“Une logique de l’anorexie mentale” d’après Servais, revue internationale systémique vol 7/93/04 et D’après Roques conférence 2005.
L’anorexie mentale est ici analysée comme une affection systémique. Cela nous amène à une différence d’approche entre le courant psychanalytique.
Il existe plusieurs modèles de l’anorexie mentale. Citons l’addiction au jeûne qui retrouve une explication endocrinienne (Jeamet), les modèles psychanalytiques (Kestemberg), éthologiques (Demaret)et l’approche Batesonienne caractérisée par :
_*1) La forme. Elle veut rendre le comportement de l’anorexique cohérent et compréhensible ; Le contexte sera décrit d’un point de vue théorique et phénoménologique. _*2) L’épistémologie systémique prévoit qu’aucun des facteurs intervenant dans la mise en place n’a de valeur causale en lui-même, ils se combinent et interagissent pour déboucher sur une structure source d’un processus que l’on peut qualifier d’auto-générateur _*3) L’événement crucial est le passage d’un régime alimentaire normal à cette détermination farouche qu’est l’anorexie mentale. Les anorexiques se ressemblent beaucoup pour ce qui est des comportements observables, mais on n’a pas mis de structure de personnalité particulière en évidence. On a parlé de fragilité du moi sur la quelle l’adolescente agirait comme un traumatisme (Jeamet). Une structure familiale caractérisée par des liens très étroits qui dévalorisent l’individualisation.
Deux orientations se dégagent : — -Un mécanisme de régression phylogénétique ; ce serait la résurgence de comportements adaptatifs en cas de disette. Demaret trouve dans l’altruisme alimentaire et l’intérêt des anorexiques pour les enfants des comportements liés à la fonction de reproduction. La prédominance féminine devient compréhensible. Le confinement de l’anorexie aux sociétés occidentales s’explique par le manque d’enfants en bas âge, le corps de l’adolescente tient le rôle d’un leurre vers lequel sont dirigés les comportements normalement destinés à l’enfant. — -L’anorexie est un processus de transformation qui fait de ces jeunes filles au départ si différentes des anorexiques qui se ressemblent.
D’un point de vue épidémiologique l’anorexie débute comme un banal régime alimentaire peut-être dans un milieu où les préoccupations du contrôle du poids sont déjà présentes, donc dans des classes sociales moyennes et élevées. Le sentiment d’être grosse et l’insatisfaction de son corps sont devenus endémiques dans la population féminine
Ainsi parmi les nombreuses jeunes filles qui entament un régime quelques unes deviendront anorexiques lorsqu’un processus s’enclenchera. Il sera difficile à interrompre et conduira la jeune fille à ressembler au prototype de l’anorexique. On peut y voir aussi une plus grande vulnérabilité à la dépendance au jeûne et parler d’addiction au jeûne. On décrit trois phases : celle des restrictions difficiles, celle de l’euphorie et celle de la stagnation
1). LE PROCESSUS INTERACTIONNEL
Le moment décisif est le passage d’une restriction normale à l’anorexie. Parfois la jeune fille refuse de manger pour d’autres raisons, (pour éviter l’ambiance désagréable des repas familiaux), mais un déclic se produit et les restrictions prennent place dans un contexte qui leur donne un sens. Des règles, des normes préexistent sur le contrôle de soi, la représentation de soi, la pratique des régimes. La jeune fille a des croyances et des convictions sur la façon de se mettre en valeur, de s’assurer d’être quelqu’un de bien aux yeux des autres.
1.1 L’idéologie du contrôle de soi (Mackenzie) qui devient le contrôle de la nourriture. Cette capacité du contrôle de soi, dans nos sociétés très compétitives se montre par la minceur qui devient un gage de réussite. « Je peux me contrôler »
Mais il y a là deux erreurs qu’a relevé Bateson. La première est de croire ce contrôle possible. La distinction entre le « je » sujet et le « me » objet est relative. Les deux font parties du système « soi ». Or dans un système une partie ne peut jamais exercer un contrôle unilatéral sur l’ensemble du système. La seconde erreur consiste à attribuer à ce « je » une force, la force de la volonté. Cela entraîne une division du « soi ». Le « soi » étant identifié à sa volonté et tout ce qui n’est pas sa volonté est étranger, « non soi ». L’anorexique concrétise la division entre une volonté consciente qu’elle appelle « moi » et identifie à l’esprit, et un corps étranger et matériel qu’il faudra contrôler (le démon en nous). On retrouve cette conception dans les préceptes religieux et moraux de la société occidentale. L’anorexie ne peut pas se développer si ce modèle de division et d’opposition esprit / matière n’est pas présent.
L’adhésion à : « Je peux par la force de ma volonté contrôler ma personnalité entière » entraîne :
_*1) La volonté consciente entre en lutte contre une autre partie de la personne que l’on peut appeler le désir allié à la nourriture. Or le « Je » n’a aucun contrôle sur cette relation puisqu’il y est engagé comme protagoniste. Le « Je » qui lutte ne peut être en même temps celui qui contrôle. Il n’y a pas de « Je » qui lutte, il y a seulement une volonté qui lutte, le contrôle n’est qu’une illusion. _*2) Si la volonté échoue le sujet mange plus que prévu (l’orgie boulimique). L’anorexique n’interprète pas cet échec en termes de relation avec la nourriture mais comme un manque de volonté. Il lui faut donc reprendre le contrôle perdu ; elle continue à ignorer la relation à la nourriture dans la quelle la volonté est engagée qui l’empêche d’être ce « Je » qui contrôle.
