2006
http://www.psychologiehumanitaire.netfirms.com
14 avenue Fond du Diable, 1310 La Hulpe , Belgique
Psychologue clinicienne. Hypnose éricksonnienne, EMDR, thérapie brève
Psychothérapeute en consultation privée, psychologue du programme ASAB, expert en hypnose judiciaire, consultante en psychologie humanitaire
Introduction
Comment lutter contre le stress dépassé ?
1. Quelles sont les responsabilités de l’expatrié avant son départ?
2. Quelles sont les responsabilités de l’expatrié à l’étranger ?
2.1. Réduire les causes de stress (prévention primaire)
2.2. Mieux faire face au stress (prévention secondaire)
2.3. Les mesures en cas de stress dépassé (prévention tertiaire)
3. Quelles sont les responsabilités de l’expatrié au retour dans son pays d’origine ?
Le retour de mission, le « choc culturel inverse »
Bibliographie
L’auteur
Référence du présent texte : Evelyne Josse, « Comment gérer le stress lié à l’expatriation ? » http:// www.psychologiehumanitaire.netfirms.com (2006)
Introduction
De plus en plus de personnes sont amenées à vivre temporairement à l’étranger : étudiants partant pour un stage de langue ou pour parfaire leur formation, employés de multinationales, personnel diplomatique et humanitaire, militaires, journalistes, etc.
La situation d’expatrié (séparation d’avec la famille, modification majeure du mode de vie, confrontation à une culture différente, nécessité de se créer un réseau de nouvelles relations, etc.) est source de stress et dés lors, susceptible de générer une souffrance importante. Les problèmes personnels (conflits conjugaux, soucis concernant la famille ou les amis restés au pays, maladies, etc.) et les difficultés scolaires ou professionnelles (examens, adaptation professionnelle, charge de travail, etc.) peuvent se conjuguer, fragilisant encore l’équilibre émotionnel de l’expatrié.
L’expatriation expose certaines personnes à des situations hautement stressantes, voire traumatiques. Par exemple, les zones dans lesquelles les journalistes, le personnel humanitaire et les militaires sont amenés à se rendre présentent des dangers inhérents au contexte même d’intervention (confits armés, catastrophes naturelles). De plus, les journalistes et les membres d’organisations humanitaires sont de plus en plus fréquemment ciblés spécifiquement pour des raisons politiques (prise d’otage). Notons encore que les étrangers issus des pays économiquement favorisés ou œuvrant pour des institutions internationales réputées sont parfois visés pour les délester de leurs moyens matériels
Le retour dans le pays d’origine représente un nouveau défi et confronte les expatriés à de nouvelles source de stress, généralement peu pressenties (réintégration au sein de la cellule familiale et sociale pouvant s’avérer plus complexe qu’attendu, confrontation à un quotidien considéré comme banal, recherche d’un emploi et d’un logement, etc.).
Le stress est certes inévitable, plus encore à l’étranger que dans le pays d’origine. Néanmoins, certaines sources de stress peuvent être évitées, réduites ou éliminées. Chaque cause supprimée contribue à réduire la charge globale qui pèse sur l’expatrié. D’autres facteurs ne peuvent être écartés mais peuvent être gérés. En effet, la manière dont on comprend le stress et dont on y répond joue un rôle majeur dans les effets à long terme qu’aura ce dernier.
Cette brochure s’adresse à toute personne devant séjourner à l’étranger. Elle donne des pistes pour prévenir les sources de stress qui peuvent l’être et mieux gérer le stress lorsqu’il ne peut être évité. Elle a pour but d’aider à l’élaboration des stratégies personnelles de soutien afin que chacun puisse prendre les mesures nécessaires pour gérer son propre stress.
Le terme générique de stress recouvre deux catégories de réaction : d’une part les réactions normales, adaptatives et d’autre part les réactions de stress dépassé inadéquates ou inadaptées.
Le stress normal ou adaptatif est un phénomène naturel, normal et utile à la survie. Il libère l’énergie et procure la motivation nécessaire pour faire face aux situations difficiles et pour relever des défis. Lorsqu’un individu est soumis à une agression ou une menace quelle qu’elle soit, il y répond immédiatement par une réaction que l’on nomme « stress » .
