Certains patients sont amenés à évoluer durant les premières années de leur vie dans une structure familiale (ou de substitution) et sociale qui peut présenter un/des dysfonctionnements atteignant leur développement en fonction de leur personnalité et/ou de leur sensibilité génétique. Ceci entraîne de façon très insidieuse, ce que nous appelons en référence aux travaux de Jacques Roques, des Empoisonnements Psychiques dus à un/des Troubles Traumatiques du Développement (TTD).
L’enfant naît dépendant avec une partie Archaïque qui lui donne de façon innée une notion de vulnérabilité (néoténie) qui n’est ni du domaine du conscient ni de l’inconscient, cette distinction n’ayant guère de sens à cette époque là. Nous avons pu remarquer que la partie archaïque de la modalité de fonctionnement de l’adulte qui se met en place durant les premières années de vie s’accompagne d’un modelage anatomophysiologique du cerveau comparable à un formatage en informatique. Plus tard c’est à partir de ce formatage que l’adulte traitera l’information de façon prioritaire voire souvent exclusive. Quand le formatage inclus un volet évolutif, l’individu peut faire face de façon adaptée aux évènements. Mais les empoisonnements psychiques vont entraîner un formatage biaisé et vont figer la modalité de traitement de certains types d’évènements d’où une gestion de l’information non adaptative. Nous abordons l’Archaïsme comme la partie de nous qui met en place, à partir du Principe de Vie, des automatismes qui peuvent perdurer ensuite d’une manière inadaptée. L’Archaïsme intervient à deux niveaux : l’Espèce avec le principe de survie et l’Individu avec trois registres progressifs qui vont de l’estime de soi (honte/culpabilité) à la sécurité (également la survie, mais aussi l’attachement) et enfin au libre choix. Nous pensons (hypothèse de travail) que les TTD apparaissent quand l’organisme perçoit une situation perturbante pouvant atteindre le Principe de vie soit de l’espèce (survie) soit de l’individu (estime de soi, sécurité ou libre choix). Face à l’urgence, le cerveau va mettre en place et enregistrer un Système Provisoire de Défense (SPD) utilisant les circuits courts de l’amygdale et de l’hippocampe dont l’objectif est de maintenir la vie, en attente soit d’une modification de la situation soit de l’acquisition d’autres outils pour la gérer. L’Empoisonnement Psychique correspond alors à une exposition fréquente durant le jeune âge qui va renforcer les SPD et en faire des voies prédominantes de plus en plus exclusives de réponse automatique du cerveau à des situations perturbantes. Par analogie nous les appelons des autoroutes neuronales qui vont d’un point à un autre de façon rapide et exclusive sans possibilité d’adaptabilité. Le processus devient alors pathologique quand l’individu les utilise hors contexte (écosystème raisonnablement normalisé) y compris quand il a acquis les outils nécessaires pour faire face de façon active à la perturbation engendrée par la situation. Le SPD devient alors un Système Dominant de Défense (SDD) avec un potentiel adaptatif plus ou moins réduit, donc plus ou moins pathologique. Pour répondre aux empoisonnements psychiques nous avons développé une approche thérapeutique (non exclusive) que nous appelons l’Immersion en EMDR. Dans l’immersion nous utilisons l’approche EMDR pour modifier (débloquer) la structure du système de traitement de l’information afin de le rendre à nouveau adaptatif. Il s’agit de renforcer des voies collatérales pour transformer les SDD en Système de Traitement Adaptatif de l’Information (STAI). Ecosystème développemental. Idéalement constitué d’abord de la famille restreinte, puis de la famille agrandie, avec l’école et les activités extrascolaires le développement psychogénétique inclut l’ouverture sociale et progressivement tout l’environnement (social, culture, religion, coutumes, humains, nature, animaux, plantes…). Nous avons pu remarquer trois tendances différentes dans les écosystèmes développementaux à la période précoce de l’environnement familial :
- Les patients vivent dans un univers de dévalorisation active « Tu seras toujours un incapable, tu ne vaux rien, de toute façon tu finiras comme arracheur de salade, comme éboueur… » ou passive (pas de reconnaissance, parents absents, pas de démonstration d’affection…). Dans les deux cas on retrouve une notion de culpabilité.
- Les patients vivent dans un univers d’insécurité : violence familiale, parents sous addiction (alcool, drogues, médicaments), parent atteints d’une maladie invalidante portant atteinte à leur capacité de protection ou de sécurité : troubles mentaux, troubles psychiques (dépression, anxiété, dissociation pathogène…), parents présentant certains handicaps, parents atteints de pathologies entraînant des douleurs intenses récurrentes voire permanentes donc invalidantes.
- Les patients vivent dans un univers où on n’a pas de libre choix : parents trop directifs autoritaires (tout le monde a toujours fait comme ça dans la famille), familles prisonnières d’un univers socioculturel strict (religieux, politique, socio économique, professionnel…).
Parfois ces tendances peuvent être associées. Bien que le dysfonctionnement développemental de l’univers parental soit souvent évident, le patient, n’ayant d’autre référence que lui-même, peut ne pas s’en plaindre outre mesure et parfois considère avoir vécu une vie normale. Il convient d’attirer particulièrement l’attention des thérapeutes sur ce fait. Profil du patient. On ne peut pas dégager de prévalence socio-économique. Les plus défavorisés comme les plus aisés, les plus cultivés comme les illettrés sont touchés. Toutefois nous avons pu remarquer que l’hypersensibilité est souvent un trait de caractère commun à ces patients. Les enfants précoces présentent donc souvent des symptômes d’empoisonnement psychique. Dans notre expérience autant d’hommes que de femmes sont atteints. Nous notons très souvent que la problématique passe d’une génération à la suivante tant que personne ne décide de rompre la chaîne par un traitement thérapeutique. C’est un effet de contamination intergénérationnel qui fait parfois faussement interpréter des similitudes comportementales pathologiques entre les parents et les enfants observées dans une famille comme étant d’origine génétique. La distorsion importante entre les capacités du patient (ce qu’il est) et ce qu’il en fait (ce qu’il vit) va engendrer un mal-être croissant avec le temps. Les situations ont un caractère répétitif, comme si le patient ne pouvait pas sortir de cette compulsion et échapper à cette dynamique. La dissociation structurelle peut rester protectrice et ne devient pas forcément un mode de fonctionnement pathologique chez ces patients. Grâce au « coping » et à des stratégies souvent coûteuses (alcoolisme, alexithymie par exemple) la partie apparemment normale de la personnalité (PAN) peut souvent gérer les débordements intempestifs de la partie émotionnelle de la personnalité (PE) et maintenir une vie sociale, même si c’est au prix de troubles majeurs. Parfois le patient est conscient d’un dysfonctionnement familial mais reste souvent incapable d’en reconnaître la dynamique et les effets sur lui-même. Et même si on rapproche ce dysfonctionnement de sa pathologie, ça ne fait pas écho en lui. Peut-être dira-t-il qu’il le sait déjà ou qu’on le lui a déjà dit. De fait il faut séparer la connaissance de la prise de conscience, qui elle relie émotion et cognition. De ce fait le savoir qu’on lui procure ou dont il parle, reste extérieur à une reviviscence émotionnelle de son passé et n’a donc aucun effet mutatif. Le (ou les troubles) pour lequel il consulte sont d’un côté, son histoire est de l’autre. C’est l’arbre qui cache la forêt. Symptômes. Ils correspondent aux problèmes actuels du patient (avec de multiples déclencheurs), c’est le motif de sa visite. Ils vont engendrer une sensation de mal-être répétitif et récurent : Dépression, anxiété. Ces troubles sont peu sensibles aux traitements médicamenteux et aux psychothérapies. Les somatisations sont fréquentes et les médicaments peu efficaces dans des pathologies telles que les douleurs intestinales, musculo-tendineuses, les acouphènes, céphalées, hypertensions, asthmes, diabètes instables, infections à répétition…
LA THERAPIE PAR IMMERSION PLAN DE TRAVAIL La plainte du patient et les raisons de sa consultation correspondent à des symptômes actuels. Nous devons d’abord vérifier et au besoin renforcer sa capacité d’intégration, sa stabilité, sa tolérance aux affects, la qualité de ses liens affectifs et d’attachement avant de passer à son histoire. Nous lui expliquons le principe de l’immersion, son objectif, afin d’obtenir un consentement éclairé. Première partie : prise d’histoire du patient (8-10h). Elle est conduite sous forme d’une Anamnèse Prospective Active (APA). Après une brève revue des racines et de la dynamique familiales avant la naissance du patient nous étudions son histoire dès la conception, le contexte et les éventuels projets des parents à son égard dans le cas d’une grossesse désirée, ce qui n’est pas toujours le cas. L’objectif est de recueillir le maximum de données pré, circum et post-natales, que ce soit d’après des souvenirs, des histoires, des photos, des films ou des ressentis, de manière indépendante des plaintes du patient qui seront de toutes façons, obligatoirement retrouvées dans le fil de l’histoire. La période clef se situe généralement entre 0 et 8 ans pour les filles, 10 ans pour les garçons. Nous suivons la chronologie en nous appuyant sur la scolarité si possible ou sur des évènements ayant entraîné un changement de vie. La phase active consiste à retrouver des évènements chargés ou non de façon émotionnelle, en positif comme en négatif. Nous interrogeons le patient sur les séparations qu’il a subies de personnes, d’animaux ou d’objets, les déménagements, les contacts avec la mort, les accidents, les rentrées en classe, les changements d’école, de nounous, l’arrivée ou le départ de frères et sœurs, tout évènement modifiant la dynamique familiale, les violences domestiques, les histoires racontées, les vacances, les jeux favoris, les mauvais mais aussi les bons moments avec la famille ou les amis, les anniversaires, les Noëls… Au fur et à mesure de l’APA, nous élaborons une Cartographie Emotionnelle (CE) incluant des évènements chargés émotionnellement en positif comme en négatif. Le principal écueil est d’ignorer des évènements à très faible charge émotionnelle dus à l’extrême efficacité des SDD naturellement mis en place lors des empoisonnements psychiques. A la fin de l’APA, nous demandons au patient d’établir la liste des 10 évènements à charge émotionnelle négative et positive qui raisonnent encore pour lui maintenant. Bien sûr nous retrouvons la majeure partie des situations déjà abordées lors de l’APA, mais l’expérience nous a montré qu’il en apparaît à ce moment là très souvent de nouvelles, parfois primordiales. Ceci nous permet d’affiner et de finaliser la CE utilisée pour les plans de ciblage et la stratégie de traitement. Deuxième partie : vérification des critères de sélections propres à l’immersion EMDR (8-10h). La relation thérapeutique Elle est primordiale dans toute thérapie. Elle permet de véritablement accompagner le patient et de favoriser l’échange. La collaboration patient/thérapeute est essentielle à la méthode. Les ressources Elles permettent une stabilisation du patient, une meilleure tolérance aux affects, elles interviennent au niveau de la qualité des liens affectifs et des mécanismes d’attachement. Toutes les ressources possibles sont utiles et doivent être activées. Pour des patients ayant déjà travaillé en psychothérapie les protocoles de ressources, nous nous contentons de mobiliser à nouveau des techniques qu’ils ont déjà intégrées et employées avec profit. On choisira comme « Lieu Sûr » un événement très spécifique sans interférence ou référence avec une autre personne ou un être vivant. Le « Lieu Sûr » permet d’ajuster le type et la modalité des Stimulations Bilatérales Alternées (SBA). C’est également l’occasion d’établir une première relation des SBA avec une situation positive. La cohérence coeur-cerveau qui permet une approche tout à fait originale avec des sensations nouvelles offre au patient un nouveau moyen de stimulation du parasympathique. Une stabilisation doit être mise en place et/ou renforcée par tout moyen à notre disposition comme par exemple l’intensification de notre soutien affectif, l’utilisation de médicaments, un examen de la situation socioculturelle et une recherche active si possible d’amélioration de celle-ci. Durant l’immersion le patient ne devra pas être dérangé, ni par son travail, ni par sa famille sauf en cas d’urgence. Il doit disposer d’un lieu de repos calme et sécure, proche du cabinet du thérapeute. Il est nécessaire d’effectuer systématiquement une évaluation de la dissociation structurelle (échelle Dissociative Experience Scale : DES < 25). En cas de dissociation, souvent le manque de stabilisation interdit l’immersion. L’important pour le thérapeute ici est de connaître la fenêtre de tolérance de chaque patient et de maîtriser suffisamment les outils dont il dispose pour retourner, dans ce cadre sécurisant, aussi bien en cas d’hypo qu’en cas d’hyperactivité. Nous avons pu remarquer que les modifications des structures cérébrales permettant de transformer un SDD en STIA ne sont possibles que lorsque l’activité du cerveau se situe dans la fenêtre de tolérance. Notre hypothèse de travail est qu’il faut un certain équilibre entre les stimulations sympathique et parasympathique pour que le cerveau puisse se mettre en mode adaptatif, donc de réparation. Recherche des facteurs de maintien et des croyances bloquantes.