1.2 Le contexte. La personnalité de la jeune fille, ses goûts sa manière d’être peuvent être variés et ne jouent qu’un rôle secondaire dans la suite des événements. Le contexte est en fait un ensemble de questions, de difficultés auxquelles les restrictions apportent une réponse simple et univoque ; L’estime de soi, les relations avec les parents, l’autonomie. On retrouve parfois une remarque, la goutte d’eau qui fait déborder le vase, mais le souci du poids et le sentiment d’être grosse apparaissent quand elle doit affronter une situation nouvelle. Aller camper, entrer à l’université…Peur de ne pas se faire des amis, de ne pas être assez athlétique…Privé de ses anciens soutiens familiers elle est parfois malheureuse et déprimée. Elle peut se croire obligée de faire quelque chose d’exceptionnel en ayant l’impression de ne pas y arriver ou bien elle ne sait plus quoi faire pour mériter l’estime de ses parents : Peur que ses comportements d’adolescente ne les déçoivent, peur de ne pas mériter leur amour, d’être trop gâtée, impression que les parents sont tristes de la voir grandir. Parfois garçon manqué toute son enfance elle ne sait pas comment se comporter en fille face aux invitations des garçons. Bruch trouve souvent une enfance de « robot obéissant ». C’est un manque d’affirmation de soi et d’estime de soi. Ado elle ne sait pas comment obtenir l’estime et l’approbation de l’entourage ; parents, professeurs, amis…Elle se sent perdue et se met à interpréter les paroles des uns et des autres comme des préceptes à suivre. Celle-là entend ses parents louer une amie qui a toujours le sourire aux lèvres. Elle décide de sourire tout le temps quels que soient ses sentiments. Mais un peu plus tard elle apprend qu’ils attachent beaucoup d’importance à l’honnêteté d’où une confusion. Cette autre se trouve devant une contradiction : Les parents louent à la fois le contrôle de soi et la spontanéité. Ou bien l’adolescente est autonome et indépendante mais elle ne sait pas comment on fait et si elle y arrive elle ne correspondra plus à l’image que ses parents se font d’elle, donc elle échoue et n’est pas quelqu’un de bien. Ou bien elle continue à tenter de se conformer à leur attente et ne manifeste aucune autonomie. Elle peut croire que la réponse se trouve dans la réalisation de quelque chose d’exceptionnel mais elle ne se sent pas à la hauteur
Donc la question devient : « Comment faire pour être quelqu’un de valable ? » alors qu’elle s’estime pas et se sent impuissante. « Lorsque vous êtes malheureuse et que vous ne savez pas comment réaliser quoique ce soit, le fait de contrôler votre corps devient l’exploit suprême. Vous faites de votre corps le royaume ou vous êtes le tyran, le dictateur absolu » (une anorexique). C’est aussi une façon de sortir du paradoxe ; En perdant du poids et en s’y tenant elle réalise quelque chose qu’elle a décidé seule en toute autonomie, en se conformant aux attentes des parents qui valorisent la force de caractère et la minceur. Chacune trouve dans la restriction des réponses à une série de problèmes qu’elle ne savait pas résoudre. Mais au lieu de les traiter un par un, de les évaluer à leur juste valeur, elle croit posséder un plan magistral pour tout régler d’un coup. Un plan qu’elle croit infaillible. Et au début ça marche.
On note un isolement social et une position de replis dans les mois qui précédent avec des modifications de l’humeur et du caractère : De souriante, active, disponible elle devient hostile, boudeuse, avec des accès de colère ou de dépression et un dégoût physique à la présence de ses parents. Mais tout semble rentrer dans l’ordre au moment où se déclenche la conduite anorexique. La future anorexique entame un régime pour perdre du poids, souvent à la suite d’une remarque qui l’a vexée mais on est dans un contexte qui lui donne un rôle d’emblée très important. Arriver à perdre du poids, « c’est ce qu’il faut faire » et c’est une véritable découverte pour elle. Elle dispose d’une réponse à la question de savoir comment il faut être : Il faut montrer qu’on est capable de se contrôler, d’être fort et autonome. Elle récupère l’approbation de ses ^parents qui voient leur fille « se prendre en main » et redevenir gaie. Elle découvre qu’elle a du pouvoir sur son corps, sur sa famille. Elle peut décider elle-même quelque chose de bien. Elle est quelqu’un d’exceptionnel, capable de se contenter de si peu. Elle a trouvé sa voie, sa manière d’être unique et respectée. Tout ça chez une jeune fille qui se sentait incapable de quoi que ce soit, paralysée par ses incertitudes, coincée entre l’exigence parentale d’être elle-même et son habitude de suivre des préceptes simples. Il n’y a donc pas de personnalité commune sous-jacente aux anorexiques. Différentes au début elles deviennent des anorexiques qui se ressemblent.