Le stress focalise l’attention sur la situation problématique (vigilance) ; il mobilise l’énergie nécessaire à l’évaluation de la situation et à la prise de décision (augmentation des facultés de perception et rapidité de leur intégration) et il prépare à l’action adaptée à la situation.
Les agents stressants auxquels sont soumis les expatriés sont multiples. Leur accumulation risque de les faire passer au-delà de leur seuil de tolérance. En fonction du type de facteurs conduisant au stress dépassé, on parle de stress de base, de traumatisme vicariant et de fatigue de compassion, de burn-out (épuisement professionnel) ou de stress cumulatif.
ð Le stress de base est le prix de l’effort consenti par un individu pour intégrer et s’adapter à une nouvelle situation.
ð Le traumatisme vicariant résulte d’une surcharge émotionnelle lorsque les expatrié sont face à des populations en détresse (par exemple, personnel humanitaire et militaire). Les effets de la traumatisation vicariante se cumulent avec le temps et peuvent conduire à l’état de fatigue de compassion.
ð Le burn-out ou épuisement professionnel découle de l’épuisement des mécanismes d’adaptation au stress subi dans le cadre du travail.
ð Le stress peut être comparé à un compteur car il additionne tout : les petits tracas et les événements de vie quotidienne, les pressions professionnelles, les situations à risque, etc. L’addition des facteurs de stress mène au stress cumulatif.
ð Le stress traumatique est une forme particulière et sévère de stress dépassé. Il peut apparaître lorsqu’une personne a vécu un événement traumatique, également dénommé incident critique. Un tel événement constitue une menace pour la vie, l’intégrité physique et/ou mentale d’une personne ou d’un groupe de personnes. Cette confrontation à la mort vécue comme réelle ou possible produit une peur intense et/ou un sentiment d’impuissance et/ou d’horreur et remet en cause les valeurs essentielles de l’existence que sont la sécurité, la paix, la bonté, la solidarité, la morale, le prix de la vie, l’accessibilité au sens des choses, etc.
Les différentes formes de stress dépassé sont potentiellement destructrices et pénibles pour ceux qui les vivent. Elles vont se manifester principalement par une contre-productivité scolaire ou professionnelle, par des problèmes relationnels, par une modification de l’humeur, par des troubles du comportement et par des plaintes somatiques.
Les réactions au stress présentées par un expatrié auront des répercussions sur les personnes avec lesquelles il partage sa vie professionnelle et privée. En effet, tout comme le bâillement, le stress est contagieux. Il se communique aux collègues et aux amis, entraînant de véritables et incontrôlables « épidémies » de conflits, de dépressions, de départs anticipés et de démissions.
Pour de plus amples informations sur le stress normal ou adaptatif et pour les informations utiles sur le stress dépassé (stress de base, stress cumulatif, burn-out, traumatisme vicariant et fatigue de compassion, stress traumatique), nous invitions le lecteur à lire l’article du même auteur « Le stress humanitaire », http://www.psychologiehumanitaire.netfirms.com 2006).
Comment lutter contre le stress dépassé ?
Dans le présent document, nous aborderons la gestion des différentes formes de stress dépassé (stress de base, stress cumulatif, burn-out, traumatisme vicariant et fatigue de compassion) hors mis le stress traumatique. La gestion du stress traumatique fera l’objet d’une publication ultérieure.
La gestion du stress est un processus continu débutant avant le départ à l’étranger et se poursuivant parfois bien au-delà du retour. Elle est de la responsabilité de l’expatrié. Le cas échéant, cette responsabilité est partagée avec l’organisme qui l’envoie à l’étranger.
1. Quelles sont les responsabilités de l’expatrié avant son départ?
F Le cas échéant, le candidat expatrié doit fournir toutes les informations pertinentes soit à l’association chargée de sa scolarité à l’étranger soit au Département des Ressources Humaines de l’entreprise qui s’apprête à l’engager. Les responsables doivent pouvoir évaluer la mission, le pays ou la fonction la plus adéquate pour le candidat et être en mesure d’évaluer les risques potentiels d’une affectation (craintes, limites, besoins et désirs personnels, difficultés, etc.).