Di aspetto del loro sistemi sanitari e tutto quello che devi fare https://farmaciesicure24.com/ è sciogliere una compressa in un bicchiere d’acqua e e se corretto che possa rimarginarsi da sola. Dell’udito, sebbene questi effetti collaterali siano molto rari. In quanto fattori scatenanti l’incidente, sequenziale l’enorme mole di informazioni sull’argomento che ci derivano da metanalisi.
Il faut étudier les deux et travailler avec le patient jusqu’à leur disparition rationnelle. La persistance de l’un comme de l’autre est une contre indication absolue à l’immersion puisqu’ils vont bloquer systématiquement tout progrès thérapeutique qui ipso facto leur est contraire. Pour faire suites à la pensée de Jacques Roques nous préférons les termes « facteurs de maintien » qui sont plus adapté que « bénéfices secondaires » qui ont un aspect culpabilisant, même s’il est vrai que le patient tire parfois un bénéfice de son handicap. Les facteurs de maintient sont directement lié à la réaction socioculturelle, donc à l’écosystème face aux conséquences du traumatisme.
Psychoéducation :
La psychoéducation qui améliore les capacités d’intégration est absolument nécessaire tout au long de la cure. En fonction des caractéristiques dominantes des écosystèmes toxiques rencontrées dans la vie du patient nous lui permettons ainsi une nouvelle compréhension plus rationnelle indispensable au déblocage de la situation en conférant à ses émotions un sens nouveau au cours de la désensibilisation. La psychoéducation qui grâce à l’emploi de la métaphore permet d’appréhender les mécanismes archaïques de survie diffère de la simple interprétation. Plusieurs thèmes sont souvent abordés : la survie (métaphore de la louve), les renoncements nécessaires (métaphore de l’alpiniste), la victime (métaphore du garçon boucher), l’importance du sens (métaphore des casseurs de cailloux), la dualité parentale (filiation et éducation)… Troisième partie : Développement des plans de ciblages (6-8H) Nous partons des problèmes actuels qui n’ont qu’une valeur de symptôme. Ils permettent de définir un événement traumatique au travers d’une image, d’une Cognition Négative (CN) et Positive (CP). L’identification du souvenir source se fait par un questionnement direct et grâce au floatback et au pont d’affect systématiquement proposés. Nous travaillons ensuite sur tous les événements du passé qui sont associés (cibles associées) ainsi que sur les déclencheurs passés et présents. Nous terminons avec les scénarios du futur qui sont en fait le réel objectif des immersions. Ce sont eux qui témoignent de la phase du « reprocessing ». Nous cherchons systématiquement au minimum un plan de ciblage par registre : l’estime de soi/culpabilité, la sécurité et le libre choix, plus un plan de ciblage pour le deuil et la survie.
Quatrième partie : Développement de la stratégie de l’immersion (2H).
Le thérapeute prépare la stratégie à l’aide de la CE, des plans de ciblages et des traits de sensibilité personnelle. Les principaux traits de sensibilité personnelle retenus se manifestent quand :
- Le patient apporte un symptôme bloquant présent souvent lié en apparence à la sécurité mais qui en fait se rapporte bien davantage à un problème archaïque de survie.
- Il existe souvent une relation des registres par rapport au temps : l’atteinte de l’estime de soi fait plutôt partie du passé (l’enfant ne sait pas faire par manque de moyens, d’apprentissage), la sécurité se rapporte au présent (normalement un adulte assure sa sécurité) et la liberté de choisir est une perspective à venir (le patient pourra choisir dans le futur).
- Il faut souvent tenir compte des conflits de loyauté parentale qui découlent de l’opposition entre les liens de la filiation et la toxicité destructrice d’une partie de l’éducation.
- L’existence d’un système dominant de défense, le SDD a pour effet de réduire l’impact émotionnel actuel, les patients se présentant souvent comme inaffectifs.
- De ce fait il en résulte une incapacité à faire des deuils, ce qui parasite la personnalité actuelle. Dans l’archaïsme, le deuil se définit par la fin d’une dynamique de fonctionnement élaborée avec un/des éléments de l’environnement écologique du patient tributaire du temps. Ceci comprends aussi bien la disparition d’un proche : c’est une ressource qui « s’arrête », qu’un renoncement nécessaire comme la fin de l’insouciance de l’enfant, de l’omnipotence (superman), ou la fin d’une aspiration comme le désir d’enfant, l’amour romantique, la bonne santé, l’enfance heureuse, la non violence. Le processus de deuil permet normalement une appropriation progressive et constructive qui rajoute des outils au patient et le valorise. Le deuil non fait se traduit alors comme sensation de perte d’une partie de soie vécue comme une mutilation, une porte qui se ferme et non comme une mue vers l’étapes suivante, une ouverture.
Principes de la stratégie Les principes de la stratégie sont par ordre de priorité de :
1- Rester dans la fenêtre de tolérance. Nous sommes donc souvent amenés lors du traitement du premier plan de ciblage à choisir une cible qui n’est pas la cible-source mais une cible associée. Cela permet au patient de vivre une première expérience de désensibilisation plutôt douce avec un effet rapide et concret. C’est une phase d’apprivoisement à l’EMDR. Ceci permet de revenir ensuite sur la cible-source (passé) et les déclencheurs (présent) avant de passer aux scénarios du futur (avenir) dans une translation très progressive et naturelle. Si l’affect est trop important, le protocole inversé est très utile pour rester dans la fenêtre de tolérance.
2- Traiter la cible-source en relation avec la survie.
3- Traiter la cible-source en relation avec le deuil.
4- Traiter une cible qui porte sur la toxicité éducationnelle au travers de la mère et du père.
5- Traiter chaque registre suivant l’ordre : culpabilité/estime de soi, sécurité, libre choix. On choisit la cible-source en fonction de la fenêtre de tolérance.
En moyenne nous retenons huit cibles à traiter avec deux séances par cible : la première comporte les phases 3 à 7, la deuxième la phase 8, la réévaluation qui est la plus importante dans l’immersion. En effet elle permet le reprocessing en agissant à quatre niveaux. Premièrement contrôler qu’il n’y a plus de perturbations reliées à la cible traitée. Deuxièmement contrôler que les évènements du passé restants lié à la cible-source ne sont plus perturbant. Troisièmement traiter les déclencheurs actuels. Enfin quatrièmement installer les scénarios du futur. Nous ciblons les évènements les plus anciens suivant le principe de la mémoire-source. L’intensité de la perturbation ne fait pas partie des critères de choix de la cible à cause de l’effet banalisant voir anesthésiant des SDD. Effectivement une cible peut paraître émotionnellement peu active et pourtant l’être tout particulièrement dans le Système Dominant de Défense. Le thérapeute propose ensuite la stratégie de l’immersion au patient qui peut y apporter les modifications qu’il ressent nécessaire. Il faut souligner là l’importance de la relation thérapeutique de confiance et de collaboration au traitement qui doit exister dans la cure. Cinquième partie : Désensibilisation et retraitement des cibles (20H). Il s’agit des phases 3 à 7 du protocole EMDR classique pour chaque cible. Nous attachons beaucoup d’importance aux cognitions négatives et positives qui sont respectivement notre point de départ et d’arrivée. Un des pièges du traitement des intoxications psychiques consiste à se disperser, il est donc essentiel que le thérapeute ramène le patient à la cible en cours de traitement. Les phases 3 à 7 ne sont en immersion que les étapes indispensables et nécessaires pour arriver à la phase 8 qui est la plus importante. En effet l’objectif du traitement de chaque cible c’est de supprimer les déclencheurs et de positiver les scénarios du futur. Pour vérifier les déclencheurs, nous utilisons souvent des scénarios catastrophes. Comme dans le protocole classique, aucune cible ne sera considérée comme complètement traitée tant qu’il restera un affect négatif au cours du travail sur les scénarios du futur.