Une jeune fille qui entame un régime pour perdre du poids sait à quoi elle devrait ressembler pour être jolie et séduisante. Elle va chercher à se conformer à cette image. L’anorexique n’a pas cet objectif. Elle ne se préoccupe pas des garçons qu’elle juge puérils. Elle ne se préoccupe pas du poids qu’elle devrait avoir pour être belle. Souvent elle ne sait pas pourquoi elle a commencé son régime. Mais elle sait qu’elle ne veut pas arrêter. La jeune fille normale se met au régime difficilement et se réjouit que tout soit fini. Se contrôler est si pénible ! Ce qui intéresse l’anorexique c’est précisément de se contrôler et de perdre du poids. Les restrictions la rendent heureuse car elles suppriment toutes les difficultés.
2) LE PASSAGE A L’ANOREXIE : L’EUPHORIE
Bruch parle de changement radical au moment où elle fait du contrôle de soi sa nouvelle règle de vie, quand elle commence à tirer une grande fierté de sa maigreur. Il devient alors difficile de l’arrêter, c’est un processus auto entretenu, il s’auto génère.
— -A) Le concept d’apprentissage secondaire Il ne s’agit pas de l’apprentissage d’une réponse de niveau I de Bateson, mais de l’apprentissage d’une manière de découper un ensemble d’événements en séquences significatives ou de l’apprentissage de contexte qui se trouve à un niveau de logique différent. Un animal qui a appris à discriminer entre deux stimuli est progressivement exposé à des stimuli de plus en plus semblables. Il présente une névrose expérimentale, il a fait un apprentissage contextuel. Il continue à croire qu’il est dans un contexte de discrimination alors qu’il est devenu impossible de discriminer. Les renforts négatifs ou l’absence de renforts positifs ne lui donnent aucune indication sur les modifications du contexte car les renforts ne s’appliquent pas à une classe de réponses mais à l’une d’elle.
— -B) Le concept de niveaux logiques que Bateson a emprunté à Russell. L’idée est de distinguer formellement la classe, un ensemble d’éléments du membre d’une classe. Tout ce qui s’applique à une classe ne peut s’appliquer en même temps à un de ses membres et inversement sous peine d’engendrer un paradoxe. On ne peut pas avoir le même effet sur une classe de comportements que celui que l’on obtient en agissant sur un de ces comportements.
— -C) Le concept de but logique. Deux manières d’agir : L’une est guidée par un but conscient, l’autre par une orientation qui respecte les régulations d’un système complexe. Ce n’est pas le cas de la première Le but conscient est la conscience attachée au but. Si on considère le système complexe paysan + environnement avec lequel il est en interaction, et que son but conscient soit d’augmenter la surface cultivable, la perception qu’à cet individu de l’ensemble du système sera guidée par son but conscient. Il extraira des séquences à causalité linéaire qui ne respectent pas la structure du système. Il ne verra que les obstacles immédiats à son désir. Son action est guidée par les séquences retenues par sa perception. Il agit sur l’environnement comme si lui-même faisait partie de l’ensemble autorégulé, et comme si celui-ci n’était pas régulé par un réseau complexe de circuits en boucles, mais par une causalité linéaire On observe des changements qui isolent l’action guidée par le but conscient des éventuels processus auto-correcteurs qui pourraient provenir d’une autre partie du système. Des liens importants sont coupés avec des possibilités d’emballement. La suppression des haies perturbe l’irrigation et détruit l’habitat de bestioles, donc diminution des oiseaux et des rapaces avec augmentation des rongeurs, des insectes qui rendront nécessaires l’utilisation d’insecticides. Il y a emballement et une régulation à rétroactions positives s’installe et chacune des interventions correctrices guidées par le but conscient favorise cet emballement et aggrave l’isolement du système de l’ensemble des régulations préexistantes. L’adoption d’un but conscient entraîne une cécité à l’égard de la nature complexe et non linéaire des phénomènes.
— -D) Le concept de régulation par calibrage ou par rétroaction. Selon Bateson on trouve dans toute action complexe une alternance en zigzag entre ces deux modes de régulations. Mais elles ne se situent pas au même niveau logique. La première s’effectue sur ou à propos de l’acte lui-même. Si nous tirons au jugé nous ne pouvons nous améliorer que si nous évaluons les différences entre les tirs successifs. L’amélioration nécessitant un changement dans l’acte de tirer. Lorsque la régulation se fait par rétroaction comme dans l’acte de tirer à l’épaulé sur une cible nous pouvons corriger les écarts par rapport au centre de la cible à l’intérieur d’un seul acte de viser. Il n’est pas très utile de comparer les différents tirs. Dans un thermostat la température varie autour d’une valeur choisie, c’est une régulation par rétroaction. Si nous modifions la valeur choisie c’est une régulation par calibrage. Le processus anorexique comprend :
II.1 L’APPRENTISSAGE DECISIF
Un apprentissage secondaire se met en place à la faveur de la grande fierté qu’éprouve la jeune fille à montrer qu’elle est capable de se contrôler. — -Dans l’enfance elle a appris à être fière d’elle-même lorsqu’elle recevait des éloges de la part de son entourage. Or celui-ci approuve les premières restrictions et loue la force de caractère : Elle est donc sur le bon chemin. — -Sa fierté et son orgueil ne cessent de croître dans cette période d’euphorie où la maigreur atteste de sa force de caractère et d’un contrôle réussi. — -Cette fierté et cette satisfaction personnelle sont à la mesure de la détresse et du sentiment d’incapacité éprouvés avant la découverte du régime et agissent comme des renforcements positifs pour un apprentissage de contexte. Elle apprend que les situations qui lui permettent d’éprouver fierté et satisfaction sont celles où elle doit lutter contre son corps. On pourrait avoir : 1) Une demande du corps 2) Ne pas céder 3) La demande augmente 4) la détermination augmente proportionnellement 5) Le signal se tait, le corps se tait 6) L’anorexique a gagné, elle est très fière.