F Il doit s’informer ! Mieux l’expatrié sait à quoi s’attendre, moins il sera anxieux et mieux il sera préparé à faire face aux défis présents sur le terrain. Il ne doit pas hésiter à demander des renseignements détaillés sur l’entreprise pour laquelle il va travailler ou l’établissement scolaire qu’il va fréquenter, les conditions de vie, l’accès aux soins en cas de maladie, les possibilités de communication avec le pays d’origine, les référents au siège pouvant lui apporter une aide en cas de problème, etc. Il peut prendre des renseignements sur les sites Web spécialisés dans les domaines tels que le climat, les coutumes, la culture, l’histoire et la configuration politique du pays de séjour. Il peut également consulter des personnes qui connaissent le pays vers lequel il se prépare à partir.
F Il doit évaluer sa motivation à partir en mission. Un départ ne peut être envisagé ou doit être différé si le but poursuivi est de fuir une situation. L’expatriation ne résout pas les problèmes personnels, au contraire, soit elle les exacerbe soit elle en crée d’autres. L’expatrié doit également mettre son projet en doute si son objectif est de se prouver ou de démontrer ses capacités. Accepter une affectation ou une fonction par peur de la refuser compromet le bon déroulement du séjour dès son début.
F Il doit apprendre à se connaître ! Il est important d’apprendre à déterminer les situations à risque et les signes de stress. L’expatrié doit identifier ses ressources personnelles et interpersonnelles ainsi que les mécanismes de coping[1] efficaces pour faire face au stress (sport, repos, détente, loisirs, support social, relations affectives, relaxation, méditation, activité spirituelle, capacité à demander de l’aide, recherche d’information, réunion de discussion, recherche de solution, etc.). S’il a des difficultés à gérer son stress, il doit y remédier avant son départ en se formant à des techniques adéquates et adaptées aux réalités du pays où il se rend (relaxation, sophrologie, yoga, etc.).
Certaines personnes, lorsqu’elles sont soumises au stress usent d’anxiolytiques ou de substances psychotropes (alcool, drogue). A l’étranger, elles courent le risque d’en consommer davantage avec tous les dangers que cela entraîne. D’autres se rassurent en multipliant des relations sexuelles ou amoureuses. Adopter de tels comportements peut se révéler particulièrement dangereux, non seulement pour l’expatrié lui-même (par exemple, à cause du SIDA) mais également pour l’entreprise qui l’emploie ou pour la famille qui l’accueille (par exemple, cultures locales d’honneur très strictes par rapport aux comportements des filles et des femmes).
2. Quelles sont les responsabilités de l’expatrié à l’étranger ?
Le stress se définit comme une interaction entre l’environnement et l’individu. Les mesures pour prévenir et gérer le stress doivent viser tant la réduction des sources externes de stress (prévention primaire) que le renforcement des compétences individuelles propres à maîtriser le sens subjectif des situations difficiles (prévention secondaire). Elles doivent également inclure la prise en charge des personnes souffrant de stress dépassé (prévention tertiaire).
2.1. Réduire les causes de stress (prévention primaire)
Pour lutter efficacement contre les effets négatifs du stress, la première étape consiste à prendre conscience des agents stressants et à les combattre.
F La première étape pour l’expatrié consiste à repérer les sources de stress (conditions de vie, facteurs structurels de l’entreprise, conditions de vie, etc.) et à engager les actions qui réduisent directement les tensions (contacts avec sa famille, discussion en équipe ou avec la famille d’accueil, période de repos, etc.).
F Lorsqu’un problème survient, il est essentiel qu’il prenne le temps de l’analyser (problème d’intégration dans la famille d’accueil ou dans l’équipe de travail, difficulté d’adaptation scolaire ou professionnelle, difficulté à établir un réseau social, problèmes familiaux, etc.). L’expatrié doit tenter d’identifier les éléments à modifier et engager les actions pertinentes permettant de le solutionner (discuter avec un collègue, un responsable ou la famille d’accueil, proposer un réunion d’équipe, suggérer une redéfinition des tâches ou des responsabilités, demander une aide extérieure, participer à des activités sociales, etc.).