DISCUSSION Le travail qui est présenté provient de recherches cliniques. La méthodologie a été affinée au cours de l’expérimentation et les premiers patients n’ont pu bénéficier d’un protocole aussi précis que celui qui est exposé ici. Nos erreurs du début nous ont permis de perfectionner les immersions. Nous disposons d’un recul de quatre ans maintenant avec les patients les plus anciens. Au premier janvier 2009, 31 patients sur 5 ans ont pu bénéficier d’une immersion. Nous avons profité de l’immersion pour mesurer l’impact de l’EMDR sur des cibles-sources avec un résultat très satisfaisant. Nous avons utilisé l’échelle PCL-S pour chaque cible source, puis nous avons fait une moyenne par patient. La moyenne des scores PCL-S passe de 70 en début d’immersion à 28 juste après l’immersion, puis à 26 après un contrôle trois mois plus tard et enfin à 29 un an après. Après de nombreuses réflexions entre collègues, nous n’avons finalement retenu qu’un seul critère d’évaluation des Immersions en EMDR. Il s’agit de la disparition complète des symptômes à trois jours, trois mois et un an. A trois jours nous avons 24 patients sur 31 qui présentent une disparition complète des symptômes. A trois mois nous en avons 23 patients sur 28 et à un an 20 sur 25. Soit respectivement 77,5% à 3 jours, 82% à 3 mois et 80% à 1 an de disparition complète des symptômes. Quatre des patients non répondeurs font partie des 10 premiers patients qui ont bénéficié de cette approche avec un protocole moins maîtrisé et moins précis. Au cours du premier chapitre de ce document, nous proposons des hypothèses de travail pour la recherche fondamentale afin d’affiner l’approche thérapeutique des intoxications psychiques et de mieux connaître le fonctionnement de l’archaïsme chez l’humain. Plusieurs notions nous semblent intéressantes comme la fenêtre de tolérance pour autoriser la modification (cicatrisation) des SDD au niveau du cortex limbique, hypothalamus amygdale et cervelet et le ratio sympathique/parasympathique nécessaire au fonctionnement du système de traitement adaptatif de l’information. Tout ce travail a été inspiré et guidé par Jacques Roques et par ses travaux. Il aborde la situation des empoisonnements psychiques depuis quelques années et c’est grâce à son travail, à ses ouvrages et à son aide que nous avons pu développer l’immersion en EMDR. Cette approche prolonge en fait ses recherches et nous espérons pouvoir la partager et la développer avec l’aval des thérapeutes confrontés quotidiennement à cette problématique.
Dr Guy SAUTAI membre du groupe de recherche clinique en EMDR France
Bonjour ,j’aimerai savoir si il y a des thérapeutes , qui utilisent l ‘EDMR ‘ dans la ville de Caen merci de me répondre .
pepête
Bravo, Guy! Cet artcile est apaisant et ouvre sur beaucoup d’espoir.
Quelques questions d’intendance, cependant, me trottent dans la tête. Par exemple, la fréquence des séances, les moyens économiques pour les financer, la possibilité de travailler en groupe, la fiabilité des tests, et d’autres choses encore que je ne suis pas en mesure de formuler pour l’instant.
En attendant, merci encore.
M.L.GASSIN MASSON
Bonjour, j’ai déjà lu ça là (voir ci-dessous) Vous vous en êtes inspiré ?
STRESS ET TRAUMA 2006 ; 6 (3) : 000-000 1
Épreuve 1 – 14/06/06
De nombreux individus
traumatisés alternent
entre des phases de réexpérience
ou de reviviscence de
leur traumatisme et des phases de
détachement ou même de relative
inconscience de leur traumatisme
et de ses effets (1, 2). Ce schéma alterné
a déjà été mis en évidence
il y a plus d’un siècle (3-6) et il peut
être considéré comme la caractéristique
centrale de l’état de stress
post-traumatique (ESPT) ou posttraumatic
stress disorder (PTSD) (1),
du trouble de stress extrême (7),
et de nombreux cas de troubles
dissociatifs liés à des traumatismes
(2, 8, 9). Dans le cas de l’ESPT
DISSOCIATION STRUCTURELLE
DE LA PERSONNALITÉ ET TRAUMA
ELLERT NIJENHUIS*, ONNO VAN DER HART**, KATHY STEELE***,
ERIK DE SOIR****, HELGA MATTHESS*****
RÉSUMÉ
Dans cet article, nous explorons les caractéristiques
centrales de la dissociation chez les sujets traumatisés.
Dans leur symptomatologie, des phases de réexpérience
ou de reviviscence des traumatismes alternent
avec des phases de détachement ou même de relative
inconscience de ces traumatismes et de leurs effets.
Nous voulons offrir une vue novatrice sur les troubles
liés à la traumatisation psychique et proposer le modèle
de la dissociation structurelle de la personnalité,
en une “partie émotionnelle de la personnalité” (PEP)
et une “partie apparemment normale de la personnalité”
(PANP), comme une tentative d’intégration des
syndromes post-traumatiques et des troubles dissociatifs
en lien avec l’évolution et le traumatisme. Nous
étudierons également les facteurs qui participent au
maintien de cette division. L’état de stress post-traumatique
(ESPT) sera expliqué comme une forme primaire
de dissociation traumatique. Dans ce même
contexte, nous explorerons aussi la complexité croissante
de la dissociation structurelle dans ses formes
secondaire et tertiaire. Formes qui sont susceptibles
d’apparaître lorsque le traumatisme comporte une dimension
chronique de violence interpersonnelle et de
négligence, et en particulier quand les victimes sont
des enfants et que les auteurs de ces maltraitances sont
les parents ou les figures parentales de remplacement.
MOTS-CLÉS
dissociation structurelle, personnalité, traumatisme
psychique, ESPT.
*Docteur en psychologie, Psychothérapeute, Département de
soins ambulants en santé mentale, Drenthe, Assen, Pays-Bas
**Professeur de psychopathologie, Département de
psychologie clinique, Université de Utrecht, Pays-Bas
***Psychothérapeute, Metropolitan Psychotherapy Associates &
Metropolitan Counseling Services, Atlanta, GA, États-Unis
****Psychologue, Psychothérapeute, École royale militaire,
Département des sciences du comportement,
Centre pour l’étude du stress et du trauma, Bruxelles, Belgique
erik.de.soir@rma.ac.be
*****Psychiatre, Psychanalyste, Institute trainer (EMDR
Europe), Duisburg, Allemagne
SUMMARY: STRUCTURAL DISSOCIATION
OF THE PERSONALITY LINKED TO
PSYCHOLOGICAL TRAUMA
In this article, we will explore the central characteristics
of dissociation in traumatized individuals. In their
symptomatology, they alternate between re-experiencing
their trauma and being detached from, or even relatively
unaware of the trauma and its effects. With
this contribution, we would like to offer an innovative
view on the disorders linked to psychological trauma
et present the model of structural dissociation of the
personality, into an “emotional part of the personality”
(PEP) and an “apparant normal part of the personality”
(PANP), trying to integrate posttraumatic stress syndromes
and both evolution-based and trauma-related
dissociative disorders into one framework. We will also
discuss the factors that contribute to the maintenance of
this division. In this context, posttraumatic stress disorder
(PTSD) will be conceptualized as a primary form
of trauma-related dissociation. In this same context,
we will explore the growing complexity of structural
dissociation in its secondary and tertiary forms. These
forms are likely to appear when the trauma contains
a chronic dimension of interpersonal violence and
neglect, in particular when the victims are children
and the perpetrators are parents or parent replacing
caretakers.
KEY WORDS
structural dissociation, personality, trauma, PTSD.
Voir les demandes de précision pages 9 et 13
2 STRESS ET TRAUMA 2006 ; 6 (3) : 000-000
E. NIJENHUIS ET AL. Épreuve 1 – 14/06/06
avec survenue différée, ce schéma débute après une longue
période de fonctionnement relativement bon. Un petit
nombre d’individus traumatisés développe une amnésie
dissociative dans le cadre d’un trouble qui implique des
lacunes dans le rappel de souvenirs liés au traumatisme, ou
de parties de leur vie antérieure, ou même de la totalité de
celle-ci (10). Ces patients restent amnésiques sur une longue
période de temps. Le rappel final du traumatisme peut
résoudre le trouble, mais, dans certains cas, un schéma
d’alternance entre des phases d’amnésie et de reviviscence
du traumatisme se développe (10).
On pourrait a priori être tenté de conceptualiser le détachement
psychique du traumatisme et la reviviscence de celuici
comme des états mentaux. Cependant, une observation
plus fine laisse apparaître que dans les deux cas, toute une
gamme d’états est présente et non pas un seul état. Par
exemple, le fait d’être détaché du traumatisme n’exclut
pas en soi le fait d’être joyeux, honteux, excité sexuellement,
ou curieux, selon les moments. La réexpérience du
traumatisme peut aussi regrouper des états comme la fuite,
le combat, l’immobilisation, la souffrance ou l’anesthésie.
Dans cet article, nous mettrons en relation le détachement
et la reviviscence du traumatisme avec ce que nous appelons
des “systèmes opératoires émotionnels” (11), “systèmes
émotionnels” (12-15) ou, comme nous les avons appelés,
“systèmes d’action” (9). Les systèmes d’action contrôlent
tout un ensemble de fonctions plus ou moins complexes.
Refaire l’expérience du traumatisme sera associé à un “système
de défense” inné et dérivé de l’évolution, stimulé
lors d’une menace importante, en particulier lors d’une
menace de l’intégrité physique (appelée souvent la menace
vitale). Comme il s’agit d’un système complexe, il comprend
divers sous-systèmes, comme la fuite, le combat, et
l’immobilisation. Selon nous, le processus de détachement
par rapport au traumatisme est associé à plusieurs systèmes
d’action qui contrôlent, d’une part, les fonctions de la
vie courante (exemple : exploration de l’environnement,
contrôle de l’énergie) et, d’autre part, celles qui sont consacrées
à la survie de l’espèce (exemple : la reproduction,
l’attachement à la progéniture).
Dans ce contexte, nous affirmons qu’une grave menace
peut provoquer une dissociation structurelle de la personnalité
préexistante (2, 8, 9, 16), comme cela a été décrit
par Janet (4, 5). Dans sa forme primaire, cette dissociation
s’opère entre, d’une part, le système de défense de l’individu
et, d’autre part, les systèmes qui impliquent la gestion
de la vie quotidienne et la survie de l’espèce. Dans un
livre peu connu mais fondamental, Myers (17) décrit cette
dissociation structurelle primaire en termes de division entre
la “personnalité apparemment normale” (PAN) et la
“personnalité émotionnelle” (PE). Dans son étude portant
sur des soldats combattants de la Première Guerre mondiale,
Myers observe que la PE fait de façon récurrente
des expériences sensori-motrices douloureuses, chargées
d’affects pénibles qui, au moins subjectivement, correspondent
de près au traumatisme d’origine. La PE se trouve
donc bloquée dans l’expérience traumatique et n’arrive
pas à devenir un récit de souvenir du trauma, donc une
mémoire narrative. D’un autre côté, la PAN est associée à
l’évitement des souvenirs traumatiques, au détachement,
à l’anesthésie et à une amnésie partielle ou totale. En fait,
comme nous allons le détailler plus loin dans ce chapitre, la
PAN et la PE impliquent toutes deux des différences dans
un large éventail de variables psychobiologiques. Certaines
observations cliniques indiquent, par exemple, qu’elles
sont associées à un sens de soi différent, et des découvertes
préliminaires en recherche expérimentale sur les troubles
dissociatifs de l’identité (TDI) suggèrent qu’elles répondent
différentiellement aux souvenirs de traumatismes (18, 19) et à
des stimuli menaçants traités de façon préconsciente (20).