Kestemberg a observé que les anorexiques recherchent activement la faim. Il parle d’érotisme de la faim. Il est plus pragmatique de concevoir cela comme une recherche de contextes appropriés à l’exercice du contrôle de soi qui explique les comportements et les attitudes à l’égard du corps et de la nourriture. Elle garde au pied du lit des aliments auxquels elle pense et peut dire non. Elle prépare des plats alléchants et oblige l’entourage à manger pour le plaisir de les voir manger et la satisfaction de ne pas être comme eux. Elle sort en plein hiver sans manteau, se livre à des exercices physiques épuisants etc….Les réactions de l’entourage qui l’encourage désormais à manger installent un contexte de défi. Lorsque le corps ne demande rien les conditions nécessaires au contrôle de soi ne sont plus présentes et c’est lorsqu’elle n’a pas faim qu’elle risque de se laisser aller à manger plus que de coutume ou quelque chose qu’elle aime vraiment ce qui signalerait une perte du contrôle de soi. Il s’agit en fait de l’effet d’une relation symétrique entre elle et la nourriture où plus l’ennemi est fort et plus la détermination augmente.
Cet apprentissage du contexte de défi entraîne à rechercher des situations où il lui faut contrôler son corps, mesurer sa volonté à la force de la matière et regorger de fierté quand elle gagne. Les techniques de modifications du comportement qui agissent sur les réponses (niveau I) sont sans effets et servent en plus de renforcent le contexte de défi, où cette fois elle a à lutter contre tout un groupe de thérapeutes. L’échec, la perte du contrôle n’a non plus aucun effet sur cet apprentissage et renforce aussi le contexte de défi.
II.2 LE CONTROLE DE SOI DESIGNE UNE CATEGORIE.
L’adolescente s’est donné comme objectif de dominer son corps. Le contrôle ainsi défini est une abstraction, il désigne une classe de comportements, il peut s’appliquer à n’importe quel acte de la vie quotidienne. Il n’est pas défini dans le temps ni dans l’espace et n’est pas remis en question par les renforcements négatifs qui peuvent être associés aux actes ponctuels de contrôle. Elle ne peut pas ne pas se contrôler lorsqu’elle a adhéré à l’idéologie du contrôle de soi. Qu’elle réussisse ou qu’elle échoue dans chacun des défis qu’elle se lance, cela ne la dispense pas de continuer. La réussite n’est jamais que provisoire et le corps est ainsi fait que la fatigue et la faim reviennent chaque jour. L’échec engendre un sentiment d’impuissance, une chute de l’estime de soi se traduisant par un sentiment de honte. Or les restrictions au départ étaient la solution pour juguler ce sentiment d’impuissance. Le contrôle laisse place au malaise contre lequel il est censé lutter. Il se crée une boucle de rétroaction positive ou plus de contrôle entraîne la nécessité de recourir au contrôle
II.3 SE CONTROLER COMME BUT CONSCIENT
II.3.1 Les effets sur la perception
Prouver qu’elle est maîtresse d’elle-même est devenu un but conscient, un objectif en soi. Elle développe une cécité à toutes les conséquences de ses restrictions sauf celles qui font partie de la définition du contexte de défi (admiration de l’entourage). Elle devient insensible à son isolement progressif, à son affaiblissement physique et intellectuel, à son incompréhension du monde extérieur. Elle ne perçoit plus le monde qu’en fonction de son objectif en séquences à causalités linéaires simples. Le corps est un tortionnaire qui tente de la faire ployer. Il reste perçu comme bouffi et grassouillet. L’entourage est perçu comme cherchant à lui imposer des activités qu’elle n’a pas choisies et à la contrôler. Tout est classé en bon ou mauvais selon les liens avec la maigreur, l’ascétisme, et le contrôle. Le monde entier, le moindre événement est perçu comme des tentatives pour la faire échouer. Elle se prémunit en cachant son jeu. Elle adopte une attitude de prisonnier politique, elle dit « oui » même quand elle n’en croit pas un mot. Son appartenance à l’espèce humaine, à la terre, au monde biologique est une contrainte inhumaine, un obstacle à la libération de l’esprit qui passe par la domination du corps par l’esprit. Sa philosophie de vie est finalement proche de celle des ascètes qui cherchent par le jeûne à se libérer de leur enveloppe charnelle. Pendant la phase d’euphorie où la perte de poids signale la réussite l’anorexique est parfaitement heureuse et ne conçoit rien d’autre au monde.