F Dans certains cas, l’expatrié se retrouve sur le lieu d’affectation avec d’autres personnes de la même institution (par exemple, les militaires, les humanitaires, etc.). Un des soutiens les plus efficaces pour une équipe expatriée est celui qu’elle peut générer elle-même. Participer à l’esprit d’équipe et s’attacher à résoudre les conflits doit donc constituer des priorités. L’expatrié peut renforcer la dynamique de groupe en se montrant patient et compréhensif avec ses collègues en difficulté, en participant à des activités communes et en rejetant l’appartenance à des clans. En exprimant ses difficultés, ses émotions et ses idées, il donne à son entourage la possibilité de mieux le comprendre et le cas échéant, de dissiper les malentendus ou de désamorcer les problèmes.
F Il est essentiel que l’expatrié accepte ses limites et qu’il puisse les exprimer à son entourage temporaire (collègues, famille d’accueil, etc.). Vouloir trop assumer, c’est courir le risque de s’épuiser rapidement. Or, lorsque l’on est en état de stress dépassé, l’efficacité se détériore et on devient un fardeau pour sa famille d’accueil ou son équipe professionnelle.
2.2. Mieux faire face au stress (prévention secondaire)
Les réactions au stress peuvent être comparées à ce qui se passe à bord d’un bateau lors d’une traversée sur une mer houleuse. Tous les passagers n’ont pas les mêmes réactions. Certains souffrent du mal de mer et sont très malades, d’autres le sont moins, d’autres encore pas du tout. Par ailleurs, certaines vagues, quoique moins hautes que d’autres, peuvent provoquer davantage de nausées. De même, les agents stressants les plus bouleversants ne sont pas nécessairement les plus durablement néfastes. Par ailleurs, une personne peut réagir différemment à une même situation stressante en fonction du moment où celle-ci survient dans sa vie. Ainsi, certaines personnes sont indisposées par les remous de la mer déchaînée alors qu’elles ne l’ont pas été antérieurement dans des circonstances analogues. Inversement, d’autres se sentent confortables alors qu’elles ont souffert sur d’autres océans agités. La signification attribuée aux agents stressants va également influer sur le vécu de la situation. Ainsi, le navigateur passionné appréhendera les éléments déchaînés autrement que le passager contraint d’utiliser la voie maritime.
Retenons que le stress est un processus dans lequel interviennent un agent stressant et une personne. Il dépend autant de la situation que de la manière dont celle-ci est appréhendée. Néanmoins, c’est moins l’agent stressant qui engendre le stress que la manière très personnelle dont l’expatrié y répond. L’expatrié est donc à priori responsable de son stress (en reconnaître les signes, le gérer et le cas échéant, demander de l’aide).
Chacun possède en lui la capacité de lutter contre le stress. Le marin ne peut empêcher le déchaînement des vagues qui ébranlent le bateau. En revanche, il peut apprendre à contrôler ses réactions physiques et psychologiques pour naviguer sans chavirer.
F L’expatrié doit apprendre les signes de stress pour pouvoir les identifier chez soi et le cas échéant, chez ses collègues. Il est important d’être attentif à toute modification de ses habitudes, de ses attitudes et de ses réactions ainsi que de celles des autres. Par exemple, les problèmes physiques répétitifs (maux de tête, troubles gastro-intestinaux, douleurs dorsales, problèmes dermatologiques, etc.) peuvent être des signes de stress.
F Il est important de relativiser ! Le déclenchement de la réaction de stress dépend de l’évaluation subjective que fait la personne des événements auxquels elle est exposée. Lorsqu’il est stressé, l’expatrié doit analyser la situation et se demander si ses pensées sont en adéquation avec les caractéristiques objectives de celle-ci. Il doit se demander s’il peut réduire la signification émotionnelle négative qu’il lui attribue. Il est important qu’il prenne un peu de recul. Les pensées peuvent faire la différence !