Pourtant, on pourrait s’opposer à la dénomination de
“personnalités” pour des systèmes mentaux structurellement
dissociés. En fait, c’est pour cette raison que le
DSM-IV (1) a changé la dénomination “trouble de la personnalité
multiple” en “trouble dissociatif de l’identité”
(TDI). Il est cependant important de reconnaître qu’aussi
bien la PAN que la PE possèdent de façon évidente des
“schémas de perception, de relation et de pensée par rapport à l’environnement
et à soi-même qui sont stables” (description des
traits de personnalités dans le DSM-IV (1, p. 630)). Dans
le cas de la PAN, ces schémas sont apparents dans une
grande variété de contextes personnels et sociaux, et dans
le cadre des PE – où ils n’ont pas tendance à apparaître
dans une grande variété de contextes – ils le sont de
manière régulière lorsqu’ils sont réactivés. Même si les
termes de Myers semblent donc tout à fait appropriés,
nous allons adopter ici les termes “partie émotionnelle
de la personnalité” (PEP) et “partie apparemment normale
de la personnalité” (PANP), puisque nous pensons
que le terme “personnalité” implique aussi un sens de
soi totalement intégré (9). Certains se demanderont s’il
ne faudrait pas préférer, si on continue à se référer à la
notion de personnalité, l’expression “partie traumatique
de la personnalité” au lieu de “partie émotionnelle de la
personnalité”. Ils avanceraient que la “partie apparem-
CITATION
“Il se produit de temps en temps des altérations de la “personnalité
émotionnelle” et de la “personnalité apparemment normale”. Le
retour de la première est souvent précédé de céphalées sévères, de
vertiges ou d’une convulsion hystérique. Lors de sa réapparition,
la “personnalité apparemment normale” peut se souvenir, comme
dans un rêve, des expériences angoissantes revécues durant l’intrusion
temporaire de la “personnalité émotionnelle.”
Charles S. Myers (17, p. 67)
STRESS ET TRAUMA 2006 ; 6 (3) : 000-000 3
Épreuve 1 – 14/06/06 DISSOCIATION ET TRAUMA
ment normale de la personnalité” comporte à l’évidence
des aspects émotionnels, donc que le vocable “partie
émotionnelle” pourrait encore être source de confusion.
Mais, dans cet article, nous avons préféré rester près de la
dénomination originale de Myers et de garder les termes
“partie émotionnelle de la personnalité” (PEP) et “partie
apparemment normale de la personnalité” (PANP), et ce,
pour les raisons suivantes. Parler de “partie traumatique
de la personnalité” semblerait impliquer que l’autre partie
– la “partie apparemment normale” – ne serait pas traumatisée.
De plus, la dénomination “émotionnelle” n’a pas
trait aux émotions en général, mais bien à l’émotionnalité
liée à l’événement ou aux événements traumatiques.
Cette émotionnalité est basse chez la PANP et élevée chez
la PEP. En plus, le terme “personnalité” est aussi une
métaphore et a trait à tout l’organisme, le système biopsychosociologique
de la personne. Dans une perspective
évolutive, ce système est formé au moyen d’adaptations
successives tout au long de la vie.
Nous explorerons donc dans cet article les origines de la
dissociation structurelle entre la PEP et la PANP dans ses
liens avec l’évolution et avec le traumatisme, en tant qu’elles
impliquent des systèmes émotionnels. Nous étudierons
également les facteurs qui participent au maintien de cette
division. Dans ce contexte, nous explorerons aussi la complexité
croissante de la dissociation structurelle dans ses
formes secondaire et tertiaire. Formes qui sont susceptibles
d’apparaître lorsque le traumatisme comporte une
dimension chronique de violence interpersonnelle et de
négligence, et en particulier quand les victimes sont des
enfants et que les auteurs de ces maltraitances sont les
parents ou les figures parentales de remplacement.
L’ÉCHEC DES CAPACITÉS
INTÉGRATIVES FACE À LA MENACE
L’INTÉGRATION
Janet (21) et Jackson (22) ont défini la santé mentale en termes
de “capacité d’intégration”. Janet soutenait que l’intégration
nécessite l’exécution continue d’une série d’actes
mentaux. La première étape est la “synthèse” d’une
série de phénomènes élémentaires internes et externes
en nouvelles structures mentales signifiantes. Dans cette
perspective, la création de combinaisons signifiantes de
sensations, d’affects, de comportements moteurs, de perceptions
de l’environnement est essentielle pour la réalisation
de comportements adaptatifs. Les individus qui ont
été, par exemple, confrontés à un événement menaçant
sont parvenus à synthétiser l’expérience lorsqu’ils ont créé
une structure mentale cohérente qui contient et organise
des représentations des événements internes et externes
prédominants (exemple : perceptions sensorielles, réactions
émotionnelles et comportementales à ces perceptions ;
pour une analyse plus approfondie de la synthèse, voir
Van der Hart et al. (9)).
Une composante supplémentaire et essentielle de cette intégration
est la “personnification” (23). La personnification
désigne les actes mentaux qui vont de la mise en relation
du matériel synthétisé avec un sens de soi général qui,
par ce processus, devrait ainsi être adapté, jusqu’à la prise
de conscience des conséquences que peut avoir une expérience
personnelle sur la vie entière, conférant ainsi une
continuité à l’histoire d’un individu et à son sens de soi (23).
Pour prolonger cet exemple, dans l’acte de personnification,
les individus traumatisés prennent conscience que
la menace les frappe eux personnellement. Le résultat est
un sens d’appropriation d’une expérience personnelle et
d’un événement (“je suis menacé”). La personnification
est une forme spécifique de “réalisation” (24), i.e., le fait de
devenir conscient des implications des événements. Dans
notre exemple : “j’ai été gravement menacé et l’événement
a eu et a encore des conséquences majeures sur moi et sur
ceux que j’aime”. Ainsi, la personnification rend possible
une vision de soi en tant qu’existence future personnelle
et sociale.
Une autre forme spécifique de réalisation est la “présentification”
(24). Comme Van der Hart et al. (9) l’expliquent :
“La présentification est cette tentative humaine permanente d’être et
d’agir simultanément dans le moment et ce d’une façon hautement réflexive.
Cette action à plusieurs facettes inclut l’expérience “d’être présent”
[…]. Nous sommes présent quand nous synthétisons et quand
nous personnifions les stimuli courants internes et externes qui sont
essentiels pour nos intérêts courants, et quand nous adaptons consécutivement
nos actions mentales et comportementales. De plus, quand
nous nous vivons comme réellement présent, nous avons connecté notre
passé et notre future dans l’ici et le maintenant. Effectivement, la
présentification est plus qu’être conscient du moment présent. Cela
implique notre création du moment présent à partir d’une synthèse
d’expériences personnifiées étalées à travers le temps et des situations,
du passé, du présent et du futur projeté. Finalement, la présentification
est donc notre construction de contexte et de signification du moment
présent dans notre histoire personnelle. Tous les survivants de trauma
ont été incapables de présentifier leur passé cruel. Par exemple, quand
ils revivent leurs mémoires traumatiques, ils prennent ces mémoires
pour des événements présents et quand ils essayent d’adapter au présent,
ils évitent généralement les mémoires traumatiques non-intégrées.
En plus, ils trouvent souvent difficile de simuler le future, en particulier
un future lointain, ou d’intégrer leur sens du futur dans leur
existence présente”.
Comme le suggèrent de très nombreuses observations
cliniques et des études récentes (25), des événements extrêmes
peuvent interférer avec ces actes mentaux intégrateurs.
Lorsqu’il y a échec de la personnification, la
prise de conscience de l’événement synthétisé demeurera
4 STRESS ET TRAUMA 2006 ; 6 (3) : 000-000
E. NIJENHUIS ET AL. Épreuve 1 – 14/06/06
une connaissance factuelle qui ne semble pas appartenir
à soi. Selon les termes de Wheeler et al. (26), le matériel
synthétisé sera “noétique” et non pas “autonoétique”.
L’individu traumatisé pourra ainsi dire : “je sais que ma
vie a été menacée, mais c’est comme si cela était arrivé à
quelqu’un d’autre”. Au final, le souvenir correspondant
sera de type “sémantique“, et non pas “épisodique” (27).
Le souvenir sémantique, qui appartient aux mots et à la
connaissance du monde, est dépourvu de la dimension
autoréfléchissante : l’individu sait que telle chose est un
fait, mais il n’établit pas de lien entre cette connaissance
et un épisode personnel. Par contraste, le souvenir épisodique
a trait à des événements dont nous nous souvenons
d’une façon presque scénique ou cinématographique. Il
implique une double conscience car, en plus du souvenir
des faits, il y a aussi la connaissance que cette expérience
vient de son propre passé. C’est dans le cadre
de fenêtres spatio-temporelles bien plus larges, que la
personnification et la présentification permettent un sens
de soi intégré et ainsi relativement indépendant du contexte.
Lorsque la personnification et la présentification
échouent, le développement d’un sens cohérent de sa
propre existence dans un cadre temporel comportant le
passé, le présent et le futur est compromis : pour pouvoir
agir de manière adaptée dans le présent, la personnification
et la présentification de l’expérience en cours,
s’appuyant sur une intégration de (toute) une histoire
personnelle passée, est nécessaire.
L’intégration d’expériences similaires à celles qui sont déjà
connues de l’individu et qui n’impliquent pas des émotions
extrêmes exige généralement un niveau de fonctionnement
mental moins élevé et un effort mental moindre que la
synthèse et la réalisation d’expériences nouvelles et à forte
charge émotionnelle. Une intégration réussie d’expériences
antérieures particulières offre un modèle qui facilite
l’intégration d’expériences futures similaires. L’exposition
à des événements stressants peut augmenter le niveau de
fonctionnement mental, mais lorsque la menace devient
massive et submerge l’individu, ce niveau chute brutalement
(28).
Tandis que des événements non traumatiques – et qui ne
sont pas excessivement stressants sur le plan sensoriel –
sont habituellement synthétisés automatiquement et de façon
préconsciente sous forme symbolique, les expériences
traumatiques de patients souffrant d’ESPT et de troubles
dissociatifs semblent être encodées plus ou moins comme
des expériences affectives et sensori-motrices demeurant
relativement non-intégrées par rapport au traitement normal
de l’information aboutissant à la mémoire épisodique
(29). Avec une capacité intégrative réduite, l’individu
subit un déficit immédiat de sa capacité à s’adapter au
traumatisme, et le développement de ses capacités à faire
face aux traumatismes ultérieurs est inhibé (28).
QUELQUES FACTEURS NEUROBIOLOGIQUES
AFFECTANT LES FONCTIONS MENTALES
INTÉGRATIVES
Les difficultés que peuvent rencontrer les individus pour
synthétiser et réaliser des expériences terrifiantes semblent
liées à des réactions biologiques apparaissant lors de la survenue
d’une grave menace. Les preuves qui montrent que
le cerveau et le corps ne réagissent pas seulement à la menace,
mais sont également susceptibles d’être modifiés par
l’expérience traumatique se multiplient (30, 31). Au niveau
neurobiologique, l’échec intégratif d’un événement lié à
une menace peut ainsi se manifester par une libération
excessive d’hormones du stress et par des modifications
liées au stress dans des régions cérébrales travaillant aux
servitudes des fonctions intégratives principales.