II.3.2.Les effets de l’action guidée par le but conscient
Tout ce qui n’est structuré en défi, toutes les expériences non liées à l’objectif disparaissent du champ de la conscience. Les liens entre le contrôle et la vie émotionnelle disparaissent. Elle est donc privée de toutes les expériences correctrices qui pourraient lui apporter estime de soi et satisfactions en dehors du contrôle. Le jeu libre, la rêverie et l’humour sont toujours absents chez l’anorexique. Le contact avec des animaux, la nature, les relations où chacun est reconnu, partout où l’être humain reconnaît avec humilité sa place dans un système plus vaste sont des remèdes aux effets néfastes du but conscient, mais ils sont rarement concevables chez l’anorexique. Le piége se referme. L’apprentissage secondaire qui découpe les événements en contextes de défi, l’impossibilité de ne pas se contrôler et les effets de l’adoption du but conscient qui limite la perception à ce qui est lié au contrôle font du contrôle de soi un cadre contraignant duquel il est devenu impossible de sortir. La jeune fille est obligée de continuer poussée par quelque chose qui la dépasse. Tant que dure la phase d’euphorie, tant que sa maigreur grandissante l’emplit de fierté elle continue à croire que se contrôler est un choix délibéré.
II.4 DES RESTRICTIONS DE PLUS EN PLUS SEVERES UNE REGULATION PAR CALIBRAGES
Quand on entame un régime c’est pour perdre du poids. L’anorexique elle, ne s’arrête plus. Le contrôle lui est devenu nécessaire mais cela n’explique pas pourquoi elle doit en faire toujours plus. Elle pourrait se contenter de continuer à se contrôler pour rester à un poids qu’elle-même a choisi. Ce qui est caractéristique dans la phase d’euphorie, c’est l’augmentation progressive de la sévérité des restrictions Dans un régime normal le sujet s’arrête avec soulagement et sa régulation se fait par rétroaction à la suite de pesées régulières. La norme fixée dit qu’il me faut supprimer les sucres et me contenter d’une tranche de pain. Si le matin j’en prends la moitié d’une, j’aurais droit à l’autre moitié pour le soir. Si au bout de quelques jours je n’ai pas perdu assez, j’ai le choix entre continuer avec la même norme ou la changer pour me restreindre un peu plus. Changer la norme par rapport à laquelle j’évalue mon comportement alimentaire signifie modifier le calibrage. J’évalue l’ensemble de mon comportement alimentaire en fonction de l’objectif poursuivi. Si je deviens incapable de travailler je redéfinis la norme pour ne pas être handicapé dans la vie quotidienne. Dans le cas de l’anorexie, ce qui est exaltant ce sont les restrictions, c’est de découvrir qu’elle est capable de se contrôler mais surtout capable de modifier la norme comme elle veut. Elle a le pouvoir de modifier ses besoins, ses désirs, et ses goûts. Elle est fascinée par sa propre capacité à s’adapter à des normes de restrictions de plus en plus sévères. Elle en retire un sentiment de toute puissance qui l’amène à penser qu’elle peut vivre sans manger ; il suffit de s’y habituer. L’objectif n’est pas de perdre du poids mais de manger moins, toujours moins ce qui la fait vivre dans une euphorie grandissante tant que les restrictions deviennent de plus en plus sévères. Lorsqu’un nouveau record est établi il devient la norme à suivre. La régulation du comportement se fait par calibrage, et l’objectif est de modifier ce calibrage. A chaque pas dans la sévérité elle se sent meilleure. Tant qu’on peut faire moins, c’est bien. L’aménorrhée est accueillie avec bienveillance puisqu’elle atteste aussi de la capacité à se transformer. Il est difficile de lui faire admettre que c’est de la sous-alimentation. Pour elle c’est juste ce qu’il faut. Même réalimentée elle ne change pas ses convictions.
3) L’EVOLUTION
III.1 LA STAGNATION
Lorsqu’il devient difficile d’en faire encore plus, les satisfactions issues de la privation diminuent, elle peut prendre conscience du piège, du paradoxe dans lequel elle se trouve. Soit elle continue à se restreindre, mais elle obéit alors à quelque chose qui la dépasse, le système plus vaste dont elle fait partie, soit elle cesse et perd le contrôle. Dans les deux cas elle n’est plus le dieu tout puissant. A ce point, elle est plus prête à demander de l’aide. L’alternance boulimie-anorexie peut être lue comme une réponse à ce paradoxe. La boulimie c’est la capacité à ne pas se contrôler, l’anorexie la capacité de l’inverse. Même si les boulimies s’accompagnent d’états dépressifs il y a un sentiment de honte qui limite les possibilités thérapeutiques d’autant que l’anorexique a du mal à reconnaître son échec. D’autres anorexiques réussissent à maintenir un certain équilibre mais le bel enthousiasme a disparu
III.1.1 LES EFFETS SUR LA CONSCIENCE DE SOI
L’anorexique limite le soi à la volonté consciente toute puissante et considère comme ennemi et étranger tout le reste, y compris le corps. Ce corps étranger, la patiente peut l’abandonner après une longue lutte aux mains du personnel soignant, en fait elle s’en désintéresse. S’ils veulent s’en occuper, c’est leur affaire. Mais quand, à la sortie de l’hôpital elle a repris du poids, c’est finalement une aubaine puisqu’elle va pouvoir recommencer ses restrictions et revivre la phase euphorique.