F Il est essentiel de se reposer ! Faire face à des situations émotionnelles mobilise de l’énergie. Avec le temps, nos ressources diminuent et nos capacités à répondre à de nouvelles situations stressantes se réduisent considérablement. Devant la surcharge de travail ou à cause de la frénésie à découvrir l’inconnu, les expatriés peuvent éprouver des difficultés à se ménager des périodes de repos et à respecter des horaires raisonnables de travail (par exemple, les humanitaires). Or, lorsque l’on est fatigué, le travail que l’on fournit perd en qualité (diminution de la concentration, irritabilité, etc.). Il est impossible d’œuvrer efficacement durant de longues périodes sans se préoccuper de soi. L’expatrié doit être à l’écoute de lui-même et respecter ses limites. Se reposer (pause, sommeil, période de récupération, congés), c’est se permettre de redevenir efficace.
F Il faut prendre soin de soi ! Le bien-être dépend aussi de l’hygiène de vie. Autant que possible, l’expatrié doit respecter des horaires réguliers, avoir une alimentation équilibrée, limiter sa consommation d’alcool, de tabac, de caféine et de théine. Il doit s’abstenir de prendre des médicaments sans avis médical et le cas échéant, se limiter strictement à ceux prescrits par votre médecin.
F Il est vital de se détendre ! L’expatrié doit s’autoriser des diversions et des distractions (lecture, musique, cinéma, massage, relaxation, etc.) par rapport aux causes de stress. Il est recommandé de pratiquer une activité physique ainsi que de participer à des activités sociales et récréatives.
F Lorsque le contexte le permet, l’expatrié peut se choisir un buddy. Une des mesures pour prévenir le stress consiste à former un binôme solidaire avec un collègue de travail ou avec un compagnon d’école appelé buddy system. En vertu d’un accord préalable, le duo s’engage à s’apporter aide et soutien. Le buddy est une personne de confiance avec qui l’expatrié peut partager ses difficultés. De plus, comme il est courant que les signes de stress dépassé et de traumatisme ne soient pas reconnus par la personne qui en souffre, le buddy a pour rôle de prévenir son ami lorsqu’il estime qu’il dépasse ses limites.
F L’expatrié devrait écouter les avis de ses amis et collègues lorsqu’ils s’inquiètent de ses changements d’humeur, d’attitude ou de comportement.
F Il est conseillé à l’expatrié de rester en contact avec sa cellule affective. Lorsque les conditions le permettent, il devrait maintenir des relations par courrier électronique ou postal et par téléphone. Il est recommandé d’emporter avec soi des objets personnels et des photos de proches, utiles au réconfort moral.
F Autant que faire se peut, l’expatrié doit développer un réseau personnel et professionnel dans le pays de séjour. Il est important de se créer de nouveaux repères et d’établir de nouvelles relations.
F Comme tout un chacun, l’expatrié peut apprendre à contrôler les réactions physiques de stress. Le stress cause l’apparition de réactions physiques : le rythme cardiaque s’accélère, la respiration se fait plus rapide, les muscles se tendent. Une des stratégies efficaces pour lutter contre le stress consiste à contrer ses effets somatique. L’expatrié peut apprendre une technique de relaxation, de visualisation, l’auto-hypnose ou la sophrologie, méditer, pratiquer le yoga. Une façon aisée de se détendre est d’écouter des cassettes ou des CD de relaxation préenregistrés.
2.3. Les mesures en cas de stress dépassé (prévention tertiaire)
Etre capable de solliciter du soutien et d’en recevoir sont des capacités essentielles. Elles permettent de bien fonctionner malgré les situations défavorables et de rebondir après un événement difficile.
F Pouvoir demander l’aide d’une personne de confiance est une ressource capitale. Un collègue, un responsable de l’institution ou de l’établissement scolaire, un psychologue, etc. peut aider à prendre les mesures qui s’imposent (contacter un spécialiste, proposer un traitement médical, contacter le siège, accorder un repos, modifier les tâches, mettre fin temporairement ou définitivement à la mission, etc.).
F Accepter d’être aidé lorsque cela s’avère nécessaire, c’est se donner la chance de s’en sortir !