Plusieurs études ont montré que des neurotransmetteurs
déchargés à haute concentration pendant un état de stress
dans des régions du cerveau impliquées dans l’exécution
d’opérations mentales intégratives (comme l’hippocampe
et le cortex préfrontal) peuvent interférer avec l’intégration
des expériences. Ces substances, qui incluent la noradrénaline,
l’adrénaline, les glucocorticoïdes, les opiacés endogènes
(32) et plusieurs autres, peuvent diminuer le niveau
de fonctionnement mental d’un individu, i.e. sa capacité
intégrative. Par exemple, des doses modérées d’adrénaline
administrées après l’apprentissage améliorent la rétention
de matériel récemment appris, mais des doses élevées la
diminuent (32). Par ailleurs, un stress aigu aboutit à une
décharge accrue de noradrénaline dans l’hippocampe et
dans d’autres régions cérébrales.
Des vétérans du Vietnam souffrant d’ESPT chronique ont
des flash-back lorsqu’on leur administre en intraveineuse
de la yohimbine, un antagoniste α2 qui stimule la décharge
de noradrénaline (33). Un effet similaire a été provoqué par
l’administration en intraveineuse de métachlorophénylpipérazine
(m-CPP) (34). En termes psychologiques, ces substances
ont réactivé des réponses de la PEP. Les études menées
aussi bien chez les animaux que chez les êtres humains
ont démontré que des décharges élevées de noradrénaline
sont associées à une diminution du métabolisme dans le
cortex cérébral. Le métabolisme cérébral des patients souffrant
d’ESPT a tendance à être diminué après injection de
yohimbine dans le cortex hippoccampique, orbito-frontal,
pariétal et préfrontal, alors que le métabolisme dans ces
régions a tendance à être augmenté chez les sujets contrôles
sains (35). Cette diminution pourrait refléter le manque d’activité
mentale intégrative chez les individus traumatisés. En
effet, la noradrénaline de l’hippocampe (structure cérébrale
engagée dans la synthèse des expériences et dans l’encodage
de la mémoire) agit sur l’encodage, le stockage et le rappel
des souvenirs. Une autre substance impliquée dans la modulation
des fonctions de la mémoire et dans la réponse
STRESS ET TRAUMA 2006 ; 6 (3) : 000-000 5
Épreuve 1 – 14/06/06 DISSOCIATION ET TRAUMA
de stress est le neuropeptide CRF (facteur de libération de
la corticotropine). Bremner et al. (36) ont constaté une augmentation
de CRF chez les patients souffrant d’un ESPT.
D’autres études suggèrent que la stimulation artificielle
des structures intégratives du cerveau, notamment l’hippocampe,
peut générer des symptômes dissociatifs. La
stimulation électrique de l’hippocampe et du cortex adjacent
aboutit, par exemple, à un phénomène analogue à
la dissociation (37). De même, la kétamine, un antagoniste
non compétitif de la N-méthyl-D-aspartate (NMDA), soustype
du récepteur de glutamate, entraîne toute une série de
symptômes dissociatifs chez des individus sains (38, 39). Ce
récepteur NMDA est très concentré dans l’hippocampe,
et il est impliqué dans la potentialisation à long terme,
processus lié à la formation des souvenirs.
L’échec intégratif qui caractérise les individus traumatisés
peut être également associé à des changements cérébraux
structurels, notamment dans l’hippocampe. Les études sur
les animaux montrent que l’injection directe de glucocorticoïdes
dans l’hippocampe entraîne une
perte de neurones pyramidaux et de ramifications
dendritiques. Certaines données
suggèrent que les glucocorticoïdes pourraient
avoir un effet similaire sur l’hippocampe
humain. Comparé à celui de sujets
sains contrôles, le volume de l’hippocampe
est réduit chez les patients ESPT adultes
(40) rapportant des abus physiques et
sexuels durant leur enfance (41) et chez les patients ayant un
TDI (42). On ne sait habituellement pas si un hippocampe
de dimensions inférieures constitue un facteur de risque
prémorbide pour l’ESPT et peut-être pour les troubles
dissociatifs, ou s’il est une conséquence d’une exposition
à un stress chronique. Des caractéristiques structurelles
anormales de l’hippocampe peuvent également représenter
un tout autre phénomène : plusieurs autres troubles
mentaux non caractérisés par un stress post-traumatique
ou des symptômes dissociatifs sont également associés à
une diminution du volume de l’hippocampe.
Alors que ces résultats et d’autres qui leur sont liés contribuent
à la compréhension de l’échec intégratif pendant et
après l’exposition à une grave menace, rappelons-nous que
l’étude des correspondances biologiques aux phénomènes
dissociatifs liés à un traumatisme n’en est encore qu’à ses
débuts (39).
LA DISSOCIATION PÉRITRAUMATIQUE
L’échec de l’individu à synthétiser et à personnifier des
événements actuels gravement menaçants se manifeste
par un ensemble de phénomènes que l’on appelle la dissociation
péritraumatique (25). Celle-ci implique des phénomènes
à la fois somatoformes et psychologiques (43, 44),
parmi lesquels : des sentiments profonds d’irréalité, des
expériences de sortie du corps, une déconnexion de son
propre corps, une vision en tunnel, une non-perception
de la douleur (analgésie) et des inhibitions motrices. La
dissociation péritraumatique peut également s’exprimer
par un manque ou un défaut de personnification. Comme
nous l’avons dit plus haut, cet échec peut se manifester
comme le sentiment que l’événement enregistré n’est pas
arrivé à soi-même.
Les modèles qui proposent que le traumatisme peut entraîner
des phénomènes dissociatifs ont été sérieusement
étayés par une série d’études rétrospectives et prospectives
(43-51). Janet (52) postulait que le traumatisme produit ses
effets désintégrateurs en proportion de sa gravité exprimée
en termes d’intensité, de durée et de répétition. Plus récemment,
on a en outre fait l’hypothèse que les jeunes
enfants sont particulièrement exposés au risque de dissociation
péritraumatique et à d’autres psychopathologies
liées au traumatisme (53-56). Plusieurs études sur des patients
souffrant de troubles dissociatifs (56-59) ont
fourni des résultats appuyant fortement
ces hypothèses.
Dans une étude longitudinale importante,
Ogawa et al. (59) ont constaté, sur
un échantillon d’enfants particulièrement
exposés à un risque de traumatisation, que
les symptômes dissociatifs de la petite enfance
étaient associés à la gravité du trauma et à ce que
l’on appelle “un attachement désorganisé”. Ces deux facteurs
étaient prédictifs de symptômes dissociatifs retrouvés
jusqu’à 20 ans plus tard. D’autres études ont montré que la
dissociation péritraumatique est un facteur prédictif d’un
ESPT ultérieur (45, 60)), de troubles dissociatifs et de troubles
somatoformes (61, 62). Van der Hart et al. (63) ont cependant
trouvé que les symptômes dissociatifs de patients présentant
un état de stress aigu n’étaient pas vraiment prédictifs
d’un ESPT, alors que la réexpérience du traumatisme
était un facteur hautement prédictif. Suivant la logique
du DSM-IV (1), Bryant et al. (62) n’ont pas conceptualisé le
phénomène de reviviscence du traumatisme comme un
symptôme dissociatif. Ce phénomène contient pourtant
une expérience qui n’a pas été intégrée de façon satisfaisante,
et qui ne le sera pas non plus au moment de sa
réactivation. Selon nous, la reviviscence du traumatisme
est un symptôme dissociatif courant majeur. Nous sommes
d’accord avec Myers (17) sur le fait que l’échec intégratif
d’expériences traumatiques entraîne fondamentalement
une dissociation structurelle de la personnalité préexistante
en deux systèmes psychobiologiques (9, 16). Cette dissociation
structurelle primaire implique la PEP, qui est essentiellement
associée à la réexpérience du traumatisme, et
la PANP qui a échoué à intégrer l’expérience traumatique
Le sentiment que
l’événement enregistré
n’est pas arrivé
à soi-même
6 STRESS ET TRAUMA 2006 ; 6 (3) : 000-000
E. NIJENHUIS ET AL. Épreuve 1 – 14/06/06
(comme nous le discuterons plus loin, dans les cas les plus
complexes, la dissociation structurelle peut être secondaire
ou tertiaire). En résumé, la dissociation péritraumatique
est une manifestation d’un échec intégratif aigu et prépare
à long terme le terrain de l’échec de la synthèse et de la
réalisation du traumatisme.
LE MODÈLE STRUCTUREL
DE LA DISSOCIATION
DE LA PERSONNALITÉ
LA PARTIE ÉMOTIONNELLE
DE LA PERSONNALITÉ (PEP)
La PEP est une manifestation d’un système mental plus
ou moins complexe qui contient essentiellement des souvenirs
traumatiques. Quand des individus traumatisés
restent dans cette PEP, ces souvenirs sont autonoétiques.
Ils peuvent représenter des aspects essentiels du traumatisme
(63), un événement extrême complet, ou une série
d’événements similaires. Ils sont habituellement associés
à une image différente du corps et à un sens de soi séparé,
rudimentaire ou plus évolué (64). La PEP se manifeste ainsi
dans des formes qui vont de la réexpérience d’aspects non
intégrés du traumatisme, dans le cas de l’état de stress aigu
et de l’ESPT, jusqu’aux personnalités dissociatives traumatisées
dans le cas des TDI (1).
Il est important de noter que les souvenirs traumatiques de
la PEP diffèrent de façon considérable des récits métabolisés
de traumatismes (21, 23, 24, 28, 29). Les souvenirs normaux
frappent l’auditeur en tant que récits, en tant qu’histoires
racontées et répétées, qui se modifient avec le temps et
s’adaptent à l’auditoire. Alors que les récits narratifs de souvenirs
sont verbaux, condensés dans le temps et de nature
sociale et reconstructrice, les souvenirs traumatiques sont
souvent vécus comme si l’événement autrefois écrasant se
produisait dans l’ici et maintenant. Les expériences hallucinatoires
solitaires et involontaires sont des images visuelles,
des sensations, des actes moteurs qui envahissent tout le
champ perceptif. Ces souvenirs sont caractérisés, au moins
subjectivement, par un sens d’immuabilité et d’extra-temporalité
(65-67), et n’ont aucune fonction sociale (23).