Lorsque l’anorexique prend conscience du fait que la nécessité du contrôle la dépasse, la voie pour un dédoublement s’ouvre. Elle considère cette entité tyrannique qui l’oblige à continuer comme une autorité supérieure sur laquelle elle n’a pas de prise. Elle la situe à l’intérieur d’elle-même et l’appelle « le petit dictateur », « le grand inquisiteur ». A ce moment, le soi qui était tout entier dans la volonté consciente devient tantôt l’âme, tantôt le dictateur mais ce n’est plus grand-chose. Ce n’est ni la superbe volonté, ni le corps, ni les sensations et perceptions qui y sont liées. Le sentiment d’exister n’a plus de bases sur lesquelles s’appuyer. Elle ne sait plus du tout qui elle est.
III.1.2 LA RUPTURE DE NOMBREUX LIENS
L’action guidée par le but conscient amène à l’isolement progressif de l’ensemble du système constitué par cette action et ses effets du reste du système. Les liens entre le contrôle et le reste de la personnalité disparaissent. Les anorexiques finissent par se ressembler et deviennent de plus en plus stéréotypées et rigides, recourant en toute situation à la seule solution qu’elles connaissent : restrictions ou contrôle. C’est un refuge. Les liens avec le reste de la personnalité ou les autres manières d’être, les sentiments, appréhensions, joies, relations, etc., sont coupés. Elle est incapable de percevoir ses désirs ou ses sentiments. Elle n’a souvent pas d’opinion et ne sait pas ce qu’elle aimerait être. S’accrocher au mode de vie anorexique apparaît comme l’unique solution viable. La capacité a se duper soi-même sur ses propres perceptions et sensations, entraîne une perte de confiance dans les sensations ou les perceptions qui arrivent à sa conscience. En régulant son comportement alimentaire par calibrage, elle a appris qu’elle pouvait moduler ses désirs et ses besoins. Elle a perdu les repères permettant de distinguer ce qui est réel ou naturel de ce qu’elle s’est inventée ou obligée à croire. En fait cela lui évite la frustration ; elle ne décide d’avoir envie que de ce qu’elle peut obtenir. Elle peut même éprouver les sentiments qu’il faut éprouver à ce moment-là. Mais si on lui demande ce qu’elle aimerait ou ce qu’elle pense vraiment, elle n’en sait rien. Elle aimerait plutôt qu’on lui dise ce qu’elle doit en penser.
III.1.3 L’ISOLEMENT SOCIAL
Devenues incapables de décoder les messages venant des autres, l’anorexique se coupe de la vie sociale. Les situations sociales deviennent ingérables, elle ne connaît pas les règles et ne peut pas compter sur sa spontanéité. Elle se sent vite dépassée, inadaptée et seul reste l’orgueil d’être différente ou supérieure mais elle reste attachée à l’effet qu’elle produit sur les autres. Quand l’orgueil n’arrive plus à camoufler les sentiments d’impuissance et d’incapacité que la vie sociale induisent, elle trouve refuge dans le mode de vie anorexique.
La jeune fille est certes prisonnière de son mode de vie anorexique mais il lui sert surtout de refuge ; Priver une anorexique de ses comportements de privation et s’en tenir là est très dangereux. La plus part des suicides des anorexiques arrivent après la reprise du poids, alors que l’entourage croyait que tout allait mieux. Cela explique aussi pourquoi elles sont tellement récalcitrantes à la thérapie.
III.2 LA THERAPIE
Le défi que l’anorexique lance se traduit par : « Aidez-moi, mais surtout n’aidez pas mon corps ». Plus l’entourage s’occupe du corps et plus elle tente par ses restrictions de démontrer qu’il n’a aucune importance à ses yeux, qu’elle le traîne avec elle. Dés que le thérapeute se préoccupe du corps, il est classé parmi les ennemis. L’anorexique est incapable dans un premier temps d’exprimer la moindre demande. Elle ne sait pas ce qu’elle veut, elle ne sait pas ce qui ne va pas. Des questions prudentes sur le sentiment d’impuissance et d’incapacité au sujet des relations familiales permettent de faire comprendre que le poids n’est pas le problème principal.
III.2.1 SORTIR DU CONTROLE.
Il n’est pas possible d’y mettre fin en s’y opposant. Pour écarter cette habitude de tout percevoir en contextes de défis il faut recréer autre chose. Le contrôle s’applique à toutes les situations.
III.2.2 RESPECTER LES REGLES D’UN SYSTEME COMPLEXE.
Il est impossible de faire cesser directement le contrôle puisqu’il s’applique à une classe de comportements (tout comme il est difficile d’empêcher des enfants de jouer quand notre intervention est prise comme une partie du jeu). Il semble plus intéressant de recréer les régulations naturelles du système, c’est-à-dire les liens avec le reste de la personnalité. Ces liens lui permettront de vivre des expériences extérieures au contexte du contrôle, lesquelles serviront de ferment pour d’autres expériences. Bruch essayait d’obtenir un désir ou un sentiment récent que l’anorexique aurait éprouvé vraiment. C’est parfois pour elle une véritable découverte. Recréer des liens avec le corps est plus délicat. Le thérapeute est là pour aider la patiente à saisir toutes les opportunités, pour lui donner la force et la confiance d’affronter un monde devenu étranger. Il cherche à mettre à jour les moindres fragments de la vie qui ont échappé au contrôle espérant remettre en marche des régulations oubliées, rétablir des relations se concrétisant par des attitudes et des comportements nouveaux, et l’amener à concevoir et à expérimenter d’autres manières d’être satisfaite de soi que le contrôle.