3. Quelles sont les responsabilités de l’expatrié au retour dans son pays d’origine ?
Le retour de mission, le « choc culturel inverse »
Si les expatriés s’attendent à expérimenter des situations difficiles à l’étranger, ils sont peut-être moins préparés aux difficultés qu’ils rencontrent à leur retour. Or, les stress associés au retour peuvent causer une détresse importante et avoir des répercussions non négligeables sur le fonctionnement familial, social et professionnel.
Le retour au pays et les retrouvailles avec les proches peuvent ne pas se dérouler comme l’expatrié l’escompte. Après quelques jours d’euphorie, il risque de se sentir désorienté, frustré et incompris. On parle de « choc culturel inverse ».
La conception que l’expatrié a de sa culture, de son pays, de sa famille et de ses amis se modifie au cours du temps sans qu’il en soit nécessairement conscient. Par ailleurs, objectivement, ils ont changé pendant son absence et l’expérience de terrain l’a transformé. Il peut avoir le sentiment désagréable que ses proches n’ont pas évolué alors qu’il a progressé grâce aux expériences extraordinaires de l’expatriation. A contrario, il peut ressentir la douloureuse impression qu’ils ont avancé tandis qu’il stagne sur le chemin de la vie (des proches se sont mariés, ont eu des enfants, etc.). Il peut en arriver à les critiquer et éprouver la sensation de ne plus appartenir au même monde, ne partageant plus leurs intérêts, leurs valeurs ou leur mode de vie.
Le style de vie mené à l’étranger ainsi que les amis qu’il a quitté peuvent lui manquer d’autant plus qu’il ne parvient pas à se reconnecter à son milieu.
Il peut avoir l’impression que son entourage ne comprend pas ce qu’il a vécu ou pire, qu’il ne s’en préoccupe pas. Il peut aussi être frustré de ne pas pourvoir traduire l’intensité de son expérience.
F Se réaccoutumer à son ancien mode de vie peut prendre plusieurs semaines. Dans un premier temps, il est possible que l’expatrié se sente déboussolé. Il est important qu’il commence par se reposer quelques jours et qu’il retrouve une routine aussi vite que possible : respecter des horaires réguliers, reprendre les activités qu’il pratiquait avant son séjour à l’étranger, passer du temps avec sa famille et ses amis, etc.
F Il est important de renouer avec son pays d’origine. L’expatrié devrait s’informer des événements importants qui ont eu lieu durant son absence.
F Il est normal de désirer raconter les expériences vécues sur le terrain. Cependant, ces récits peuvent ne pas rencontrer l’intérêt des proches de l’expatrié. Ceux-ci ne partagent pas forcément leur enthousiasme pour l’exotisme, sont indifférents à ce monde inconnu ou effrayés par les aventures racontées. Ils peuvent être préoccupés par des problèmes personnels ou simplement rendus inattentifs par la joie de retrouver leur enfant, leur conjoint, leur frère ou leur sœur, leur ami, etc.
A contrario, le choc du retour, la disparité des modes de vie peuvent pousser l’expatrié à taire son vécu. Dès lors, il peut être agacé par les multiples et mêmes questions qui lui sont posées par son entourage.
Frustration et incompréhension peuvent provoquer du ressentiment à l’égard des proches et déboucher sur des désaccords et conflits douloureux dans un moment instable de sa vie. Il est essentiel qu’il préserve ses relations familiales et amicales. En exprimant clairement ses sentiments et ses besoins, il évitera nombre de malentendus.
F Les expatriés peuvent trouver une écoute auprès de personnes qui partagent les mêmes intérêts que lui (des collègues, des compagnons de mission, etc.).