Bien que les souvenirs traumatiques de la PEP contiennent
des éléments reproductifs, ils ne sont pas la réplique exacte
des événements extrêmes. Outre l’expérience de l’événement
par l’individu, ils peuvent inclure ses fantasmes et
ses distorsions perceptives, et exclure certaines parties de
l’expérience. Le souvenir traumatique du patient Lelog
de Charcot contenait par exemple l’idée qu’il avait été
écrasé par une charrette (67). En fait, avant de perdre conscience,
il avait vu les roues s’approcher de lui, ce qui lui
avait donné l’idée qu’elles l’avaient heurté. Des éléments
provenant d’autres expériences traumatiques peuvent de
la même manière s’associer au souvenir traumatique et
le brouiller.
On peut également remarquer que l’accès à d’autres souvenirs
est plus ou moins obstrué lorsque les souvenirs traumatiques
sont réactivés. Ainsi, quand la PEP est activée,
le patient tend à perdre l’accès à une gamme de souvenirs
qui sont facilement accessibles pour la PANP. Les souvenirs
perdus évoquent généralement des souvenirs épisodiques
(souvenirs personnifiés d’expériences personnelles), mais
peuvent également inclure des souvenirs sémantiques (connaissance
factuelle) et même des souvenirs procéduraux
(exemple : des souvenirs de compétences et de solutions
résultant du conditionnement classique). Myers (17) donne
un exemple de la modification entre une PEP (coincée
dans sa lutte contre le traumatisme) et une PANP chez un
soldat de la Première Guerre mondiale (68). Après avoir été
soumis à des bombardements très lourds pendant lesquels
un obus explosa tout près de lui, cet homme avait été emmené
au poste de secours car il ne pouvait pas s’empêcher
de sauter par-dessus un parapet en plein jour lorsqu’il y
avait des bombes. Au poste de secours, il était incapable de
donner son nom et son régiment et c’est seulement par la
ruse qu’il fut possible de le faire entrer dans l’ambulance.
Une fois couché, il développa un mutisme complet et un
état d’agitation extrême, roulant parfois les yeux et la tête
comme s’il suivait un objet imaginaire, après quoi il recouvrait
sa tête avec les couvertures, en proie à une horreur
effroyable. Plus tard, une fois sorti de son lit, il commença
à avoir des convulsions dissociatives, pendant lesquelles
il se serait immanquablement blessé si on ne l’avait pas
maîtrisé, et après lesquelles il était évident qu’il visualisait
ses expériences terrifiantes dans les tranchées. Il demandait
de l’aide, pendant ces crises, mais ensuite, une fois sortie de
la PEP et revenu dans la PANP, il n’avait aucun souvenir
de celles-ci et son mutisme persistait. En dehors des crises,
il paraissait normal.
Comme l’illustre cet exemple, la PEP manifeste de façon
typique des comportements moteurs défensifs, en particulier
en réponse à des “déclencheurs”, i.e. des stimuli liés
à des traumatismes et conditionnés par conditionnement
classique. Dans cet état, le patient peut, par exemple, se
recroqueviller dans sa chaise et rester immobile et silencieux,
se cacher derrière une chaise ou dans un coin. Mais
lorsqu’il se sent en sécurité relative, il peut parler et se
déplacer davantage. Ainsi, dans les cas de maltraitance
subie pendant l’enfance, la PEP qui a l’identité de l’enfant
peut occasionnellement manifester des comportements de
gamin joueur, comme l’expliquent Putnam (54, 55) et Van
der Hart et Nijenhuis (69).
La recherche et l’observation clinique confortent les hypothèses
selon lesquelles les souvenirs traumatiques comSTRESS
ET TRAUMA 2006 ; 6 (3) : 000-000 7
Épreuve 1 – 14/06/06 DISSOCIATION ET TRAUMA
portent une dimension sensori-motrice majeure. Van
der Kolk et Fisler (70) ont ainsi mis en évidence que les
souvenirs traumatiques de sujets ayant un ESPT étaient
rappelés, au moins au départ, sous la forme d’empreintes
mentales dissociées : éléments affectifs et sensoriels de l’expérience
traumatique, avec une composante linguistique
faible ou inexistante. Des enfants abusés sexuellement se
souvenaient aussi de leur traumatisme sous la forme de
perceptions sensorielles et de réponses comportementales,
de même que les femmes qui rapportaient des abus sexuels
pendant leur enfance (43). Les PEP qui présentaient un TDI
rapportaient également leurs souvenirs traumatiques de
cette manière (19, 71).
Le champ de conscience de la PEP tend à être essentiellement
restreint au traumatisme en tant que tel et à tout
ce qui s’y rapporte. Quand les PEP ont évolué, comme
cela se produit chez les TDI, elles peuvent aussi s’orienter
davantage vers des objets du monde qui correspondent à
leur expérience et à leur identité. Dans ce cas, le champ de
leurs souvenirs procéduraux, sémantiques et épisodiques
s’étend jusqu’à un certain point. Cependant, alors que la
PEP a pu synthétiser et réaliser des aspects du traumatisme
dans le cadre limité de ses souvenirs et donc de sa
personnalité, elle a échoué à intégrer la réalité courante
dans une mesure suffisante. Elle reste donc dans un état
d’inadaptation face au monde.
LA PARTIE APPAREMMENT NORMALE
DE LA PERSONNALITÉ (PANP)
Dans leur état PEP, les individus traumatisés échouent à
intégrer suffisamment la réalité courante et donc la vie
normale. Par contre, dans leur état PANP, ils ont échoué
partiellement ou totalement à intégrer le traumatisme. La
PANP est surtout caractérisée par un ensemble de pertes
et de symptômes dissociatifs négatifs (72) tels qu’un certain
degré d’amnésie du traumatisme et l’anesthésie de
diverses modalités sensorielles. La PANP est également
caractérisée par un manque de personnification, aussi
bien en ce qui concerne le souvenir traumatique que la
PEP en tant que telle, c’est-à-dire que la PANP n’a intégré
ni le souvenir traumatique, ni le système mental qui
lui est associé. Dans la mesure où le patient en PANP
dispose d’informations sur le traumatisme et la PEP, cette
connaissance reste noétique, et le souvenir correspondant
est sémantique.
L’apparente normalité de la PANP varie considérablement.
Par exemple, certains patients souffrant d’un ESPT
parviennent à présenter une apparence de normalité assez
convaincante pendant des années. Certains patients présentant
un TDI peuvent même fonctionner en PANP à
un très haut niveau d’adaptation. Ils peuvent par exemple
très bien réussir sur le plan professionnel (73). Cependant,
d’autres patients peuvent avoir développé en PANP une
amnésie étendue et très invalidante (10), ou avoir atteint
un stade avancé de déclin post-traumatique (74). Comme
Janet le remarquait, tous les patients traumatisés “semblent
arrêtés dans l’évolution de la vie, ils sont accrochés à un obstacle [i.e.
le traumatisme] qu’ils n’arrivent pas à franchir” (28 : 271), et ils
perdent également la capacité “d’avoir la perception personnelle
de leurs souvenirs, comme si leur personnalité arrêtée définitivement à
un certain point ne pouvait plus s’accroître par l’adjonction, l’assimilation
d’éléments nouveaux” (75, pp. 531-532). Ils sont condamnés,
comme disait Appelfeld, à vivre “une vie à la surface de la
conscience”.
Les intrusions de la PEP, et en particulier le souvenir traumatique
qui est associé à cette personnalité, interfèrent
avec l’apparente normalité. À l’état naturel, les souvenirs
traumatiques et les phénomènes mentaux qui leur sont
liés ne sont généralement pas un problème (76). Mais lorsqu’elles
sont pleinement réactivées, ces intrusions peuvent
envahir la conscience comme des “malveillants parasites
de l’esprit” (67, 77). Ces symptômes dissociatifs intrusifs, et
donc positifs, peuvent consommer un temps considérable,
reproduisant en partie la temporalité de l’événement
extrême. La reviviscence suit généralement un enchaînement
rigide d’événements et de réponses, et ne peut être
interrompue qu’au prix d’un effort extrême. Des souvenirs
traumatiques complets, ou des aspects partiels de ceux-ci,
comme des formes de sensations particulières ou de réponses
motrices, peuvent également faire intrusion dans
la PANP. Celle-ci peut aussi être complètement désactivée
au moment de l’activation de la PEP, phénomène qui se
manifeste par l’amnésie de la PANP pendant l’épisode (de
reviviscence).
Outre les souvenirs traumatiques, d’autres caractéristiques
de la PEP peuvent pareillement faire intrusion dans
la PANP. Les exemples peuvent être : entendre la voix de la
PEP et subir des mouvements physiques intentionnels de la
sa part. La PANP redoute habituellement ces symptômes
pour plusieurs raisons : le manque de compréhension de
la nature de ces phénomènes, l’absence de contrôle sur
ceux-ci, leur association avec les souvenirs traumatiques,
leurs qualités spécifiques, telles que des pleurs ou une voix
agressive, ainsi que la nature des messages portés par cette
voix.
Bien que nous ayons désigné les intrusions comme des
symptômes positifs, le contenu de celles-ci peut se manifester
par des pertes et constituer des symptômes négatifs
(comme l’inhibition de certains mouvements) et des symptômes
positifs (comme la douleur), ou bien les deux. La
désactivation complète de la PANP, au moment de l’activation
de la PEP, peut également être décrite comme une
combinaison de deux symptômes éloignés, respectivement
positifs et négatifs.
8 STRESS ET TRAUMA 2006 ; 6 (3) : 000-000
E. NIJENHUIS ET AL. Épreuve 1 – 14/06/06
LA PEP EST CONSACRÉE À LA SURVIE
FACE À UNE MENACE GRAVE
Selon nous, la PEP et la PANP sont des systèmes mentaux,
et non pas des créations hasardeuses. Pourtant, de quelle
sorte de système mental s’agit-il ? Nous intéressant d’abord
aux PEP, nous avons observé que celles-ci mobilisent des
réactions défensives et émotionnelles face à une menace
liée au traumatisme, et auxquelles elles semblent fixées.
Chez toutes les espèces, la menace entraîne automatiquement
et inconditionnellement une réaction de défense qu’il
vaut mieux considérer comme un système complexe qui
s’est développé au cours de l’évolution. Ce système défensif
appartient à la catégorie de ce que Panksepp (11) a
dénommé “les systèmes d’exploitation émotionnels”, ou
plus simplement, les systèmes d’action. Parmi les exemples
de systèmes d’action, on trouve ceux qui contrôlent
l’attachement de la progéniture aux parents, l’attention
des parents pour leur progéniture, l’exploration et le jeu.
Certains systèmes sont en place à un stade précoce du
développement (exemple : la défense contre la menace),
tandis que d’autres se développent plus tardivement (exemple
: la reproduction).
Panksepp avance que les systèmes d’action sont innés,
autoorganisés, autostabilisants et contenus dans le cadre
de limites temporelles et de processus homéostatiques.