III.2.3 LE RENONCEMENT AU CONTROLE
Il s’agit des expériences correctrices du but conscient dont parlait Bateson : la relation avec un être humain, un animal, la nature, une expérience esthétique….Le plus souvent elles ne sont pas accessible à l’anorexique. Pourtant accepter de faire partie « d’un grand tout », un ensemble qui la dépasse, dont elle fait partie mais qu’elle ne peut contrôler pourrait la ramener vers un ensemble de croyances plus correctes que nous avons tous sur le monde. Cela pourrait être aussi une manière de donner un sens à sa perte de contrôle et à l’accepter.
Selvini parla ainsi à Léna anorexique : « La vie et la mort, la floraison et la flétrissure, la génération et la putréfaction sont des aspects de la vie, de l’existence. L’épanouissement d’une fleur, la maturation du fruit sont le point de départ de leur dépérissement futur. Mais c’est précisément parce qu’elle possède la putréfaction qu’une fleur est si belle. Il faut prendre la condition humaine comme elle est. Nous devons avoir le courage d’arriver à pleine maturité et d’apprendre à vivre avec notre mort » Interprétation de Sheila MacLeod : « L’anorexique veut entendre ou à besoin de se faire confirmer qu’elle fait partie de la nature et qu’elle ne fait qu’un avec son corps. Ce corps qui inclut l’esprit est ce qu’il est et fait ce qu’il fait ; on ne peut séparer ses caractères physiques ni son fonctionnement en catégories acceptables et non acceptables. Il est ce qu’elle sait inconsciemment mais ne peut sentir. Il est ce qu’elle a perdu. »
La position de Jacques Roques à propos de l’anorexie mentale
Roques aborde l’anorexie sous l’angle de la dissociation. Il distingue :
_*1) la dissociation du premier niveau : — *PAN : La personnalité apparemment normale, C’est une partie qui veut vivre — * PE : Personnalité émotionnelle. Elle est déclenchée par le traumatisme. Sa solution logique est l’anéantissement du sujet (solution cognitive). C’est la partie qui implique la mort. La partie émotionnelle ne pouvant être vécue, la vie permet un deuxième niveau de dissociation ente le « Je » et le « Moi » qu’on appellera clivage. Les deux courants se conjuguent pour donner le symptôme anorectique.
_*2) La dissociation du deuxième niveau : — * Le « Je » est la partie gagnante. Elle est active. Elle commande. Elle s’appuie sur un idéal défensif. Son allure est surmoïque — * Le « Moi » est la partie qui subit et éprouve ; Le corps la représente parfaitement
_*3) Le clivage du Moi : « Je me hais » — « Je »est le sujet du verbe d’action ou d’état (je suis, je fais) Il situe un lieu, celui d’où la parole arrive — « Hait »La troisième personne du singulier fait ressortir la dissociation, — « Moi » est l’objet du « Je ». Il est mis en place de la partie observable et définissable du soi. Le corps se qualités et ses attributs en sont une des représentations premières.
Il distingue encore deux types d’anorexie : Restrictif, s’il n’y a pas d’épisodes boulimiques durant l’accès anorectique, ni vomissements, ni purgatifs. Non restrictif si des épisodes boulimiques et / ou des vomissements et / ou des purgatifs sont présents.
Boulimie et anorexie correspondent à des mécanismes de régression orale : La boulimie est le niveau de défense passive (il n’y a pas de contrôle) ; L’anorexie marque la reprise d’un contrôle absolu de tout ce qui rentre et de tout ce qui sort.
Les buts principaux de la défense anorectique : Echapper à l’angoisse d’effondrement narcissique. Contrôler absolument la pulsion en contrôlant ce qui rentre et ce qui sort du corps. Maîtriser l’image de soi. Les buts secondaires sont narcissiques (être un sujet unique, épouvantablement beau par sa maigreur, être important aux yeux des gens.) ou objectaux (établir un autre type de relation avec autrui, se protéger d’éventuels partenaires sexuels, érotisation du manque et des comportements)
Les satisfactions de l’anorectique sont narcissiques (revalorisation de l’estime de soi en fonction des résultats obtenus et attirer le regard de autres) et objectales (éprouvés physiques, constations des progrès de l’amaigrissement)
Les effets des traumatismes psychiques : — * Sensoriels ; le temps est arrêté, perception de l’élément encodé comme au premier jour — * Cognitif ; L’intégration autonoétique du traumatisme implique une solutions&mantique : « Je suis mort, je ne vaux rien, c’est de ma faute etc. » — * Emotionnel ; une réponse émotionnelle incontrôlée apparaît : terreur, tristesse, désespoir, colère. — * Corporel ; sensations physiques reliées à l’événement et aux émotions.