F Après avoir vécu en communauté, entouré de personnes dont il partage les valeurs et le mode de vie, il est possible que l’expatrié éprouve un sentiment de solitude dans les mois qui suivent son retour de mission. S’il ressent le besoin d’un soutien émotionnel, il est important qu’il fasse appel au service d’un psychothérapeute. De même, s’il présente des réactions de stress dépassé (humeur dépressive, irritabilité, sentiment d’être incompris, besoin impérieux de parler de ses expériences, sentiment que la vie est fade, insomnies, abus de substances psychotropes, etc.) qui ne s’amendent pas au bout de quelques semaines, il devrait rapidement prendre contact avec un psychothérapeute. Si lors de son dernier séjour à l’étranger, il a rencontré des problème d’anxiété ou de dépression, s’il a consommé abusivement des substances psychoactives (alcool, drogue, médicaments psychotropes), s’il a connu récemment des expériences traumatiques (que ce soit dans le contexte professionnel ou privé) ou des événements personnels douloureux (problèmes conjugaux et familiaux, maladie grave, deuils, etc.), il est judicieux qu’il temporise son désir de repartir. Il doit remédier à ces difficultés et recourir à une aide psychologique ou psychiatrique avant de repartir pour de nouveaux horizons.
F Avant tout nouveau départ pour l’étranger, l’expatrié devrait faire un bilan. Il devrait entamer une réflexion sur ses capacités à affronter les situations extrêmes, à vivre en communauté et à interagir avec un grand nombre de personnes de cultures différentes. Qu’a-t-il appris de cette mission ? Quelles ressources possède-t-il pour gérer son stress ? A-t-il besoin de mieux se préparer à faire face au stress? Quels sont les signes émotionnels, physiques, comportementaux, professionnels et relationnels l’alertant qu’il outrepasse ses limites ? Idéalement, à quel type de mission ou de poste devrait-il être assigné ? A-t-il besoin de formations spécifiques ou d’autres types de soutien renforçant ses capacités ou ses compétences à vivre ou à intervenir dans un contexte spécifique ?
F Le cas échéant, il devrait faire part de ce bilan au Département des Ressources humaines de l’institution qui l’emploie. Cela permettra à ses responsables, par exemple, de déterminer les formations à lui proposer pour améliorer ses compétences ou de définir les missions les plus adaptées à sa personnalité, son expérience, ses désirs, ses besoins, etc.
F Il est essentiel de s’accorder un temps de repos entre deux séjours à l’étranger et de prendre le temps d’intégrer l’expérience qui vient de s’achever. L’expatrié a besoin de récupérer physiquement et émotionnellement avant de repartir pour d’autres aventures. Il ne doit pas cédez pas à la tentation d’accepter hâtivement une nouvelle mission parce qu’il se sent frustré et déprimé par les difficultés liées à la réintégration dans son pays d’origine ou parce qu’il n’a pas de but immédiat ou de perspective d’avenir. Il se mettrait en danger à moyen terme.
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Reuters Foundation (2002), « Managers must help aid staff cope with stress », http://www.alertnet.org/thefacts/reliefresources/392006.htm
Santé Canada (2004), « Se préparer et intervenir face à un incident traumatique au travail : Guide électronique pour gestionnaires », Bureau des Services d’aide aux employés (SAE), http://www.hc-sc.gc.ca/ewh-semt/pubs/occup-travail/empl/trauma/e_guide-man_gest/index_f.html
Santé Canada (2004), « Se préparer et intervenir face à un incident traumatique au travail : livret pour gestionnaires », Bureau des Services d’aide aux employés (SAE), http://www.hc-sc.gc.ca/ewh-semt/pubs/occup-travail/empl/trauma/man_hand-livret_gest/index_f.html
United Nations, Office of Human Resources Management (1998), « Mission readiness and stress management”, NY, http://www.un.org/Depts/OHRM/stress.htm
United Nations Department of Peace-keeping Operations (1995), “Stress management booklet”, NY, http://www.the-ecentre.net/resources/e_library/doc/UN%20Stress%20Management%20Booklet.pdf
UNHCR (2001), “Managing the stress of humanitarian emergencies”, Staff Welfare Unit, Career and Staff Support Services, Geneva, http://www.reliefweb.int/rw/lib.nsf/db900SID/LGEL-5G8JQH/$FILE/unhcr-stress-jul01.pdf?OpenElement
Groupe URD Urgence Réhabilitation Développement, “Gérer stress et santé”, http://www.urd.org/rech/securite/stress.htm
Webmaster (2005), « Faire face au stress sur le terrain », http://www.secourisme.net/article184.htlm
L’auteur
Sites de l’auteur :
http://www.stressaeronautique.netfimrs.com : articles professionnels et tous publics sur la peur de l’avion
http://www.psychologiehumanitaire.netfimrs.com : site consacré à la psychologie humanitaire. Articles sur le stress des expatriés, le débriefing psychologique, les thématiques humanitaires (enfants des rues, torture, violence sexuelle, traumatisme dans les catastrophes humanitaires, etc.)