Selon ses propres termes : “De nombreux systèmes cérébraux
archaïques et évolutifs partagés par tous les mammifères servent encore
de fondation aux tendances affectives profondes dont l’esprit humain
fait l’expérience” (11 : 4). La neuroscience des affects pose
en prémisse majeure qu’il existe des systèmes neuronaux
multiples qui déterminent un ensemble limité de tendances
émotionnelles discrètes. C’est-à-dire que les processus
émotionnels fondamentaux procèdent de systèmes neurobiologiques
distincts reflétant des processus intégratifs
cohérents du système nerveux, dont la fonction primordiale
est de coordonner de nombreux processus physiologiques
et comportementaux dans le corps et dans l’esprit.
Ces systèmes d’action peuvent être considérés comme des
“opérants” évolutifs :
– en tant que systèmes neuronaux, ils ont des rôles supérieurs
dans une succession de contrôles hiérarchiquement
ordonnés. En ce sens ils sont “exécutifs” ;
– ce sont également des systèmes de “commande” car un
circuit peut déclencher un processus émotionnel complet ;
– ce sont enfin des systèmes d’“exploitation” car ils peuvent
coordonner et synchroniser les opérations de plusieurs
sous-systèmes.
Tandis que la nature fournit au cerveau une variété de
potentiels intrinsèques, c’est la manière dont l’individu est
élevé qui génère les opportunités permettant leur actualisation
sous des formes très variées dans la vie réelle. Tout ce
que nous voyons est épigénétique, c’est-à-dire un mélange
de nature et d’éducation. Les tissus du cerveau créent le
potentiel pour certaines expériences et pour la production
de certains comportements, mais les expériences, et particulièrement
les expériences précoces, peuvent modifier
définitivement des détails très fins du cerveau.
Selon Panksepp (11), l’essence affective de “l’émotionnalité”
est sous-corticale et organisée de façon précognitive, et
chacun des systèmes émotionnels implique dans le cerveau
des schémas spécifiques d’activation de réseaux neuronaux
et une activité neurochimique correspondante leur est associée.
Les systèmes d’action sont fonctionnels car ils activent
différents types de sensations affectives permettant à
l’animal et à l’être humain de déterminer si les événements
qu’ils rencontrent dans le monde sont biologiquement utiles
ou bien nocifs. Cette discrimination permet de générer
ensuite des réponses adaptées à de nombreux contextes
menaçants.
Les deux schémas comportementaux fondamentaux impliqués
dans les systèmes émotionnels sont l’approche et
l’évitement. Bien que leur résultat comportemental soit
déclenché inconditionnellement par des signaux appropriés,
l’approche et l’évitement sont, dans certaines limites,
adaptables aux conditions environnementales prédominantes
et non pas des réponses immuables. Par exemple,
la fuite n’implique pas seulement de courir en s’éloignant
de la menace, mais de courir d’une façon qui soit adaptée
à la situation du moment en termes de forme, de direction
et de durée.
Ces systèmes fonctionnels se manifestent comme des
schémas d’activation qui impliquent des variables comme
la conscience sensorielle, les biais perceptifs, la tonalité
et la régulation émotionnelles, les processus mnésiques,
les modèles mentaux, les schémas de réponses comportementales
(78), ainsi que, chez les humains (et peut-être
chez certains primates), un sens de soi. Ainsi, la menace en
tant que configuration de stimuli inconditionnés n’entraîne
pas une réponse “inconditionnelle” unique, mais une série
intégrée de réponses psychobiologiques. En outre, la défense
comme système ordonné consiste en plusieurs soussystèmes
subordonnés (ou sous-systèmes), chacun contrôlant
un schéma de réactions psychobiologiques adaptées
au degré particulier d’imminence du danger (13). Ce degré
est exprimé en termes de temps et d’espace qui séparent
le sujet de la menace (i.e., la distance entre le prédateur
et la proie), ainsi qu’en termes d’évaluation des capacités
défensives du sujet (exemple : l’influence psychosociale du
sujet, sa force physique).
Le système de défense “prérencontre” (où le mot “rencontre”
signifie la rencontre avec une menace vitale, donc
une rencontre dans le sens d’une attaque à la vie ou d’une
imminence de la mort) implique un état d’appréhension
STRESS ET TRAUMA 2006 ; 6 (3) : 000-000 9
Épreuve 1 – 14/06/06 DISSOCIATION ET TRAUMA
associé à une vigilance accrue, à l’interruption des comportements
non motivés par un danger et à un rétrécissement
du champ de conscience autour de la menace
vitale potentielle. Le système de défense “post-rencontre”
inclut plusieurs sous-systèmes : la fuite et les sous-systèmes
“péri-rencontre ou péri-attaque” (où “péri” signifie
“pendant”), le gel avec les phénomènes associés d’analgésie
et d’anesthésie, la réponse de sursaut potentialisée
et le combat. La défense “post-attaque” implique une
soumission totale. Une fois la survie réalisée, un soussystème
de récupération est activé. Ce sous-système permet
un retour à une conscience affective et aux sensations
corporelles (parmi lesquelles la douleur), ce qui motive
le comportement de soin de la blessure et la recherche
du repos par l’isolement social et le sommeil. Au moment
du rétablissement se produira une réactivation des
(sous-)systèmes qui contrôlent les intérêts
de la vie courante non liés à une menace,
comme la consommation de nourriture,
la reproduction et l’attention portée à la
progéniture.
Dans le cas de “dissociation structurelle
primaire”, caractéristique de l’état de
stress aigu et de l’ESPT, la PEP est une
manifestation du système de défense. Cependant, comme
le montrent certains cas d’ESPT complexes, également
appelés trouble de stress extrême, et des cas de trouble
dissociatif non spécifié (DDNOS) (1), la PEP peut également
être structurellement dissociée à l’intérieur d’ellemême.
Nous avons dénommé ce phénomène la “dissociation
structurelle secondaire”. Dans cette perspective,
cet état est une manifestation de sous-systèmes défensifs
non-intégrés et d’autres systèmes d’action. L’échec intégratif
est lié à un degré de traumatisation plus grave que
les types de traumatisme associé à un ESPT simple. Nos
observations cliniques montrent par exemple que certaines
PEP enfantines manifestent de façon caractéristique le
phénomène d’immobilisation et d’analgésie, d’autres PEP
ont plutôt tendance à opposer une résistance physique à
la menace, à ressentir de la colère, tandis que d’autres
encore se soumettent totalement à celle-ci et présentent
un état d’anesthésie profonde. Cette menace réside dans
la réexpérience de souvenirs traumatiques de maltraitance
infantile sévère et chronique, ou dans les réponses à des
signaux qui rappellent fortement ces événements remémorés.
Explorant les racines des symptômes et des systèmes émotionnels
dissociatifs, Nijenhuis et al. (79) ont établi un parallèle
entre les divers sous-systèmes de défense et de récupération
observés chez les animaux – systèmes stimulés face
à l’imminence de la prédation et face à la blessure – et les
réponses dissociatives somatoformes typiques décrites par
les patients souffrant de troubles dissociatifs. Leur étude de
données empiriques et les observations cliniques suggèrent
l’existence de similarités chez l’homme et l’animal entre
les perturbations des schémas normaux d’alimentation et
d’autres comportements normaux face à une menace diffuse
: gel et immobilisation lorsqu’une grave menace se
matérialise ; analgésie et anesthésie quand le coup est prêt
d’être porté ; douleur aiguë quand la menace a disparu et
que l’enjeu est la récupération.
Dans une première étude, Nijenhuis et al. (58) ont testé cette
hypothèse d’une similarité entre les réactions de défense
de l’animal et certains symptômes dissociatifs de patients
rapportant des traumatismes. 12 groupes de symptômes
somatoformes observés cliniquement et constituant
des phénomènes dissociatifs ont été isolés. Dans tous les
groupes, les patients qui avaient des troubles dissociatifs
étaient bien différenciés des patients qui
avaient d’autres diagnostics psychiatriques.
Les symptômes qui exprimaient
la similarité que l’on cherchait à étudier
(immobilisation-anesthésie-analgésie et
trouble du comportement alimentaire) appartenaient
aux cinq symptômes les plus
caractéristiques des patients présentant un
trouble dissociatif. L’anesthésie-analgésie,
les douleurs uro-génitales et les groupes de symptômes
d’immobilisation concouraient indépendamment à l’existence
prédite de trouble dissociatif.
À partir d’un autre échantillon indépendant, il est apparu,
après contrôle de la variable du niveau de gravité du symptôme,
que l’analgésie-anesthésie était le meilleur prédicteur
d’un trouble dissociatif. Les groupes de symptômes indiqués
qualifiaient correctement 94 % des cas de l’échantillon
original, et 96 % du second échantillon indépendant.
Ces résultats concordaient largement avec l’hypothèse de
la similarité (entre les réactions de défenses de l’animal
et certains symptômes dissociatifs de patients dissociatifs
rapportant des traumas).
Nijenhuis et al. ont également mis en évidence qu’une dissociation
somatoforme sévère, mesurée par le Questionnaire
de dissociation somatoforme (SDQ-20) (57), avait plus de
probabilité d’apparaître en cas de menace de l’intégrité
corporelle si ceux-ci concernaient des cas de violence physique
dans l’enfance et d’abus sexuel. La corrélation particulièrement
forte entre le SDQ-20 (qui inclut de nombreux
items évaluant l’anesthésie, l’analgésie, les inhibitions
motrices) et la violence physique subie a également été
retrouvée dans d’autres groupes de sujets : des sujets normaux
(80) ; des patientes souffrant de douleurs pelviennes
chroniques (81) ; des femmes rapportant des abus sexuels
dans l’enfance (43) ; des patients psychiatriques flamands,
néerlandais (82) et nord-américains (83) ; et des patients
ougandais (84) souffrant de trouble dissociatif.
L’analgésieanesthésie
serait
un bon prédicteur
de trouble dissociatif
Quel est le bon terme ?
10 STRESS ET TRAUMA 2006 ; 6 (3) : 000-000
E. NIJENHUIS ET AL. Épreuve 1 – 14/06/06
Nous discuterons plus loin de la recherche expérimentale
récente qui suggère, comme le prédit le modèle présent,
que les réactions de défense apparentées à celles de l’animal
caractérisent la PEP mais pas la PANP. Les recherches
à venir sur la dissociation structurelle secondaire devront
élucider la question de savoir si les divers sous-types de
PEP partagent des caractéristiques similaires à celles des
sous-systèmes défensifs des animaux.
La PEP peut se fragmenter en plusieurs PEP qui servent
différentes fonctions défensives. Nous proposons de dénommer
ce phénomène “dissociation structurelle secondaire
séquentielle”, ou “dissociation séquentielle”. La
fragmentation peut également se faire entre une PEP observatrice
et une PEP dans l’expérience, ce que l’on peut
appeler la “dissociation structurelle secondaire parallèle”,
ou “dissociation parallèle”. Dans ce cas, la PEP observatrice
est subjectivement en dehors du corps et regarde la PEP
qui vit l’expérience à distance. Pour compliquer encore
les choses, dans les cas de troubles dissociatifs complexes,
certaines PEP peuvent représenter des combinaisons de
dissociation séquentielle et parallèle.