Pour Conclure, quelques réflexions
Il n’existe pas qu’un seul modèle valable ou supérieur aux autres (Fisch) en matière de psychothérapie. On peut juste souligner que Roques était bien prés de passer d’une approche monadique de l’anorexie d’inspiration psychanalytique à une approche diadique. En fait il n’y a pas tant de divergence qu’on pourrait le penser au premier abord. Je crois tout simplement qu’on ne parle pas de tout à fait de la même chose. Roques évoque le cas des anorexiques gravement atteintes, où le clivage de la personnalité domine le tableau clinique. Mais ce n’est pas toujours le cas. Actuellement je suis une anorexique qui est de poids correct et qui vient parce qu’elle se rend compte qu’elle ne peut pas s’empêcher de tout contrôler. Elle contrôle bien sûr ce qu’elle mange, il faut que ce soit de bons aliments et elle veut rester au poids qui est le sien, mais elle contrôle aussi tous les autres secteurs de la vie et elle se rend compte que ce n’est pas normal même si elle n’en éprouve que peu de souffrance. Elle ne ressent pas grand-chose, elle n’exprime ni sensations ni sentiments. On retrouve cette sorte d’insensibilité qui fait partie du mode de penser de l’anorexique. Elle contrôle ce que mange son petit ami, il ne faut pas qu’il maigrisse et qu’il ne mange pas ce qu’elle lui prépare. Elle contrôle leur relations sexuelles parce que ça la perturbe dans sa planification du temps réservé au sommeil ou au travail. Elle ne les refuse pour ce qu’elles sont mais par peur de perdre le contrôle sur son ami.
Pour mémoire : La définition synchronique du système dérivée de la théorie des groupes d’Evariste Gallois dit que le système est un ensemble formé des éléments, de leurs attributs propres, et des relations qui les unissent et qui maintiennent le système en place. Le temps et l’espace faisant parties du système. Lorsqu’on se penche sur l’anorexie on peut envisager plusieurs systèmes : Le « Soi » de la patiente composé du « Je » et du « Moi » dans une approche constructiviste où le thérapeute reste en dehors du système étudié. Il en va de même avec les systèmes formés par l’anorectique et sa famille etc. Lorsqu’on aborde la thérapie forcément on passe à un constructivisme beaucoup plus radical puisque, là plus que partout ailleurs, le thérapeute est inclus dans le système. Nous avons vu qu’a priori il fait partie des ennemis, de ceux qui veulent s’occuper de son corps. Les renforcements positifs amènent des changements de type I qui ne modifient pas la structure du système. Dans le groupe des nombres réels la multiplication retombe toujours sur un nombre réel. Le système ne peut évoluer, modifier ses règles de fonctionnement que par l’action de renforcements négatifs qui cassent l’équilibre homéostasique, ou l’ajout d’une règle venue de l’extérieur (théorème de l’insuffisance ultime de Gödel). On obtient un changement de type II.
Dérivée de la théorie des types logiques de Russell une définition diachronique précise qu’une classe ne peut pas être un élément de la classe des éléments : Il y a la classe de chats et celle des non chats. Prenons la classe des concepts et celle des non concepts, la classe des non concepts est-elle un concept ? Cette théorie affirme que l’on peut prendre une position à un niveau de logique supérieur plus abstraite qui peut permettre de critiquer les règles de fonctionnement du système et donc de le faire évoluer. C’est ce qui se passe quand l’anorectique réalise qu’elle ne dirige rien mais qu’elle obéit à quelque chose de supérieur. Lorsque de dictateur tout puissant elle se voit esclave d’une entité qui la dépasse, elle est prête à demander et peut-être à accepter de l’aide. Le système se liquéfie, sa rigidité et son étroitesse s’assouplissent, les barrières jusques là hermétiques se fissurent, des ouvertures vers le milieu commencent à apparaître. (Le milieu dans un système c’est tout ce qu’il y a autour, le milieu médical).
Merci pour cette exposè
A l’attention de René Nuri…
Bonjour, Merci pour votre article très intéressant pour les rapprochements qu’il opère. La référence de Mackenzie (citée au sujet de l’idéologie du contrôle) est-elle bien celle ci ? :
Mackenzie M. The pursuit of slenderness and addiction to self-control. In : Weininger J and Briggs GM, eds. Nutrition Update. 2nd vol (pp 173-194). New York : John Wiley & Sons ; 1985
Disposeriez-vous d’un exemplaire de ce chapitre et serait-il possible d’une manière ou d’une autre de m’en passer une copie (votre prix sera le mien) car je ne trouve cet ouvrage nul part (dans sa seconde édition). Merci d’avance LLS
LLS j’ai mis u temps à vérifier les commentaires, désolé. La référence exacte est la suivante: Mackenzie M. The pursuit of slenderness and addiction to self-control, Nutrition update, vol. 2, 1985, p. 173-194; L’article de Servais sans problèmes; Ses références: revue internationale de systémique Vol. 7, N°4, 1993, pp.385 à 418.
Il existe un laboratoire qui continue les recherches dans l’espoir de trouver de nouveaux traitements pour soigner l’anorexie mentale.
Pour les soutenir merci de consulter
anorexie-recherches.com
Ayant une fille anorexique boulimique alcoolique de surcroit
je suis à la recherche de thérapeutes qui pourraient l’aider et travailler avec une approche intéressante comme celle-ci me parait l’être.
Je vois que je suis sur un site EMDR.
Y a-t-til des thérapeutes qui travaillent à la fois avec cette approche thérapeutique et l’EMDR ? Je suis vers Montpellier.