http://www.resilience.netfimrs.com: Articles sur le traumatisme psychique, les enfants malades, l’hypnose, la thérapie brève, etc.
http://www.acouphenes.netfimrs.com : site consacré aux acouphènes. Articles destinés aux psychothérapeutes prenant en charge des patients atteints d’acouphénie et articles tous publics
Evelyne Josse est psychologue diplômée de l’Université Libre de Bruxelles. Elle est formée à l’hypnothérapie éricksonienne, à l’EMDR et à la thérapie brève.
Elle exerce en qualité d’expert en hypnose judiciaire auprès de la Justice belge et pratique en tant que psychothérapeute en privé. Elle est également consultante en psychologie humanitaire.
Elle a travaillé pour différentes ONG dont « Partage avec les enfants du Tiers Monde », « Avenir des Peuples des Forêts Tropicales », « Médecins Sans Frontières-Belgique » et « Médecins Sans Frontières-Suisse ».
Passionnée d’ULM 3 axes (type avion), elle a mis sur pied avec Thierry Moreau de Melen, un ami pilote, le programme ASAB (Anti Stress Aéronautique Brussels).
Auparavant, elle a également travaillé pour Médecins Sans Frontières-Belgique. Elle a exercé dans des hôpitaux universitaires auprès d’adultes atteints du VIH/SIDA et auprès des enfants malades du cancer. Elle a également été assistante en faculté de Psychologie à l’Université Libre de Bruxelles.
D’autres articles on-line du même auteur sont disponibles :
Traumatisme psychique et maladie grave
Sur http://www.resilience.netfirms.com :
– Accueillir et soutenir les victimes de violences sexuelles. Approche orientée vers la solution
– Le développement des syndromes psychotraumatiques. Quels sont les facteurs de risques ?
– Victimes, une épopée conceptuelle. Première partie : définitions
– Le vécu de l’enfant atteint d’une maladie cancéreuse. Diagnostic et première hospitalisation
– Le vécu des parents d’un enfant malade du cancer
– Métaphore et Traumatisme psychique
– La torture de masse. Le cas de l’ex-Yougoslavie
– Les violences sexuelles. Définitions d’un concept multiforme
Stress et traumatisme du personnel expatrié
Sur http://www.psychologiehumanitaire.netfirms.com :
– Les expatriés dans la tourmente. Le stress humanitaire
– Les expatriés à l’épreuve des séismes
– Comment faire? Le débriefing psychologique des expatriés affectés par un incident critique
– Comment gérer le stress dépassé lié à l’expatriation ?
– Commet gérer le stress traumatique survenant dans le cadre d’une expatriation ?
– Le défusing du personnel expatrié affecté par un incident critique
– Le débriefing psychologique dans un cadre professionnel
– Le soutien immédiat et post-immédiat des expatriés affectés par un incident critique
– Le soutien psychosocial des équipes humanitaires. De l’incident critique à la prise de décision
Problématiques humanitaires
Sur http://www.psychologiehumanitaire.netfirms.com :
– Guide pour un assessment rapide des besoins psychosociaux et en santé mentale des populations affectées par une catastrophe naturelle
– Le traumatisme dans les catastrophes humanitaires
– Reconstruire le quotidien après un traumatisme collectif. Éloge du quotidien, de la routine, des rites et des rituels
– Les enfants des rues. L’enfer du décor
– Violences sexuelles et conflits armés en Afrique
Divers
Sur http://www.stressaeronautique.netfirms.com :
– Stress aéronautique. Peur de voler, phobie de l’avion, panique à bord
Sur http://www.resilience.netfirms.com :
– Familles en difficulté. Guide à l’intention du psychothérapeute orienté vers la solution
Sur http://www.acouphenes.netfirms.com :
– Les acouphènes. Traitement par l’hypnose