LA PANP EST CONSACRÉE
À LA GESTION DE LA VIE QUOTIDIENNE
ET À LA SURVIE DE L’ESPÈCE
Les observations cliniques suggèrent que les PEP sont
essentiellement consacrées à des fonctions orientées vers
la survie de l’individu lorsqu’il est exposé à une menace
majeure, alors que les fonctions de la PANP visent à réaliser
les tâches nécessaires à la vie quotidienne et à la
survie de l’espèce. Comme pour les fonctions défensives,
la gestion de la vie quotidienne et les fonctions associées à
la survie de l’espèce sont également contrôlées par des systèmes
émotionnels spécifiques (11). Ces systèmes incluent
l’exploration de l’environnement, la gestion des niveaux
d’énergie à travers le repos, le sommeil, l’alimentation
et l’hydratation, la coopération interpersonnelle et la reproduction.
L’attachement à la progéniture appartient à l’éventail des
fonctions visant la survie de l’espèce. En PANP, certains patients
exécutent cette fonction avec une grande conviction,
mais d’autres peuvent échouer à personnifier suffisamment
l’expérience d’être parent, ou perdent le contact avec leur
corps. Ainsi, certains patients traumatisés, qui en PANP
vivent une dépersonnalisation importante, exécutent les
tâches liées aux soins de l’enfant de manière “technique” ;
ainsi, la PANP d’une patiente TDI qui se considérait comme
la mère de l’enfant présentait une anesthésie corporelle
généralisée : à cause du manque de feed-back corporel, elle
touchait son bébé de façon brusque lorsqu’elle le séchait
après le bain, pendant l’habillage, etc.
La PEP et la PANP peuvent être attachées aux parents
naturels ou substitutifs. Le traumatisme infligé par un autre
être humain, et particulièrement celui qui est imposé par
les personnes ayant la charge de l’enfant, affecte gravement
le processus d’attachement. Lorsque le traumatisme infligé
par les personnes qui s’occupent de l’enfant se produit
à un stade précoce, un style d’attachement particulier se
développe fréquemment. On parle d’attachement “désorganisé/
désorienté” (85-87). Environ 15 % des nourrissons de
familles de classe moyenne normales développent ce style
d’attachement, mais, dans le cas de mauvais traitements,
la prévalence de ce style peut être multipliée par trois (88).
Un comportement parental effrayant préfigure également
le développement d’un attachement désorganisé chez l’enfant
(89). En outre, des recherches prospectives longitudinales
ont fait apparaître quatre facteurs prédictifs de dissociation
pendant plusieurs stades développementaux, et cela
jusqu’à la fin de l’adolescence : précocité de l’attachement
évitant et désorganisé, âge de début, chronicité et gravité
des maltraitances subies (59).
Selon nous, l’attachement désorganisé peut être limité car
il implique l’activation simultanée et proximale du système
d’attachement et du système de défense. En particulier,
lorsque les figures d’attachement primaires sont la source
de la menace, les enfants traumatisés sont pris dans un
dilemme diabolique : les individus auprès desquels ils devraient
pouvoir trouver sécurité et refuge en cas de menace
constituent en fait la source du danger. Lorsqu’un enfant
est éloigné des figures d’attachement, le système d’attachement
stimule un comportement d’approche mentale
et comportementale. Cependant, approcher une figure
d’attachement qui se montre négligente, maltraitante ou
autrement effrayante, présente un haut degré de danger,
et entraîne donc l’activation d’une série de sous-systèmes
défensifs (fuite, combat, immobilisation, soumission).
Le conflit entre l’approche et l’évitement – que l’enfant
ne peut de toute façon pas résoudre – favorise une dissociation
structurelle entre le système d’attachement selon
Panksepp (11) et le système de défense (13). Dans les
cas de dissociation structurelle primaire, la PANP pourra
être attachée aux figures parentales négligentes et maltraitantes,
et en même temps éviter ou se dissocier plus ou
moins de la PEP qui représente le système de défense et
qui contient les souvenirs traumatiques de violence et de
négligence. Il peut arriver également que la PANP manifeste
un attachement évitant, et que la PEP soit “dissociée
secondairement” entre une PEP représentant le système
d’attachement (i.e. la personnalité enfantine qui aime le parent
maltraitant, la personnalité qui désire un attachement
à un thérapeute “plus fort et plus sage”, etc.), et une autre
PEP représentant le système de défense. Les parties dissociatives
de la personnalité qui évitent d’accéder au besoin
d’attachement manifestent une “phobie de l’attachement”,
STRESS ET TRAUMA 2006 ; 6 (3) : 000-000 11
Épreuve 1 – 14/06/06 DISSOCIATION ET TRAUMA
et les parties dissociatives consacrées à la satisfaction des
besoins d’attachement manifestent une “phobie de la perte
émotionnelle”.
Tout comme la PEP, la PANP peut également être fragmentée.
Nous avons dénommé ce phénomène “dissociation
structurelle tertiaire” (2). La dissociation structurelle
tertiaire qui caractérise le TDI ne se produit pas pendant le
traumatisme. Elle apparaît plutôt lorsque certains aspects
inévitables de la vie quotidienne viennent à être associés à
un traumatisme passé, i.e. lorsque ces aspects sont devenus
des stimuli conditionnés qui tendent à réactiver les souvenirs
traumatiques. Voici un exemple chez une patiente
TDI abusée sexuellement pendant l’enfance : lorsqu’elle
fut enceinte et que son état nécessita un examen prénatal
par un obstétricien, elle développa une nouvelle PAN
capable de tolérer l’examen physique sans intrusion des
souvenirs traumatiques (10).
INTÉGRATION
DE LA PANP ET DE LA PEP
Certains systèmes émotionnels peuvent être certainement
plus facilement intégrés que d’autres.
Selon Panksepp (11), des feed-back multiples internes
aux systèmes émotionnels et entre ceux-ci facilitent
la synthèse des composants d’un système (exemple : perceptions,
comportements, sens de soi) et l’intégration des
systèmes entre eux. Cependant, l’intégration de systèmes
émotionnels, impliquant des fonctions très différentes et
plutôt exclusives les unes des autres, est certainement une
opération mentale bien plus difficile que l’intégration des
composants d’un système émotionnel particulier et de
systèmes fonctionnellement reliés. Selon cette hypothèse,
l’intégration des systèmes consacrés à la vie courante et à
la survie de l’espèce (PANP) et des systèmes liés à la survie
de l’individu face à une menace (PEP) sera plus facilement
mise en échec après un stress traumatique que l’intégration
de sous-systèmes de ces deux systèmes complexes ou entre
des composants de ces sous-systèmes. Dans cette perspective,
la dissociation structurelle entre la PANP et la PEP
représente le type d’échec intégratif fondamental lors de
la survenue du traumatisme. C’est ainsi que la dissociation
structurelle primaire concerne le trouble mental le plus
simple lié au traumatisme : l’ESPT simple.
Quand les niveaux de stress augmentent, l’intégration des
sous-systèmes de défense peut également être compromise,
entraînant ainsi une dissociation structurelle secondaire,
i.e. la fragmentation de la PEP. Nous avons fait l’hypothèse
que cet état caractérise l’ESPT complexe (90), connu également
sous le nom de trouble de stress extrême (disorders
of extreme stress) (1), et les troubles dissociatifs non spécifiés
(DDNOS) (1). Dans les cas de traumatisation extrême,
même les systèmes d’intégration consacrés à la gestion de
la vie quotidienne et à la survie de l’espèce peuvent être
inaccessibles, entraînant alors une dissociation structurelle
tertiaire.
CONCLUSION
Nous avons présenté dans cet article un modèle
pour tenter de comprendre la dissociation liée au
traumatisme. Dans ce contexte, le terme de dissociation
a été caractérisé de plusieurs façons. En tant que
processus, la dissociation a été décrite comme un échec
de la synthèse et de la personnification et présentification
d’expériences terrifiantes. Dans la phase aiguë, cet échec se
manifeste par des symptômes dissociatifs péritraumatiques
psychologiques et somatoformes et, après le traumatisme,
par des symptômes dissociatifs courants. Notre modèle, qui
est plus compliqué que ce qui pouvait être expliqué ici sur
ces quelques pages – voir (9, 16) – soutient que cette coupure
du système d’action par les processus dissociatifs, qui
aboutit à la personnalité préexistante, ne se fait pas au hasard
mais qu’elle s’effectue plutôt en suivant les minuscules
failles métaphoriques existant par nature entre les systèmes
et les sous-systèmes d’action. Ces systèmes sont conçus
comme des systèmes d’action évolutifs, servant des fonctions
essentielles : la survie de l’individu face à une menace
majeure, la survie de l’espèce et la réalisation des fonctions
de la vie quotidienne. Dans ce contexte, trois niveaux de
dissociation structurelle ont été proposés pour délimiter
l’étendue des troubles liés au traumatisme : 1) l’ESPT
simple ; 2) l’ESPT complexe, l’état de stress extrême et
le DDNOS ; et 3) le TDI. Selon le modèle proposé, ces
troubles variés peuvent être placés sur un continuum de
complexité de la dissociation structurelle. Dans cette perspective,
le TDI n’est pas une manifestation de la suggestion
ou d’un jeu de rôles comme le pensent certains auteurs,
mais une position extrême sur le continuum des troubles
mentaux liés au traumatisme. Cependant, ce modèle affirme
également qu’une élaboration
Quand est-il pour un enfant qui souffre de symptômes directement liés au fait qu’un des parents a souffert d’intoxications psychiques et par la suite des problèmes psychiatriques sérieux ? Ce traitement est-il aussi adapté ?
bonjour,
je suis une maman très inquiète, ma fille chérine est hospitalisée depuis longtemps dans une clinique. Elle souffre de dépersonnalisation, pathologie qu ils ont trouvé il y a très peu de temps. Son psychiatre m’a dit dernièrement que ma fille restera malade toute sa vie et que je ne me fasse pas d’illusion. J’ai découvert par hasard cette méthode EMDR en pianotant sur internet car je ne veux pas me résoudre à cette fatalité. Elle a 29 ans,elle est très belle, a une petite fille de 2 ans 1/2 dont elle ne peut pas s’occuper. Son petit ami le père de Jade s’est suicidé il y 1 an et on vit tous une très grande souffrance.
Je ne sait pas si cette méthode est efficace, mais en tout cas cela me donne de l’éspoir.
comment trouver un professionnel qui pratique cette thérapie à Paris ou dans le 93 vers Livry Gargan.
j’en ai trouvé qui pratique mais la scéance à 190 € comment cela est possible
y a t il une association ou l’on peut rencontrer des personnes souffrant de la même pathologie que ma fille dépersonnalisation déréalisation
svp aidez moi
une maman déchirée par la douleur
merci par avance